L'Assemblée nationale termine la première lecture du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme. Il comporte plusieurs dispositions renforçant les pouvoirs de police au point de créer des exceptions aux libertés individuelles et à l'État de droit, au nom de l'impératif légitime de la sécurité nationale. L'Ordre des avocats de Paris réaffirme sa vigilance sur les dérives vers un "Patriot Act à la française" que comportent certaines dispositions de ce texte.
"Celui qui est prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, disait Thomas Jefferson. La lutte contre le terrorisme et le péril djihadiste s'honorerait en respectant les fondements de l'État de droit démocratique", réaffirme Pierre-Olivier Sur, bâtonnier de Paris. L'examen du projet de loi "Terrorisme" à l'Assemblée nationale comporte une nouvelle série d'atteintes aux libertés publiques. Avec les dispositions de la loi de programmation militaire du 19 décembre 2013 et celles de la loi Géolocalisation du 28 mars 2014, elle accentue les risques de dérive vers un "Patriot Act à la française".
Perquisitions "informatiques" de données personnelles à distance, décryptage de données protégées, interceptions de conversations sur des réseaux de type Skype et extension de la durée de conservation par la police judiciaire des données collectées dans le cadre des interceptions de sécurité (conversations téléphoniques, SMS, courriels, chats, réseaux sociaux, tchats...): ce projet de loi met en place des moyens inédits de surveillance généralisée des citoyens.
L'Ordre des avocats de Paris soutient sans ambiguïté les efforts du Gouvernement dans sa lutte contre le terrorisme. Mais l'extension des pouvoirs de police pour atteindre cet objectif de sécurité nationale doit être nécessairement accompagnée, en parallèle, par le renforcement du contrôle par des juges indépendants sur ces nouveaux procédés d'intrusion dans la vie privée des citoyens.
"Le juge le plus à même d'exercer ce contrôle, dans la chaîne de l'enquête pénale, c'est le juge des libertés et de la détention (JLD)" explique le bâtonnier de Paris. "Ce projet de loi sur le terrorisme, qui ne prévoit pas de contrôle par le JLD, porte donc en lui les germes d'un Etat de droit à plusieurs vitesses où l'exception et l'arbitraire viennent se substituer à l'universalité des libertés individuelles."
"Nous attendons donc des parlementaires et du gouvernement qu'ils rétablissent cet automne le rôle du JLD dans les dispositions les plus liberticides de cette loi Terrorisme", déclare Pierre-Olivier Sur. Il s'agit aussi de garantir l'efficacité de ces nouvelles procédures : "lutter contre les pires terroristes du 21ème siècle avec un système judiciaire hérité du 19ème, c'est prendre le risque de perdre sur les deux terrains : celui de la lutte contre le djihadisme et celui des principes démocratiques. "
L'Ordre des avocats de Paris affichera la plus grande fermeté si l'instauration d'un "Patriot Act" à la française venait à se confirmer dans la poursuite de l'examen de la loi Terrorisme au Sénat, à quelques mois d'une nouvelle loi sur le Renseignement intérieur.