Les initiatives de l’Amérique latine à l’aube de la COP21

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environnementPatricia Cuba-Sichler, avocate aux barreaux de Paris et de Lima, Responsable du Desk Amérique Latine de DS Avocat rédige un article sur les initiatives de l’Amérique latine à l’aube de la COP21.

A l’approche de la COP21 qui se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015, les Etats parties à la Convention-cadre des nations unies sur le changement climatique - CCNUCC, multiplient les déclarations et se fixent de nouveaux objectifs en matière de lutte contre le réchauffement climatique. L’objectif de la COP 21 étant celui de parvenir à la signature d’un accord global et contraignant, applicable dès 2020, afin de limiter le réchauffement climatique en deçà de 2°C.

Parmi ces Etats, ceux de l’Amérique latine contribuent déjà activement à la lutte globale contre le réchauffement climatique même si le poids cumulé de leurs émissions reste encore faible (1). L’antagonisme d’une époque, caractérisé par une sorte de prise en otage du principe dit des « responsabilités communes mais différenciées » par quelques pays, semble révolu. L’Amérique latine accroît les actions qui présentent un intérêt certain dès lors que cette zone est au cœur des enjeux de la lutte contre le réchauffement climatique et du développement durable. L’extrême richesse de la biodiversité de la région, le rôle essentiel que joue la forêt amazonienne dans l’équilibre climatique, la multiplicité des écosystèmes et des climats (2)rendent cette région - et sa population - particulièrement vulnérable.

A titre d’illustration, le rythme de la perte des réserves glacières s’est accéléré dans les Andes. Au Perou, lors du premier inventaire des glaciers en 1970, la surface des glaciers était de 2041 km2, mais, en 2010, elle n’était que de 1299 km2 (3).

A ce patrimoine naturel menacé (4), s’ajoutent les enjeux de développement et de pauvreté subsistant dans certaines régions, notamment andines (5). Toutefois, le progrès et le dynamisme économique de certains pays du Sud est certain et se reflète par des taux de croissance soutenus et des IDE importants (6). Dans ce contexte, les entreprises sont invitées à participer activement à la lutte contre le réchauffement climatique et à intégrer le concept de développement durable et de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), dans leur gestion.

A la participation active de l’Amérique latine dans les débats internationaux sur le climat (I), s’ajoutent des initiatives nationales variées, et pour certaines d’entre elles « courageuses », impactant directement le monde des affaires (II).

La récente mesure adoptée par le Pérou, pays hôte de la COP20 en 2014, concernant la gestion du risque social et environnemental des entreprises à travers les organismes financiers en est un exemple. Cette mesure révèle une approche intéressante de la contribution des entreprises à la promotion du développement durable (III). Un retour d’expérience sur ces initiatives pourrait enrichir les débats et les négociations au sein de la COP21.

environnementPatricia Cuba-Sichler, avocate aux barreaux de Paris et de Lima, Responsable du Desk Amérique Latine de DS Avocat rédige un article sur les initiatives de l’Amérique latine à l’aube de la COP21.

A l’approche de la COP21 qui se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015, les Etats parties à la Convention-cadre des nations unies sur le changement climatique - CCNUCC, multiplient les déclarations et se fixent de nouveaux objectifs en matière de lutte contre le réchauffement climatique. L’objectif de la COP 21 étant celui de parvenir à la signature d’un accord global et contraignant, applicable dès 2020, afin de limiter le réchauffement climatique en deçà de 2°C.

Parmi ces Etats, ceux de l’Amérique latine contribuent déjà activement à la lutte globale contre le réchauffement climatique même si le poids cumulé de leurs émissions reste encore faible (1). L’antagonisme d’une époque, caractérisé par une sorte de prise en otage du principe dit des « responsabilités communes mais différenciées » par quelques pays, semble révolu. L’Amérique latine accroît les actions qui présentent un intérêt certain dès lors que cette zone est au cœur des enjeux de la lutte contre le réchauffement climatique et du développement durable. L’extrême richesse de la biodiversité de la région, le rôle essentiel que joue la forêt amazonienne dans l’équilibre climatique, la multiplicité des écosystèmes et des climats (2)rendent cette région - et sa population - particulièrement vulnérable.

A titre d’illustration, le rythme de la perte des réserves glacières s’est accéléré dans les Andes. Au Perou, lors du premier inventaire des glaciers en 1970, la surface des glaciers était de 2041 km2, mais, en 2010, elle n’était que de 1299 km2 (3).

A ce patrimoine naturel menacé (4), s’ajoutent les enjeux de développement et de pauvreté subsistant dans certaines régions, notamment andines (5). Toutefois, le progrès et le dynamisme économique de certains pays du Sud est certain et se reflète par des taux de croissance soutenus et des IDE importants (6). Dans ce contexte, les entreprises sont invitées à participer activement à la lutte contre le réchauffement climatique et à intégrer le concept de développement durable et de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), dans leur gestion.

