L’abyssal effet intrusif de la loi sur le renseignement au détriment de tous nos secrets

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Anne Salzer, AvocatAnne Salzer, Avocat, nous propose un article sur la loi sur le renseignement et les dangers que le texte fait peser sur le secret professionnel des avocats.

La loi n° 2015-912 relative au renseignement promulguée le 24 juillet 2015, dans cet été particulièrement ensoleillé, après une censure relative du conseil constitutionnel, fait débat !

Un débat renchéri par son décret d'application paru le 1er octobre 2015 sur le cadre de la saisine du Conseil d'Etat qui n'est pas très éclairant, ni rassurant.

A vrai dire, cette loi valide et assure aux services de renseignement le fait d'agir grâce à des techniques de recherches démultipliées, densifiées et éminemment plus efficaces (votre profil en 7 minutes au lieu de 7 jours).

Son champ d'application est la sécurité intérieure et l'intégrité du pays. Après le chaos de ce début d'année, quoi de plus normal pour l'opinion publique.

Pourtant, son champ de compétence concerne 5 ministères : Celui de l'intérieur, celui de la défense – normal ! - mais aussi ceux de l'économie, du budget et des douanes. Autant dire un champ très large.

Les marges de manœuvre et d'action sont aussi facilitées par les voies de recours qui sont très restrictives et pratiquement inatteignables. C'est d'ailleurs sur ce point et en ce sens que le Bâtonnier du Barreau de Paris a très récemment saisi la CEDH sur le texte.

D'abord, les saisines internes sont conduites par le Premier Ministre auprès d'une commission créée à cet effet – La commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), Autorité Administrative Indépendante composée de 9 membres (2 députés, 2 sénateurs, 2 membres du Conseil d'Etat, 2 membres de la Cour de cassation et un 9ème homme – expert désigné sur proposition de l'ARCEP). Après la première loi sur ce sujet datant de 1991 et la création de la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, peu efficace, l'interrogation sur cette nouvelle commission, sa marge de manœuvre et son indépendance est totale.

De plus, le juge judiciaire, classiquement gardien de nos libertés fondamentales, est banni de ce contrôle.

Enfin, le juge administratif, déjà introduit par les lois Cazeneuve de Novembre dernier sur la régulation des trafics sur Internet, est à nouveau mis à contribution mais à son plus haut niveau et par une saisine directe et complexe, vers le Conseil d'Etat.

Et les gardes fous dans tout cela. Ceux liés au secret professionnel, celui de l'avocat notamment. Ils sont dans tous leurs états.

D'abord, c'est après des discussions parlementaires et des auditions qu'un article régulateur a été codifié – l'article L.821-7 prévoyant un régime spécial pour 4 professions : "Un parlementaire, un magistrat, un avocat ou un journaliste ne peut être l'objet d'une demande de mise en oeuvre, sur le territoire national, d'une technique de recueil de renseignement mentionnée au titre V du présent livre à raison de l'exercice de son mandat ou de sa profession."

Il poursuit en précisant que lorsqu'une demande concerne l'une de ces personnes ou ses véhicules, ses bureaux, ses domiciles, l'avis de la CNCTR est examiné en formation plénière.

Or, il ne s'agit là que d'un avis qui en plus ne lie pas le Premier Ministre.

Surtout le juge, première gardien de nos libertés, est évincé.

En plus, si nos cabinets sont protégés, ceux de nos confrères transfrontaliers assurément pas.

Surtout cette protection est relative lorsque les services de renseignement écoutent nos clients. L'effet ricochet est fatal.

Bref, notre secret professionnel est menacé. A défaut de nous bâillonner, nous sommes réduits à devenir muets ou fins manipulateurs des nouveaux algorithmes face à l'abyssal effet intrusif de cette loi sur le renseignement.

A l'aune de nouveaux paradigmes, après les community manager, les legaltech manager, il faudra peut-être embaucher dans nos cabinets des security manager si nous voulons protéger notre secret professionnel !

