Peut-on être avocat et agent sportif ?

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Frédéric Chhum - AvocatPar Maître Frédéric Chhum, avocat au barreau de Paris. Avocat spécialisé en droit social, notamment dans le domaine des médias, de la production et des nouvelles technologies, Frédéric Chhum a travaillé au sein des cabinets d’avocats d’affaires Sokolow, Dunaud, Mercadier & Carreras, Kahn & Associés et Deprez Dian Guignot, avant de créer son propre cabinet.

L’agent sportif est une personne habilitée, par une licence ou une autorisation de la fédération sportive à laquelle il est rattaché, à mettre en rapport, contre rémunération, joueurs professionnels et clubs, et à conclure des contrats relatifs à l’exercice rémunéré d’une activité sportive (principalement négociations de contrat de travail et transferts internationaux).

Du fait de l’importance des contrats signés, cette profession nécessite un encadrement spécifique par les autorités compétentes ; à cet égard, plusieurs projets ont récemment vu le jour, dont l’objet est de clarifier et limiter les conditions d’accès à cette profession.

De même, compte tenu de sa forte dimension juridique, s’est posée et se pose toujours avec la même acuité, la question de savoir si un avocat, ne peut pas, lui aussi, exercer la fonction d’agent sportif, voire même, lui redonner une certaine consistance éthique...

A ce sujet, les avis sont partagés et les débats sont virulents. Au coeur du problème se trouve la question de la compatibilité de la profession d’avocat - où les règles déontologiques, notamment celles du secret professionnel et du conflit d’intérêts, occupent une place prépondérante - avec l’exercice d’une activité d’agent sportif, à dominante commerciale et surtout beaucoup moins règlementée...

Exemption (ou non) de l’autorisation ou licence d’agent sportif pour l’avocat ?

1) La position des fédérations internationales


L’article 3 du règlement FIFA (Fédération Internationale de Football Association) sur les agents de joueurs, dans sa version récente, dispose que : « l’activité d’agent de joueurs ne peut être exercée que par des personnes physiques licenciées à cette fin par l’association concernée ».

Pourtant, certaines personnes ou professionnels sont exemptés de l’exigence d’être titulaire d’une licence. En effet, pour les avocats notamment, le règlement FIFA dispose qu’« un avocat légalement habilité à exercer conformément aux règles en vigueur dans son pays de résidence peut représenter un joueur ou un club lors de la négociation d’un transfert ou d’un contrat de travail ».

Quant à l’International Rugby Board (IRB), il renvoie, par exemple, à chaque fédération nationale le soin de règlementer l’exercice de la profession d’agent.

2) La loi française/le code du sport


La loi française quant à elle, ne cite pas expressément les avocats dans ses dispositions relatives à la profession d’agent sportif. A cet égard, l’article L.222-6 du Code du sport dispose : « toute personne exerçant à titre occasionnel ou habituel, contre rémunération, l’activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d’un contrat relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive doit être titulaire d’une licence d’agent sportif ». Aux termes de cet article L.222-6 du Code du sport, il n’existe donc pas de dérogation à l’obligation de posséder une licence d’agent sportif pour l’avocat.

L’opposition de deux philosophies juridiques

Le débat actuel qui porte sur la possibilité pour l’avocat de cumuler sa profession avec l’activité d’agent sportif prend une tournure davantage politique...

1) Proposition de loi « Martin » versus le Rapport Darrois


Si la proposition de loi n°310 (2007-2008), visant à encadrer la profession d’agent sportif et modifiant le code du sport, dite loi « Martin » du nom de son rapporteur, considère que l’avocat ne devrait en aucun cas être autorisé à exercer la fonction d’agent sportif, car cela « pourrait nuire fortement à la lisibilité de la profession d’agent », le rapport de la commission Darrois, d’avril 2009, sur l’évolution des professions du droit, affirme au contraire, que « le souhait d’une majorité d’avocats de rendre compatible leur profession avec celle d’agent sportif et agent artistique est raisonnable » (page 46-47 du rapport).

2) Position du Conseil de l’Ordre des Avocats du Barreau de Paris


Le 17 mars 2009, le Conseil de l’Ordre des Avocats de Paris a adopté un nouvel article P 6.2.03 du règlement intérieur du barreau de Paris pour rappeler que l’avocat peut être agent sportif.

L’article P 6.2.03 est rédigé comme suit : « Avant d’exercer l’activité d’agent sportif, l’avocat doit en faire la déclaration au bâtonnier. Il est tenu au sein de l’Ordre un registre des avocats agents sportifs. Dans son activité d’agent sportif, l’avocat reste tenu de respecter les principes essentiels et les règles du conflit d’intérêts ».

Le Conseil a, par ailleurs, déclaré avoir été informé qu’un nouveau projet de loi - élaboré par les services de la Chancellerie et consacrant la faculté pour l’avocat d’exercer accessoirement l’activité d’agent sportif -, était en cours de rédaction.


3) L’adoption du nouveau projet de loi


A ce jour, le nouveau projet de loi n’a toujours pas été validé par les deux assemblées ; il est, néanmoins, prévu en discussion, en séance publique, à l’Assemblée Nationale les 23 et 24 mars 2010. Seul le Sénat a adopté le 4 juin 2008 la nouvelle proposition de loi et la nouvelle rédaction de l’article L. 222-7 6° du code du sport adoptée par le Sénat est claire : « Nul ne peut obtenir ou détenir une licence d’agent sportif s’il exerce la profession d’avocat » ; la question n’est donc pas tranchée.

En conclusion, le débat sur la faculté pour l’avocat de cumuler son activité avec celle d’agent sportif se dirige de plus en plus vers une issue positive.

D’un point de vue disciplinaire, l’avocat, parce qu’il est soumis à la discipline de son Ordre, ne serait pas justiciable des fédérations sportives comme le sont les agents sportifs « classiques ». En revanche, comme à tous les agents sportifs, s’imposerait à lui l’obligation de plafonner ses honoraires à 10 % de l’intérêt financier du contrat négocié pour son mandant, le joueur professionnel.

Par ailleurs, si cette obligation de plafonnement des honoraires de l’agent sportif, va à l’encontre du principe de la libre fixation des honoraires de l’avocat, le conseil de l’Ordre a estimé qu’il n’y avait pas lieu cependant de s’opposer à cette disposition (qui figure dans le nouveau projet de loi adopté par le Sénat) car elle consacre une totale égalité entre les avocats cumulant l’activité d’agent sportif et les autres agents sportifs. L’issue du débat est, sans doute, proche.


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