A la participation active de l’Amérique latine dans les débats internationaux sur le climat (I), s’ajoutent des initiatives nationales variées, et pour certaines d’entre elles « courageuses », impactant directement le monde des affaires (II).

La récente mesure adoptée par le Pérou, pays hôte de la COP20 en 2014, concernant la gestion du risque social et environnemental des entreprises à travers les organismes financiers en est un exemple. Cette mesure révèle une approche intéressante de la contribution des entreprises à la promotion du développement durable (III). Un retour d’expérience sur ces initiatives pourrait enrichir les débats et les négociations au sein de la COP21.

I. La participation active de l’Amérique latine dans les débats internationaux sur le climat

I. La participation active de l’Amérique latine dans les débats internationaux sur le climat

L’implication et la participation des pays latino-américains dans le cadre des négociations internationales sur le climat, sont largement confirmées, pouvant citer comme exemple, le Mexique - premier pays latino-américain à avoir communiqué, le 28 mars 2015, sa Contribution Nationale Intentionnelle (INDC pour « Intended National Determinated Contribution ») - avait accueilli la COP16 à Cancún en 2010. Cette COP avait permis de reprendre espoir après la « désillusion » vécue par la communauté internationale lors de la COP de Copenhague en 2009 (7). La COP de Cancún a en effet, permis d’avancer dans les discussions sur des sujets très sensibles comme celui du financement, à travers le Fond Vert ou les mécanismes de projets.

Plus récemment, c’est le Pérou qui avait pris la responsabilité d’accueillir la COP20 à Lima, en décembre dernier, où a été adoptée la « Déclaration de Lima », texte base des négociations en cours en vue de l’accord qui sera débattu à Paris, en décembre prochain.

Investi de la Présidence de la COP20, le Pérou a su représenter les intérêts de l’Amérique latine au cours de ces négociations.

Enfin, le Brésil, septième économie mondiale et « géant de l’Amérique latine », ayant annoncé sa volonté de réduire de 37% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2025 et de 43% d’ici à 2030, joue un rôle moteur dans les débats et une volonté plutôt conciliatrice entre les bloques opposés lors des conférences passées.

A la participation de l’Amérique latine aux négociations internationales sur le climat s’ajoutent de nombreuses initiatives nationales prises par ces Etats.

II. Les initiatives latino-américaines en matière de climat et développement durable

II. Les initiatives latino-américaines en matière de climat et développement durable

Deux exemples méritent d’être soulignés : l’initiative prise par le Chili d’instaurer une taxe carbone et la nouvelle réglementation péruvienne pour la promotion d’une « finance durable ».

La présidente chilienne Michelle Bachelet a en effet promulgué, fin septembre 2014, un texte instaurant une taxe de 5 dollars (environ 4 euros) par tonne de CO2 rejetée par les installations d’une puissance d’au moins 50 mégawatts. Cette mesure s’inscrit dans le cadre des objectifs climatiques que s’est fixé l’Etat chilien en matière de politique climatique, dont notamment un objectif volontaire de réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020 par rapport au niveau de 2007. Cette nouvelle taxe carbone devrait entrer totalement en vigueur en 2018, après une mise en œuvre progressive. L’objectif de celle-ci est d’amener l’industrie de l’énergie a progressivement évoluer vers des sources d’énergies renouvelables et plus propres.

Cependant le Mexique fut le premier pays de la région à avoir pris l’initiative d’instaurer une taxe carbone, au début de l’année 2014. Le mécanisme mexicain, un peu plus élaboré que celui du Chili, permet aux entreprises mexicaines concernées d’utiliser les crédits de carbone, issus de ce mécanisme, pour réduire leur imposition. Un dispositif similaire a également été mis en place au Costa Rica à propos des carburants (8).

Ces mécanismes de tarification du carbone sont à rapprocher de ceux mis en place par de nombreux Etats à travers le monde. Ainsi, le mécanisme susvisé instauré par le Mexique prévoit un rapprochement avec des mécanismes similaires, plus mûrs, existants en Amérique du Nord, dans la perspective de créer un marché commun de quotas d’émissions de gaz à effet de serre. Un premier pas a été effectué en ce sens à travers une entente entre la Californie et le Mexique, en juillet 2014 (9).

Ces initiatives montrent que des mécanismes de participation/responsabilisation des entreprises, notamment celles des secteurs les plus polluants, sont en train d’être mis en place en Amérique latine. Un bon exemple de cette « mise à contribution » du secteur privé, s’appuyant sur les principes de la Responsabilité Sociale des Entreprises RSE, c’est la récente mesure approuvée au Pérou dite de « finance durable ».

En mars 2015, la Superintendencia de Banca, Seguros y AFP (SBS), l’autorité de régulation financière péruvienne, a publié la résolution n°1928-2015, concernant la gestion du risque social et environnemental. Cette norme, qui entrera en vigueur le 1er février 2016, impose des obligations de reporting aux établissements de crédit, dans le but de promouvoir, in fine, une finance durable.

