Focus sur la réforme fiscale chilienne

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impots3Benoit Renard, responsable du French desk du cabinet Otero, présente un focus sur la réforme fiscale chilienne.

En marge de la visite de la Présidente de la République Chilienne à Paris au mois de Juin 2015, il est intéressant de faire une brève analyse du nouveau système fiscal chilien qui fut l´objet d´une réforme ayant fortement divisée l'opinion publique chilienne.

Michelle Bachelet, qui sera reçue par François Hollande au mois de Juin 2015, a débuté son second mandat présidentiel en entamant une profonde réforme fiscale. Bien que les motivations d´une telle réforme reposait, non pas sur la nécessité de réduire les déficits publicsmais sur le besoin de répartir plus équitablement les fruits de la croissance économique chilienne, François Hollande et Michelle Bachelet ont connu des débuts de mandats controversés marqué par des réformes fiscales augmentant sensiblement les impôts.

impots3Benoit Renard, responsable du French desk du cabinet Otero, présente un focus sur la réforme fiscale chilienne.

En marge de la visite de la Présidente de la République Chilienne à Paris au mois de Juin 2015, il est intéressant de faire une brève analyse du nouveau système fiscal chilien qui fut l´objet d´une réforme ayant fortement divisée l'opinion publique chilienne.

Michelle Bachelet, qui sera reçue par François Hollande au mois de Juin 2015, a débuté son second mandat présidentiel en entamant une profonde réforme fiscale. Bien que les motivations d´une telle réforme reposait, non pas sur la nécessité de réduire les déficits publicsmais sur le besoin de répartir plus équitablement les fruits de la croissance économique chilienne, François Hollande et Michelle Bachelet ont connu des débuts de mandats controversés marqué par des réformes fiscales augmentant sensiblement les impôts.

L´impôt sur les Sociétés n´existe pas au Chili

L´impôt sur les Sociétés n´existe pas au Chili

Le droit fiscal chilien est unique au monde. En effet, l´Impôt sur les Sociétés tel qu´on le connait en France n´existe pas à proprement parler.

Prenons, pour exemple, une société de droit chilien A assujettie à l´Impôt de Première Catégorie (qui a une fonction plus ou moins similaire à l´Impôts sur les Sociétés français) dont le taux normal est de 22.5 % sur le bénéfice imposable de l´année 2015. Si la Société A dégage un bénéfice de 100 euros au cours de l´année 2015, elle devra acquitter un montant de 22.5 euros au titre de l´Impôt de Première Catégorie.

Jusqu´à présent, aucune différence avec le système fiscal français n´est à souligner.

La différence réside dans le choix des actionnaires concernant l´affectation des bénéfices.

Les bénéfices mis en réserve bénéficient d´un régime de faveur

Les bénéfices mis en réserve bénéficient d´un régime de faveur

Rappelons que les bénéfices peuvent donner lieu à :

- Une distribution de dividendes,
- Une mise en réserve,
- Un report à nouveau.

Alors que le système français est indifférent concernant l´affectation des bénéfices, le résultat fiscal d´une société étant indistinctement taxé à 33.3%, le système chilien prévoit des traitements de faveurs selon la politique d'affectation des bénéfices choisie par l´actionnaire.

A supposer que la Société A, composée d´un seul actionnaire, ait choisi d´affecter tous les bénéfices de l´année 2015 sous forme de dividendes. L´unique actionnaire devraau moment de remplir sa feuille d´Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques («Impuesto Global Complementario »), déclarer un revenu de dividendes d´un montant de 100 euros. Imaginons, par ailleurs, que le taux d´imposition sur le revenu des personnes physiques applicable à l'actionnaire soit de 40%, il devrait, alors, être redevable d´un montant de 40 euros au titre de cet impôt desquels devront s´imputer un crédit d´impôts correspondant au montant acquitté au titre de l´Impôt de Première Catégorie (qui serait de 20 euros en suivant notre exemple). Par conséquent, l´actionnaire serait redevable d´un Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques d´un montant de 20 euros et le taux d´imposition total des dividendes serait de 40% payé pour moitié, via l´Impôt de Première Catégorie, et pour l´autre via l´Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques de l´actionnaire.

En revanche, si la Société A décide de mettre en réserve l´intégralité des bénéfices dégagés au cours de l´année 2015, l´actionnaire n´aura pas à déclarer ces sommes lors de sa déclaration de ses revenus au titre de l´Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques. Autrement dit, les bénéfices mis en réserve ne sont taxés qu´à hauteur de 22.5%.

En résumé, les montants acquittés par les sociétés de droit chilien au titre de cet impôt sont retracés dans un registre comptable spécifique, le « F.U.T » (« Fundo de Utilidades Tributables »). Ils fonctionnent comme un crédit d´impôts pour les actionnaires de l´entreprise lesquels bénéficient d´un régime très favorable :

- D´une part, leur part de bénéfices de l´entreprise n´est imposable au titre de l´Impôt sur le Revenu des Personnes Physiquesqu´à partir du moment où elle est distribuée.

- D´autre part, les montants acquittés par l´entreprise au titre de l´Impôt de Première Catégorie sont déductibles de l´impôt dû par leurs actionnaires à due concurrence de la part qui leur a été distribuée.

Une société chilienne est donc incitée à épargner dès lors que le taux d´imposition est plus élevé si la société distribue des dividendes aux actionnaires.

