Au-delà de la création d’un droit voisin des éditeurs de presse et des agences de presse et du rééquilibrage des rapports entre titulaires de droits et exploitant de plateformes de partage, la directive du 17 avril 2019 renforce la position des auteurs vis-à-vis des cessionnaires. Ces dernières dispositions viennent d’être transposées en droit français.
La directive 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique comporte des dispositions phares sur la création d’un droit voisin au profit des éditeurs de presse et des agences de presse et sur le régime de responsabilité des plateformes de partage publiant sans autorisation des œuvres protégées.
Elle comporte également des dispositions moins spectaculaires mais structurante pour les rapports entre les auteurs et artistes interprètes et leurs co-contractants en matière de rémunération, de transparence de l’exploitation et de résiliation pour non-exploitation.
Les dispositions relatives au droit voisin des éditeurs et agence de presse ont déjà fait l’objet d’une transposition par la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse.
C’est au tour des dispositions relatives à la responsabilité des plateformes de partage et à l’exploitation des droits des auteurs et des artistes interprètes de faire l’objet d’une transposition en droit français, avec l’ordonnance n°2021-580 du 12 mai 2021
D’autres dispositions de la directive (nouvelles exceptions et limitations au droit d’auteur, mécanisme facilitant l’octroi de licences…) feront l’objet d’une transposition par une autre ordonnance.
Nouvelles obligations pour les plateformes de partage
L’ordonnance introduit dans le code de la propriété intellectuelle de nouvelles obligations pour les fournisseurs de plateformes de partage de contenus en ligne comme YouTube.
Aux termes de ces disposition, les fournisseurs devront obtenir l’autorisation des ayants droit des œuvres mises en ligne et les rémunérer. A défaut d’autorisation, les fournisseurs devront rendre indisponibles les œuvres concernées.
Le dispositif est complexe et devra être complété par des dispositions règlementaires. De son côté, la Commission européenne a publié le 04 juin des lignes directrices sur l’application de ce dispositif destinées à assurer une application cohérente du dispositif dans tous les Etats membres.
Consolidation des droits des auteurs et des artistes interprètes
La directive définit un certain nombre de principes en matière de rémunération, de transparence, d’adaptation des contrats aux résultats de l’exploitation et de résiliation des contrats.
L’ordonnance intègre ces principes à la marge, le droit français étant déjà protecteur des auteurs. L’ordonnance intègre donc au code de la propriété intellectuelle des dispositions concernant :
- la révision de la rémunération proportionnelle prévue au contrat lorsque celle-ci s’avère exagérément faible par rapport à l’ensemble des revenus effectivement tiré de l’exploitation par le cessionnaire ;
- le renforcement des redditions de comptes annuels et de fourniture d’informations actualisées, pertinentes et complètes sur l’exploitation des œuvres concernées, notamment relatives aux modes d’exploitation, aux revenus générés et à la rémunération due ; ces obligations s’imposent aux cessionnaires et, dans certaines conditions, aux sous -cessionnaires ;
- la résiliation des contrat de cession en cas de non-exploitation des œuvres.
D’une manière générale, il est prévu que ces nouvelles obligations feront l’objet de précisions par voie d’accords professionnels ou, à défaut, par voie règlementaire.
Alignement de la protection des artistes interprètes sur celle des auteurs
Globalement, les droits reconnus par la directive le sont de manière identique pour les auteurs et les artistes interprètes. Cette approche diffère de l’approche adoptée en France lors de la création des droits voisins des artistes interprètes dont les droits étaient conçus comme subordonnés aux droits des auteurs. Notamment, la rémunération des artistes interprètes ne prévoyait pas le principe d’une rémunération proportionnelle.
L’ordonnance introduit donc au bénéfice des artistes interprètes une rémunération calquée sur celle des auteurs, soit le principe d’une rémunération proportionnelle avec la possibilité de prévoir une rémunération forfaitaire dans des hypothèses strictement encadrées.
Ces nouvelles dispositions vont entraîner des conséquences importantes sur les contrats de cession des droits des auteurs et des artistes interprètes en cours et surtout les contrats qui seront conclus à l’avenir. Il est donc nécessaire pour les sociétés qui travaillent avec les auteurs et les artistes interprètes de mettre à jour en profondeur leurs modèles de contrats de cession et leurs process de redditions de compte.
Jean-Christophe Ienné, avocat, directeur des pôles Propriété intellectuelle & industrielle, Médias & Audiovisuel et Internet | ITLAW Avocats