Dans un contexte de hausse du prix des matières premières et de crise énergétique, certaines entreprises sont face à des difficultés financières ou opérationnelles. Une réorganisation des priorités est alors nécessaire, au détriment parfois des investissements devant être consacrés aux programmes de mise en conformité RSE/ESG. Quelle place a la RSE dans les restructurations ? Comment concilier les deux problématiques ?
"Restructuring et RSE", tel était l'intitulé d'un atelier animé par Catherine Dombrowski, Directrice de la rédaction - LexisNexis, dans le cadre de la 11ᵉ édition des Débats du Cercle, qui s'est déroulée le jeudi 13 avril 2023 au Grand Hôtel Intercontinental Opéra à Paris.
La discussion a débuté par un exercice de définition : le retructuring, indique Nassim Ghalimi, Avocat associé en Droit des entreprises en difficultés / Restructuring - Osborne Clarke, est une discipline qui recouvre tout l'accompagnement des entreprises en difficulté, comprenant les procédures préventives d'une part, les procédures collectives d'autre part.
La RSE, contrainte ou opportunité ?
À l'origine "responsabilité sociale de l'entreprise", la RSE a été réinterprétée pour prendre le sens de "responsabilité sociétale et environnementale", observe Julia Maris, Directrice groupe pour la RSE - ENGIE. Elle est désormais intégrée au fonctionnement de l'entreprise, dans son cœur opérationnel.
La professionnelle met l'accent sur le pilier humain de la RSE, qui va bien au-delà des salariés de l'entreprise elle-même : il s'agit de prendre en considération l'ensemble des personnes concernées par les activités de l'entreprise (riverains, associations de défense de l'environnement, etc.), intégrées au périmètre de l'obligation de concertation de l'entreprise.
Quelle place pour la RSE dans les restructurations ?
Hélène Bourbouloux, Administrateur judiciaire, explique que les transitions qu'impliquent les obligations RSE génèrent potentiellement des chocs, lesquels peuvent le cas échéant mener vers des restructurations.
Or, le rapport au temps est diamétralement opposé entre le sauvetage des entreprises (l'urgence) et la RSE (le long terme). Ainsi, quand la priorité est au sauvetage, la RSE se trouve parfois suspendue s'agissant de son aspect environnemental.
l'administratrice judiciaire déplore à ce propos le fait que le droit européen exclut les entreprises en difficulté de certaines aides.
A contrario, il arrive que l'absence de prise en compte de certaines obligations mène à la défaillance. Ainsi l'affaire Orpea, où le non-respect des obligations sociales inhérentes aux Ehpad, allant en l'espèce jusqu'à la maltraitance, a engendré la défaillance du groupe après la rupture de ses crédits.
Si des défaillances peuvent être directement liées aux obligations RSE, ces contraintes peuvent aussi permettre à l'entreprise de faire des économies : économies d'énergie, télétravail, etc.
Réconcilier restructuring et RSE
Selon maître Ghalimi, le moyen de réconcilier restructuring et RSE réside dans le plan de cession. Ce dispositif, qui prévoit la reprise non pas de la société débitrice mais de son fonds de commerce, permet au repreneur de faire une offre sur un périmètre déterminé par lui. Il n'y a pas de transfert automatique des postes de travail mais l'établissement d'une liste : c'est le principe de l'économie circulaire.
Pour le choix d'un repreneur, le tribunal se fonde sur trois critères : la pérennité du projet, la sauvegarde de l'emploi et le désintéressement des créanciers. Pour Nassim Ghalimi, l'aspect environnemental va constituer un quatrième critère que le législateur va intégrer au code de commerce.
S'agissant justement de l'avenir, Julia Maris alerte sur la nécessité d'anticiper les obligations issues de la nouvelle directive CSRD sur le reporting de durabilité des sociétés d'une part, et de la taxonomie européenne d'autre part, laquelle vise à qualifier les activités économiques selon leur niveau de durabilité.
Il s'agit pour elle rien de moins qu'une réécriture du paysage du financement de l'entreprise.
Inutile de préciser que les directions juridiques ont du pain sur la planche...
Pascale Breton