Un système fiscal unique au monde

Un système fiscal unique au monde

Cette différence de traitement concernant l´affectation des bénéfices est unique au monde.

Cette spécificité du droit fiscal chilien s´explique pour des raisons historiques et économiques. En effet, face à la crise économique et financière que traversait le Chili au début des années 80, le gouvernement de l´époque décida d'instaurer ce systèmeafin de favoriser l´épargne des sociétés.

Toutefois, la situation économique du Chili a considérablement évolué depuis 30 ans. Fort d´une croissance économique régulière, le Chili est devenu un pays plateforme des investissements étrangers en Amérique Latine. Le Chili a su, par ailleurs, profiter de l´essor de la demande de matières premières tels que le cuivre, dans les années 2000 afin d´accroitre sensiblement son développement.

La profonde mutation de l´économie chilienne a rendu son système fiscal obsolète et source d´injustices économiques et sociales. En effet, seules les grandes entreprises peuvent adopter une politique de mise en réserve de ses bénéfices, et sont, par conséquent, moins taxées que les P.M.E chiliennes.

C´est pourquoi, la réforme fiscale du gouvernement de Michelle Bachelet prévoit une réforme de son système fiscal en deux temps :

- Dans un premier temps, la réforme prévoit une hausse progressive et continue du taux d´imposition de l´Impôt de Première Catégorie qui est passé de 20% en 2014 à 22.5% en 2015 et qui sera de 24 % en 2016.

- La suppression du FUT, fin 2016, afin de taxer tous les bénéfices, peu important leurs affectations.

La taxation des bénéfices mis en réserve, objectif de la réforme

La taxation des bénéfices mis en réserve, objectif de la réforme

L´objectif de la réforme était de supprimer le FUT, et de taxer intégralement tous les bénéfices quel que soit l'affectation choisie. Objectif qui a été partiellement atteint si l´on prend en compte qu´à partir de 2017, les sociétés pourront opter pour l´un des deux systèmes d´impositions suivant :

- Système dit de « Revenu Attribué » (« Renta Atribuida »): L´actionnaire sera redevable par le biais de l´Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques de tous les bénéfices générées par l´entreprise, peu important leurs affectations. Autrement dit, si la Société A génère des bénéfices de 100 euros en 2017, la société paiera un Impôt de Première Catégorie de 25 euros (le taux d´imposition sera de 25%), et l´actionnaire devra payerl´Impôt sur le Revenu des Personnes Physique sur tous les bénéfices même s´ils ont été mis en réserve.A supposer que le taux d´imposition sur le revenu des personnes physiques de l´actionnaire soit de 35%, ce dernier devra payer 35 euros d´impôts sur le revenu desquels s´imputeront les 25euros préalablement versés au titre de l´Impôt de Première Catégorie. Le montant à verser par l´actionnaire sera donc de 10 euros, et le taux d´imposition global des bénéfices sera de 35%.

- Revenu dit « semi-intégré » (« Renta semi-integrada »): Les sociétés pourront opter pour conserver le système antérieur, actuellement en vigueur. Néanmoins, en choisissant cette option, le taux d´imposition de première catégorie sera, alors,de 27%, et le crédit d´impôt, à déduire de l’Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques de l´actionnaire, ne sera pas intégral. Seulement, 65% du montant payé au titre de l´Impôt de Première Catégorie pourra être déduit. Autrement dit, si la Société A dégage un bénéfice de 100euros, elle sera redevable d´un Impôt de Première Catégorie de 27 euros. L´unique actionnaire, s´attribuant les bénéfices intégralement en dividendes, devra payer au titre de l'Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques (à supposer que le taux d´imposition soit de 35%), 35 euros d'impôt desquels s´imputeront 17.55 euros (65% des 27 euros versés au titre de l´Impôt de Première Catégorie). L'actionnaire devra donc verser 17,45euros au titre de l´Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques. Par conséquent, l´impôt global payé sera de 44.45% des bénéfices.

En résumé, une société adoptant une politique favorisant la distribution de dividendes aura tout intérêt à opter pour le régime de « revenu attribué » tandis que si la société privilégie la mise en réserve des bénéfices, elle aura tout intérêt à choisir le régime des « revenus semi-intégré » qui prévoit une « exonération » d´impôts sur le revenu des personnes physiques des actionnaires.

En conclusion, cette réforme fiscale qui, au départ, se voulait simplificatrice du système fiscal ne fait qu´aggraver sa complexité en introduisant deux systèmes d´impositions différents.

Le gouvernement espère, toutefois, pouvoir récupérer 8.300 millions de dollars (USD) afin de financer des réformes de justice sociale visant à refonder, notamment, le système d´éducation chilien, qui est également source de discrimination. Un projet de réforme est d´ailleursen cours, et suscite déjà la fronde de l´opposition comme ce fut le cas pour la réforme fiscale.

Comme quoi, il n´y pas qu´en France, qu´un gouvernement se voit profondément affaibli par la mise en œuvre d´une réforme fiscale.

A propos de l'auteur


benoit-renardBenoît Renard, Avocat, Otero

Benoit Renard est un avocat français au Chili travaillant pour le Cabinet d´avocats Otero (www.otero.cl), partenaire de Granrut Avocats (www,granrut.com). Admis aux barreaux de Paris et de Madrid, il intervient aussi bien conseil qu´en contentieux sur des dossiers en français, en espagnol et en anglais.

 

 


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