La lutte contre la corruption ne fait pas partie des priorités des entreprises

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argentLa lutte contre la corruption est vue par les entreprises comme un obstacle à la création de valeur selon une étude du cabinet d’avocats international Hogan Lovells.

La lutte contre la corruption ne fait pas partie des priorités des multinationales. En effet, l’étude du cabinet d’affaires international Hogan Lovells intitulée "Garder le cap - Piloter le risque de corruption" ("Steering the Course - Navigating bribery and corruption risk") révèle que la majorité d’entre elles (59 %) prône une culture dans laquelle les "bénéfices priment sur la prévention" et 44 % ne l’inscrivent pas à l’ordre du jour de leur Conseil d’Administration.

Cette situation, conjuguée à la volonté des entreprises de conquérir de nouveaux marchés et à la portée multi-juridictionnelle des autorités de contrôle telles que la SEC (Securities Exchange Commission) aux Etats-Unis et la SFO (Serious Fraud Authority) au Royaume-Uni, met la plupart des entreprises dans une situation où elles pourraient se voir infliger d'importantes amendes et faire l’objet de poursuites pénales.

antonin levy1"Alors que la France est régulièrement critiquée pour son manque d'efficacité en matière de lutte contre la corruption, elle semble aujourd'hui être en mesure de rattraper son retard. Le projet de loi Sapin II, qui sera bientôt discuté au Parlement, prévoit en effet la création d'une Agence nationale de détection et de prévention de la corruption ainsi que l'obligation pour les grandes entreprises de mettre en place un dispositif de prévention de la corruption. Ceci explique probablement pourquoi 63% des entreprises françaises que nous avons interrogées considèrent que la lutte contre la corruption est plus que jamais un défi", souligne Antonin Lévy, associé responsable de la pratique Droit pénal des affaires de Hogan Lovells à Paris.

Les bénéfices priment sur la prévention

Cette étude, menée auprès de plus de 600 directeurs juridiques et responsables de la conformité au sein d'entreprises internationales en Europe, aux Etats-Unis et en Asie, indique également que 59 % des responsables de la conformité soulignent que les collaborateurs ont peur de perdre leur emploi s’ils n'atteignent pas leurs objectifs, tandis que 57 % estiment que la pression commerciale constitue l’un des principaux défis à relever pour réduire le risque de corruption.

Par ailleurs, plus de la moitié (53 %) des responsables de la conformité ont des réticences liées aux procédures applicables en matière de conformité, qui empêchent les collaborateurs d'"accomplir leur travail", tandis que 53 % admettent que la lutte contre la corruption est perçue comme une complication superflue qui entrave les activités quotidiennes.

Difficultés de mise en œuvre

L’étude met également en exergue que la majorité des responsables de la conformité (66 %) estime que leur société élabore mieux les programmes de lutte contre la corruption qu’elle ne les met. Ces programmes présentent des lacunes dans plusieurs domaines essentiels, notamment lorsqu’il s’agit d’adapter les directives aux marchés locaux, de former le personnel et de veiller à ce que les responsables "donnent le ton".

Alors que deux tiers (60 %) des responsables de la conformité interrogés affirment que le manque de soutien dont souffre la lutte contre la corruption provient notamment de différences culturelles, 28 % des sociétés n’adaptent pas leur approche à leurs différents marchés et 43 % d’entre elles ne traduisent pas leurs programmes. Cela pourrait empêcher les collaborateurs de comprendre l’esprit ou certains détails de ces documents, laissant le soin à chacun de déterminer ce qui est acceptable en fonction de son propre sens moral et des pratiques locales.

Un déficit de formation du personnel

53 % des sociétés n’ont formé que la moitié de leur personnel, voire moins, à la lutte contre la corruption. Ce faisant, les entreprises passent à côté d'une occasion simple et efficace de faire en sorte que la lutte contre la corruption reste dans les esprits de leurs collaborateurs, en illustrant les directives avec des exemples concrets et en s’entraînant dans le cadre de scénarios réalistes.

Cette difficulté à faire de la lutte contre la corruption une priorité existe également au niveau des Conseils d’Administration : 40 % des responsables de la conformité admettent en effet que ce sujet ne figure pas parmi les priorités de leur PDG. 39 % des PDG ne soutiennent pas ouvertement la lutte contre la corruption au sein de leur entreprise, passant ainsi à côté d'une excellente occasion d’influencer le comportement de leurs collaborateurs.

"Les multinationales font face à un défi majeur : celui de convertir leurs principes en matière de lutte contre la corruption en orientations concrètes sur le terrain. Elles ont besoin de s’assurer qu’elles font ce que l’on attend d’elles d’un point de vue juridique, sur l’ensemble des territoires où elles sont présentes, et d’apporter la preuve qu’elles aident leurs collaborateurs à adopter les bons comportements et à reconnaître les pratiques qui relèvent de la corruption", explique Antonin Lévy.

"Dans un contexte où les régulateurs s’unissent dans le monde entier contre la corruption et où la répression est croissante – y compris sur des marchés où le risque est traditionnellement élevé, tels que la Chine, la Tanzanie, le Nigeria et certaines parties d’Amérique Latine – les multinationales ne peuvent pas laisser leur sort à la chance. Elles doivent prendre toutes les mesures nécessaires afin d’affirmer très clairement que la lutte contre la corruption fait partie intégrante de leur culture", poursuit-il.

Arnaud Dumourier (@adumourier)


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