Anne Salzer, Avocat au barreau de Paris,
gérante du cabinet boutique Salzer Avocats - candidate au conseil de l’Ordre les 15 et 16 décembre 2015

La loi 2015-912 relative au renseignement promulguée le 24 juillet 2015, dans cet été particulièrement ensoleillé, après une censure relative du conseil constitutionnel, fait débat !

Un débat renchéri par son décret d’application paru le 1er octobre 2015 sur le cadre de la saisine du Conseil d’Etat qui n’est pas très éclairant, ni rassurant.

A vrai dire, cette loi valide et assure aux services de renseignement le fait d’agir grâce à des  techniques de recherches démultipliées, densifiées et éminemment plus efficaces (votre profil en 7 minutes au lieu de 7 jours).

Son champ d’application est la sécurité intérieure et l’intégrité du pays. Après le chaos de ce début d’année, quoi de plus normal pour l’opinion publique.

Pourtant, son champ de compétence concerne 5 ministères : Celui de l’intérieur, celui de la défense – normal ! -  mais aussi ceux de l’économie, du budget et des douanes. Autant dire un champ très large.

Les marges de manœuvre et d’action sont aussi facilitées par les voies de recours qui sont très restrictives et pratiquement inatteignables. C’est d’ailleurs sur ce point et en ce sens que le Bâtonnier du Barreau de Paris a très récemment saisi la CEDH sur le texte.

D’abord, les saisines internes sont conduites par le Premier Ministre auprès d’une commission  créée à cet effet – La commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), Autorité Administrative Indépendante composée de 9 membres (2 députés, 2 sénateurs, 2 membres du Conseil d’Etat, 2 membres de la Cour de cassation et un 9ème homme – expert désigné sur proposition de l’ARCEP). Après la première loi sur ce sujet datant de 1991 et la création de la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, peu efficace, l’interrogation sur cette nouvelle commission, sa marge de manœuvre et son indépendance est totale.

De plus, le juge judiciaire, classiquement gardien de nos libertés fondamentales, est banni de ce contrôle.

Enfin, le juge administratif, déjà introduit par les lois Cazeneuve de Novembre dernier sur la régulation des trafics sur Internet, est à nouveau mis à contribution mais à son plus haut niveau et par une saisine directe et complexe, vers le Conseil d’Etat.   

Et les gardes fous dans tout cela. Ceux liés au secret professionnel, celui de l’avocat notamment. Ils sont dans tous leurs états.

D’abord, c’est après des discussions parlementaires et des auditions qu’un article régulateur a été codifié – l’article L.821-7 prévoyant un régime spécial pour 4 professions: « Un parlementaire, un magistrat, un avocat ou un journaliste ne peut être l’objet d’une demande de mise en oeuvre, sur le territoire national, d’une technique de recueil de renseignement mentionnée au titre V du présent livre à raison de l’exercice de son mandat ou de sa profession. »

 

 

 

Il poursuit en précisant que lorsqu’une demande concerne l’une de ces personnes ou ses véhicules, ses bureaux, ses domiciles, l’avis de la CNCTR est examiné en formation plénière.

Or, il ne s’agit là que d’un avis qui en plus ne lie pas le Premier Ministre.

Surtout le juge, première gardien de nos libertés, est évincé.

En plus, si nos cabinets sont protégés, ceux de nos confrères transfrontaliers assurément pas.

Surtout cette protection est relative lorsque les services de renseignement écoutent nos clients. L’effet ricochet est fatal.

Bref, notre secret professionnel est menacé. A défaut de nous bâillonner, nous sommes réduits à devenir muets ou fins manipulateurs des nouveaux algorithmes face à l’abyssal effet intrusif de cette loi sur le renseignement.

A l’aune de nouveaux paradigmes, après les community manager, les legaltech manager, il faudra peut-être embaucher dans nos cabinets des security manager si nous voulons protéger notre secret professionnel !


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