Live streaming : les télévisions américaines en rêvent… L’Europe l’a fait !

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Laurent Barissat, associé Clairmont AvocatsLe Monde du Droit a interrogé Laurent Barissat, associé de Clairmont Avocats spécialisé en Propriété intellectuelle, à propos de l'arrêt du 7 mars 2013 de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui définit le fait de retransmettre un contenu audiovisuel en live streaming sans autorisation du diffuseur original comme une contrefaçon.

Pouvez-vous nous rappeler le contexte de cet arrêt ?

Cet arrêt intervient suite à l’action de plusieurs diffuseurs de programmes télévisés britanniques à l’encontre de la société TVC, qui propose aux internautes de regarder des émissions télévisées en streaming depuis son site internet, quasiment en temps réel. L’accès à ce site internet est conditionné par la localisation de l’internaute sur le territoire britannique et la déclaration par les utilisateurs qu’ils possèdent une licence de télévision valable (comme un abonnement par exemple).

L’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne intervient suite à une question préjudicielle posée par la Haute Court du Royaume Uni sur l’interprétation de la notion de communication au public.

La CJUE a décidé que le droit exclusif des auteurs de communiquer une œuvre au public couvre la retransmission d’œuvres télévisuelles effectuées par un tiers autre que le radiodiffuseur original à ses abonnés par streaming, y compris si ces abonnés peuvent recevoir légalement les chaînes de télévision dont les œuvres sont retransmises. Le fait que les parties soient ou non en situation de concurrence directe est sans incidence sur cette solution.

La notion de "communication au public" est au cœur de cet arrêt. Quelle en est la définition ?

Cette notion est présente dans l’article L 216-1 du Code de propriété intellectuelle relatif au droit voisin des entreprises audiovisuelles. Il s’agit de la mise à disposition au public de signaux tels que des images, sons ou message de toute nature.

Cet arrêt remet-il en cause le statut d’hébergeur ?

Cet arrêt ne remet pas en cause le statut d’hébergeur. La question préjudicielle portait sur la notion de communication au public, le statut de TVC n’a donc pas été débattu.

En mai 2012, TF1 perdait sa bataille engagée contre YouTube pour contrefaçon : en quoi la diffusion en streaming, après la diffusion audiovisuelle, ne constitue-t-elle pas une infraction au droit d’auteur ? Quelles sont, juridiquement, les différences entre ces deux modes de diffusion ?

La diffusion non autorisée en streaming d’une émission constitue une infraction au droit d’auteur à condition que le titulaire démontre ses droits sur les émissions, leur caractère d’œuvres audiovisuelles et leur reprise par le site de streaming.
Dans la décision qui a opposée TF1 et LCI à Youtube, le tribunal n’a pas retenu la contrefaçon faute, pour les sociétés, de fournir la liste précise des programmes repris par Youtube et de démontrer qu’elles étaient les productrices ou les titulaires des droits sur les programmes.
Ainsi, la décision ne dit pas qu’il ne peut y avoir contrefaçon lorsqu’un site de streaming diffuse illégalement un programme, mais reproche aux deux sociétés de ne pas avoir suffisamment démontré qu’ils étaient titulaires des droits sur les programmes et de ne pas avoir suffisamment identifié les programmes en cause.

Pourquoi les chaînes américaines n’ont pas réussi juridiquement à interdire la diffusion en direct de leurs émissions sur Internet ?

En mars 2012, des chaînes de télévision américaines (Fox, CBS Corps, Walt Disney Co) ont engagé une action en justice contre le site internet AEREO pour violation de leurs droits d’auteur. Les utilisateurs du service en cause ont la possibilité, soit d’enregistrer les émissions proposées, soit de les visionner directement. Dans le premier cas, une copie complète du programme est crée sur l’ordinateur de l’internaute. Dans le second cas, les programmes sont visionnés en streaming à partir des serveurs d’AEREO.
Ce système est particulier : chaque internaute dispose d’une copie du programme dans un dossier réservé sur les serveurs d’AEREO.

Le 1er avril dernier la Cour d’appel de l’Etat de New York, a décidé que la retransmission par AEREO ne portait pas atteinte aux droits de propriété intellectuelle des chaînes de télévision. Ceci peut s’expliquer par la définition retenue de la "communication au public" par la juridiction. En effet, pour elle, la retransmission par AEREO ne constitue pas une communication au public dès lors que seul un utilisateur a accès à la copie du programme.

Ainsi, AEREO peut donc continuer à émettre en toute légalité. Les chaînes de télévision ont toutefois demandé à ce que cette affaire jugée par un "panel" de trois juges soit rejugée "en banc".

Enfin, que faut-il retenir de cet arrêt ?

L’arrêt de la CJUE a une double portée. Il vient clarifier la situation en décidant qu’en l’absence d’autorisation du diffuseur original ayant des droits d’auteur sur les programmes télévisés en cause la retransmission en streaming de ces programmes constituent une contrefaçon. Et il précise que la mise en œuvre du droit de communication d’une œuvre au public n’est pas subordonnée à l’existence d’un public nouveau dès lors que l’œuvre est transmise par un mode de communication différent de celui des précédentes transmissions.


Propos recueillis par Arnaud DUMOURIER


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