La SBS péruvienne s’est inspiré d’une démarche volontaire proposée au niveau international : les Principes d’Equateur, élaborés en juin 2003 par un groupement d’établissements bancaires et financiers et ayant fait l’objet d’une révision en juin 2013 (10). Il s’agit donc d’un référentiel d’initiative privée, auquel les banques peuvent volontairement adhérer, et ayant pour objet la mise en place par les établissements signataires de procédures internes prenant en compte les enjeux environnementaux et sociaux dans leurs activités de financement de projet.

Les établissements signataires s’engagent à respecter dix principes comprenant notamment une prise en compte des parties prenantes (ou stakeholders) et un reporting transparent. Il s’agit donc d’un instrument international de soft law à destination du secteur de la finance.

Mais la nouvelle règlementation péruvienne va encore plus loin en ce qu’elle met à la charge des établissements bancaires une obligation annuelle de reporting, pouvant donner lieu à des sanctions de la part de la SBS. Il s’agit donc d’un véritable instrument de hard law, contraignant pour les entités concernées. Les acteurs du secteur financier concernés, s’agissant des projets de financement dépassant certains seuils, sont tenus de recueillir diverses informations sur le projet afin de l’évaluer, selon des critères sociaux et environnementaux, et le catégoriser en fonction du risque qu’il présente pour ces enjeux. Un « plan de gestion du risque social et environnemental » est alors élaboré afin de réduire les impacts négatifs du projet. Les établissements financiers vont donc introduire, en fonction de l’évaluation du projet, des clauses supplémentaires dans leurs contrats de crédit sur ce sujet.

Si des obligations de reporting sont déjà bien connues, notamment en France à travers l’article L. 225-102-1 du Code de commerce, l’initiative péruvienne est intéressante car elle déplace la charge de l’évaluation et du reporting sur les établissements bancaires et financiers, disposant de l’expérience et des moyens humains et matériels pour instaurer des procédures de gestion des risques sociaux et environnementaux, ce qui n’est pas toujours le cas des entreprises.

CONCLUSION :

Ces différentes initiatives latino-américaines méritent d’être évoquées dans le cadre de la COP21 comme des exemples novateurs, cherchant à harmoniser les outils financiers et les principes de la RSE, en vue d’instaurer des politiques de lutte contre le dérèglement climatique, plus inclusives et efficaces, en tenant compte des réalités locales.

Patricia Cuba-Sichler

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NOTES

1. En termes d’émissions de CO2 dues à la combustion d’énergie en 2012, la Chine atteignait 8 251 millions de tonnes CO2 (Mt CO2), les Etats-Unis atteignaient 5 074Mt CO2 et l’Amérique latine atteignait seulement 1 225 Mt CO2 selon le Rapport : « Chiffres clés du climat, France et Monde, Édition 2015 », Service des statistiques du ministère de l’écologie et du développement durable.

2. L’Amérique Latine et les Caraïbes sont les régions possédant la plus grande diversité biologique au monde. Le Brésil, la Colombie, l’Equateur, le Mexique, le Pérou et le Venezuela accueillent 60 à 70% de toute forme de vie sur Terre.

3. Instituto Nacional de Investigación en Glaciares y Ecosistema de Montañas - INAIGEM

4. Selon la FAO, sur la période 2010-2015, 2 millions Ha de forêt ont été perdus en Amérique du Sud

5. Ratio de la population pauvre disposant de moins de $ 1,25 par jour en Amérique Latine et Caraïbes : 4,6% en 2011. L’IDH de l’Amérique latine et des caraïbes était de 0,741 en 2013 selon le PNUD, Données du Banque Mondiale.

6. C’est le cas par exemple des pays de l’Alliance du Pacifique – le Chili, la Colombie, le Mexique et le Pérou – qui groupés représentent un marché de 216 millions de personnes, un PIB de 2,12 milliards de dollars US et affichent une croissance de 2,6%.

7. Alors que selon le calendrier initial de la CCNUCC, l’adoption d’un nouveau texte – remplaçant celui du Protocole de Kyoto – devait être adopté à la COP15 de Copenhague, seul un accord de principe a été signé proclamant la nécessité de limiter les émissions de CO2 à moins de 2°C.

8. http://www.journaldelenvironnement.net/article/chili-con-taxe-carbone,50775

9. Article « partenaire du Québec, La Californie tend la main au Mexique cf. http://www.ledevoir.com

10. http://www.equator-principles.com

 

A propos de l'auteur


patricia-cubasichlerPatricia Cuba-Sichler, Avocate aux barreaux de Paris et Lima, Responsable Desk América latina DS Avocats

Patricia Cuba-Sichler est plus particulièrement en charge des dossiers liés au contentieux des affaires et de droit de l’environnement, notamment, dans les domaines des pollutions et nuisances et de la gestion des installations classées. Elle s’intéresse également aux réglementations internationale, communautaire et nationale liées au changement climatique et plus particulièrement aux systèmes, volontaire et réglementaire, d’échange des quotas d’émission de gaz à effet de serre.




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