L'équipe municipale de l'ancienne mandature est chargée des affaires courantes durant la période transitoire, et ce en application d'un principe traditionnel de droit public.
Au lendemain du second tour des élections municipales, toutes les équipes municipales de l’ancienne mandature sont désinvesties de leurs fonctions, mais pour autant, leur remplacement ne peut être immédiat en raison de la nécessité d’organiser les premiers conseils municipaux.
Ainsi, il résulte d'un principe traditionnel du droit public consacré en 1952 par la jurisprudence que l'autorité désinvestie restée provisoirement en fonction est en charge de l'expédition des seules affaires courantes (CE, Ass, 4 avril 1952, Syndicat régional des quotidiens d'Algérie, n° 86015).
Ce principe a été posé afin d’éviter que des décisions importantes soient prises durant cette période transitoire par l’équipe sortante.
En revanche, la continuité du service public rend nécessaire la gestion habituelle et courante de l’administration par les équipes évincées, ceci afin d’éviter de tomber dans un immobilisme complet jusqu’à l’élection du nouveau conseil.
De même, l’organe délibérant d’un établissement public de coopération intercommunale, à la suite du renouvellement général des conseils municipaux des communes membres de cet établissement, ne peut gérer que les affaires courantes jusqu’à l’installation du nouvel organe délibérant issu de ce renouvellement.
Ainsi, il n’est pas sans intérêt de revenir brièvement sur cette notion d’ "affaires courantes".
Cette notion englobe toutes les mesures indispensables à assurer la continuité du service public, sans que ces mesures n'impliquent la mise en oeuvre d'un pouvoir décisionnel dépassant le strict nécessaire à la continuité du service, hormis situation d'urgence.
En effet, même durant cette période transitoire, toute décision peut être prise dès lors qu’il existe une urgence particulière s’attachant à sa réalisation.
Il est, en réalité, plus aisé de définir la notion d’affaires courantes a contrario : tout acte nécessitant une décision réfléchie, ayant un objet non commun, ou engendrant des
conséquences financières ou d’une nature importante pour la collectivité ne peut rentrer dans cette catégorie.
Concrètement, le seul fait pour des équipes municipales de s’interroger sur le fait de prendre une mesure ou non durant cette période transitoire doit conduire, selon nous, à s’abstenir de la prendre, dès lors que cette interrogation est le plus souvent le signe du caractère non courant de la décision envisagée.
La notion d’affaires courantes fait l'objet d'une appréciation "in concreto" par le juge administratif.
Ainsi, il ressort de la jurisprudence en la matière que constituent des affaires courantes, toutes décisions relevant de l’activité quotidienne et continue de l’administration.
Pour exemple, le Tribunal Administratif de RENNES a jugé que le maire de la commune de SAINT BRIAC a pu légalement délivrer un permis de construire visant à la construction d’un bâtiment d’accueil dans un camping caravaning le lendemain des élections municipales dès lors qu’il s’agissait d’une affaire courante (TA RENNES, 10 juillet 1985, n°831366).
Cependant, à notre sens, la délivrance d’une autorisation d’urbanisme portant sur un projet d’envergure ou médiatique ne pourra probablement pas être considérée comme la gestion d’une affaire courante.
Le juge administratif ne s’en tient, effectivement, pas à la seule nature intrinsèque de l’acte pris, mais examine la procédure nécessaire à la prise d’un tel acte et les conséquences qu’il est susceptible d’engendrer pour la collectivité et ses administrés.
Ainsi, le Tribunal Administratif de NANTES a jugé qu’un arrêté portant délimitation du domaine public fluvial, acte purement déclaratif, mais nécessairement précédé d’une enquête publique et comportant des effets directs à long termes (institution d’une servitude de marchepied) ne pouvait relever de la gestion des affaires courantes (TA NANTES, 5 juillet 2013, n°1105053).
De même, durant cette période transitoire, les commissions d’appel d’offres ne peuvent désigner des attributaires aux marchés publics que si en raison de son coût, de son volume et de sa durée, la conclusion du marché apparaît comme un acte de gestion habituelle des affaires locales et indispensable à la continuité du service public.
Tel n’est donc pas le cas d’un marché de génie civil relatif à la conception et à la construction d’un centre de valorisation énergétique (CE, 28 janvier 2013, n°358302) ou encore d’un marché portant sur la construction de 14 logements (CE, 29 janvier 2013, n°242196).
En définitive, la notion d’affaires courantes appelle à la sagesse des élus locaux durant cette période transitoire et pourrait constituer un nid à contentieux pour toutes les collectivités où les équipes en place n’ont pas été reconduites…
Par Christian Naux, Avocat Associé, et Raphaëlle Vautier, Avocat, Cabinet Cornet Vincent Ségurel (Département Droit public)