Les PFAS sont des perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées regroupant plus de 4 700 substances, dont les plus connues sont l’acide perfluorooctanoïque (PFOA ou C8) et le sulfonate de perfluorooctane (PFOS). Ces substances sont partout, même jusqu’aux tréfonds de l’Arctique. 99 % des habitants de la planète présenteraient des traces de PFOA dans leur sang1. En France, un rapport de l'Agence de sécurité sanitaire (Anses) de 2019 a révélé que le PFOA et le PFOS avaient été détectés dans 100 % des 744 adultes et 249 enfants testés.
Les PFAS, ces « substances éternelles » persistantes et bioaccumulables, sont-elles vouées à disparaitre un jour de notre quotidien ?
Leurs propriétés physico-chimiques les ont rendues incontournables. Elles sont résistantes aux chaleurs intenses ou aux acides, à l’eau et aux graisses, ce qui explique leur présence dans nombre de produits de consommation et applications industrielles, commercialisés depuis les années 19402.
On les retrouve principalement polymérisés dans les ustensiles de cuisine antiadhésifs, comme le téflon, pour fabriquer des emballages alimentaires, des mousses anti-incendie, des imperméabilisants pour l’industrie textile, ou encore pour améliorer la glisse des skis3, dans les antiadhésifs, les enduits, les détergents ainsi que dans les pesticides et insecticides.
Pourtant, elles sont a priori très néfastes pour la santé humaine et environnementale : extrêmement mobiles et persistantes dans l’environnement, les données scientifiques disponibles pour certains PFAS démontrent qu’ils sont reprotoxiques, affaiblissent le système immunitaire et augmentent le risque de développer des maladies cardiovasculaires, des cancers de la prostate, du rein ou encore des testicules4.
En tout état de cause, leurs persistances dans les organismes vivants et l’environnement rend tous les PFAS extrêmement préoccupants, même en l’absence de littérature scientifique.
L’usage de certaines de ces substances est de plus en plus restreint par la réglementation internationale et européenne, mais également par les industriels qui souhaitent trouver des alternatives5.
Doit-on pour autant s’attendre à une interdiction totale de l’ensemble de ces substances prochainement ?
En l’état actuel de la réglementation, seuls certains PFAS sont concernés et les interdictions de production et d’utilisation sont assorties de dérogations, pour la plupart, limitées dans le temps.
Les PFOS et les PFOA, reconnus comme des polluants organiques persistants (POP), sont les principales substances qui ont fait l’objet d’interdictions.
Leur production et utilisation ont été interdites respectivement en 2009 et en 2019 par la Convention internationale de Stockholm du 22 mai 2001, puis, lors de sa transposition par le Règlement (UE) 2019/1021 du 20 juin 2019 concernant les polluants organiques persistants (POP). Ce dernier a ainsi inscrit le PFOA à l’annexe I par l’acte délégué 2020/784 du 8 avril 20206.
Il est en principe interdit de fabriquer, mettre sur le marché et utiliser le PFOA, soit en tant que tel, soit dans des mélanges, soit dans des articles. Toutefois, par dérogation, la fabrication, la mise sur le marché et l’utilisation du PFOA, de ses sels et des composés apparentés au PFOA sont autorisées, entre autres, pour les procédés de photolithographie ou de gravure dans la fabrication de semiconducteurs jusqu’au 4 juillet 2025, pour les textiles hydrofuges ou oléofuges pour vêtements de protection des travailleurs contre les accidents du travail et les maladies professionnelles dus à des liquides dangereux jusqu’au 4 juillet 2023, pour les dispositifs médicaux invasifs et implantables jusqu’au 4 juillet 2025 ou encore pour la mousse anti-incendie destinée à la suppression des vapeurs de combustibles liquides et à la lutte contre les feux de combustibles liquides (feux de classe B), sous certaines conditions, jusqu’au 4 juillet 2025.
En raison des restrictions plus strictes prévues par le Règlement (UE) du 20 juin 2019 concernant les POP, le PFOA et le PFOS ont été retirés du Règlement (UE) n°1907/2006 du 18 décembre 2006 REACH (Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals que l’on peut traduire par Évaluation, Autorisation et Restrictions des Substances Chimiques). Ce Règlement, qui a pour objectif de remédier au manque actuel de connaissances sur les risques sanitaires et environnementaux découlant de la production et de l'utilisation de substances chimiques, soumet notamment la fabrication ou l'utilisation de toute substance en quantité supérieure à une tonne par an à un processus d'enregistrement.
Jugeant la réglementation applicable aux PFAS insuffisante pour prévenir les risques sanitaires et environnementaux engendrés, certains Etats ont déjà interdits certaines utilisations des PFAS. Depuis juillet 2020, le Danemark a interdit l’usage des PFAS dans les emballages alimentaires et le 16 juillet 2021, l'Etat de Maine, dans le Nord-Est des Etats-Unis, a promulgué une loi qui interdit, dès 2030, toute utilisation de polyfluoroalkylées, une première mondiale.
