Laurence Fassier et Véronique Hardouin, avocates à la Cour, analysent la combinaison de la raison d'être, introduite récemment par la loi Pacte dans le droit français, et le procédé de règlement des conflits qu'est le processus collaboratif.
Deux ans se sont écoulés depuis le dépôt du rapport de Nicole Notat et Jean-Dominique Senard, intitulé « L’entreprise, objet d’intérêt collectif » qui a présidé à l’esprit de la loi PACTE promulguée en mai 2019. La notion de « raison d’être » a fait couler beaucoup d’encre : ferment d’une refonte du capitalisme pour certains, gadget marketing pour d’autres. Quelle que sera l’analyse retenue d’ici quelques années, il peut d’ores et déjà être intéressant d’explorer la façon dont cette « raison d’être » peut soutenir et engager l’entreprise à adopter un comportement loyal, éthique, responsable à l’égard de ses partenaires et - souhaitons-le - de ses collaborateurs et ce, en utilisant notamment un outil juridique innovant, le processus collaboratif..
La raison d’être désigne l’ambition d’intérêt général qu’entendent poursuivre les dirigeants. Ainsi, un certain nombre d’entreprises en ont déjà adopté. L’examen des raisons d’être choisies montre que les entreprises se positionnent sur des questions d’intérêt général ou des enjeux qui paraissent aller au-delà de la recherche du profit à court terme. La notion de lucrativité ne disparait pas mais l’entreprise se donnerait pour objectif d’associer résultats économiques et missions d’intérêt général, missions qui vont se matérialiser par la formalisation et la prise en compte d’objectifs sociaux et environnementaux.
Comment les entreprises vont-elles définir leur raison d’être et aligneront-elles actions et stratégie ?
Nous proposons que les entreprises fassent le choix d’inscrire le recours systématique aux modes amiables pour réguler leurs différends, voire même anticiper les contentieux avec un recours, en amont, au processus collaboratif. Ce choix vertueux inscrira l’entreprise dans le refus de combats judiciaires ou arbitraux souvent vains, toujours couteux et fréquemment insatisfaisants.
Pour mémoire, le processus collaboratif créé au début des années 1990 aux Etats-Unis est une méthode de négociation contractuellement encadrée et un mode alternatif de résolution des différends. Il permet aux parties assistées de leurs conseils d’élaborer en toute sécurité une solution globale à tout ce qui les séparent et/ou les met en difficulté dans une situation donnée. Et c’est par un véritable engagement contractuel (signature d’un contrat collaboratif) que les parties vont être liées.
Innovant par sa configuration (équipe de négociation constituée a minima des deux avocats et des deux parties, ce qui le différencie de la médiation et de sa relation triangulaire), terriblement efficace (+ 90 % de réussite), cette méthode de négociation et de résolution des différends repose sur des principes/valeurs attractifs dans un monde en demande d’éthique et de conscience : loyauté, transparence, confidentialité renforcée. Au-delà de la posture, ces valeurs sont contractualisées dans le contrat collaboratif.
Dès lors, les entreprises ont tout intérêt à inscrire dans leur raison d’être la volonté forte et clairement exprimée de recourir, pour toute gestion de différend, au processus collaboratif. Ce choix, pour éviter tout risque de dénaturation ou d’instrumentalisation, doit être concrétisé par une insertion systématique de clause contractuelle visant le recours au processus collaboratif avant tout contentieux.
Dans la même logique, et pour consacrer le recours au processus collaboratif, l’entreprise mettra son service juridique en ligne avec cet engagement.
Le processus collaboratif comme une des raisons d’être de l’entreprise, perspective enthousiasmante !
Laurence Fassier, avocate à la Cour, praticienne en processus collaboratif, vice-présidente de l'AFPDC, médiatrice et Véronique Hardouin, avocate à la Cour, praticienne en processus collaboratif et médiatrice.