D’autres Etats œuvrent pour une évolution de la réglementation. Le 15 juillet 2021, l’Allemagne, les Pays Bas, la Norvège, la Suède et le Danemark ont ainsi soumis à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) leur intention de restreindre la fabrication, la mise sur le marché et l’utilisation de ce groupe de substances au travers du règlement REACH.
La Stratégie européenne sur les produits chimiques du 14 octobre 2020 énonçait aussi la restriction de tous les PFAS d'ici à 2025.
En l’état des connaissances actuelles des dommages sanitaires et environnementaux causés par les PFAS, il semble en effet urgent pour les pouvoirs publics d’agir, aux risques de voir leur responsabilité mise en jeu.
La question de la dépollution des milieux impactés par ces substances se posent également. Certaines études environnementales évaluent d’ores et déjà la présence de PFAS dans les sols et les eaux souterraines, mais cette pratique est loin d’être généralisée.
Des techniques de dépollution émergent, mais celle-ci n’est pas encore demandée par les pouvoirs publics. Les boues d’épuration faisant l’objet d’un épandage agricole ne doivent par exemple pas être exemptes de PFAS.
Un projet de recherche « Promisces » a été lancé le 1er novembre 2021 avec un budget de 12 millions d’euros sous la coordination du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) réunissant vingt-sept parties prenantes de neuf pays européens, afin de faire émerger de nouvelles technologies pour surveiller, prévenir et éliminer les polluants de l'environnement, y compris les PFAS, dans une approche d'économie circulaire.
Autre complication, leur migration et persistance dans les milieux rend l’identification des sources de pollution difficile.
En la matière, un premier pas a été franchi récemment en France avec la loi climat qui prévoit que le Gouvernement devra remettre au Parlement d’ici le mois d’août 2023, un rapport sur la pollution des eaux et des sols par les PFAS ainsi qu’une présentation des solutions applicables pour la dépollution des eaux et des sols contaminés7.
Précisons d’ailleurs que des valeurs seuils pour les PFAS sont encore inexistantes pour la dépollution des sols et des eaux souterraines.
Les seules valeurs seuils existantes concernent l’eau potable8, qui est de 0,1 µg/l pour une somme de 20 composés de la famille des PFAS et les aliments, qui est de 0,5 µg/l pour la somme de tous les PFAS et ceux définies par l'Autorité européenne de sûreté des aliments (Efsa), pour une dose hebdomadaire tolérable (DHT) de groupe de 4,4 nanogrammes par kilogramme de poids corporel.
Pour les eaux de surface, seul le PFOS présente une norme de qualité environnementale (NQE à 0,65 ng/L) et une concentration maximale admissible (CMA à 36 µg/L)9.
Dans l’attente d’une évolution de la réglementation, il ne peut qu’être conseillé aux producteurs et utilisateurs industriels de PFAS de trouver des alternatives viables, d’inclure les PFAS dans les études environnementales, notamment dans le cadre de dues diligences, et d’insérer des clauses d’exclusion ou de limitation de responsabilité dans les contrats de vente ou de bail. Des procès ont d’ailleurs d’ores et déjà été intentés, par exemple aux Etats-Unis, contre les producteurs de ces substances en raison des dommages causés10.
Jean-Pascal Bus, Associé et Cathy Morales Frénoy, Avocate, Norton Rose Fulbright
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[1] « Téflon : les molécules toxiques « s’incrustent partout, jusqu’aux tréfonds de l’Arctique », entretien avec Xavier Coumoul, 19 mai 2020
[2] « Téflon : les molécules toxiques « s’incrustent partout, jusqu’aux tréfonds de l’Arctique », entretien avec Xavier Coumoul, 19 mai 2020
[3] Fart au fluor dans le milieu du ski nordique : "un poison dit éternel, que le corps ne peut pas évacuer", enquête de l'Equipe Explore, 10 novembre 2021
[4] Agence Européenne pour l’Environnement ; US National Toxicology Program, (2016); C8 Health Project Reports, (2012); WHO IARC,(2017); Barry et al., (2013); Fenton et al., (2009); and White et al. (2011)
[5] Les industriels de la chimie ont créé le groupe Fluorinated Products and PFAS for Europe, en juillet dernier, pour faire le lien avec les autorités, les ONG et les scientifiques. Par ailleurs, 50 sociétés ont déjà rejoint le mouvement « Non aux PFAS » lancé par l'ONG suédoise ChemSec, reconnaissant que les PFAS représentent un problème majeur pour la santé et l'environnement.
[6] Règlement délégué (UE) 2020/784 de la Commission du 8 avril 2020 modifiant l’annexe I du règlement (UE) 2019/1021 du Parlement européen et du Conseil aux fins d’y inscrire l’acide perfluorooctanoïque (PFOA), ses sels et les composés apparentés au PFOA (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)
[7] Article 46 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets
[8] Directive 2020/2184 du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine entrée en vigueur le 12 janvier 2021
[9] Directive 2013/39 /UE du 12 août 2013 en ce qui concerne les substances prioritaires pour la politique dans le domaine de l’eau
[10] Divers procès intentés par l’avocat Rob Bilott contre le producteur DuPont , sujet du film « Dark Waters »