Selon Pierre-Emmanuel Chevalier et Pierre Appremont, Avocats Associés, Wragge & Co, le cadre juridique découlant de la stratégie de l'investisseur, et non l'inverse, le choix du véhicule découlera de l'analyse concomitante de ces six critères : l'objet de l'opération, sa taille, sa fiscalité, son financement, sa gouvernance et sa liquidité.
Les véhicules d'investissement ne manquent pas pour les investisseurs souhaitant réaliser une opération immobilière. Pour autant, aucun d'entre eux ne se détache. Les cadres juridiques des véhicules non règlementés (SAS, SNC...) et règlementés (FCPR, OPCI et SIIC) répondent, en effet, à des enjeux stratégiques différents, qui en contraignent fortement l'usage. Un certain montage peut donc s'avérer judicieux pour une opération et parfaitement inadapté pour une autre. Dans ces conditions, la première étape - certainement la plus importante - consiste à identifier les paramètres-clés de l'opération envisagée. Bref, à se poser les bonnes questions. Ces critères qui sous-tendent le choix d'un véhicule d'investissement sont au nombre de six :
1- Activité, objet de l'opération
Si l'opération vise, en plus d'une activité strictement foncière (détention, gestion et cession), à réaliser des activités accessoires, telles qu'une exploitation de type hôtelier, un véhicule non règlementé sera généralement le plus adapté. De la même façon, les activités de promotion ou de marchand de biens qui impliquent des risques différents et des horizons d'investissement plus courts que la stricte détention foncière, disqualifieront a priori les véhicules règlementés.
2- Taille de l'opération
De la taille globale de l'opération et de l'investissement dépend la capacité d'absorber certains frais de gestion. L'utilisation de véhicules règlementés suppose dans la majorité des cas la présence d'une société de gestion et un formalisme spécifique forcément onéreux. Du fait des expertises périodiques souvent exigées dans certains véhicules (OPCI par exemple), la taille unitaire des actifs est également un élément clé dans la prise de décision. Pour cette raison, il convient de vérifier, au préalable, l'adéquation entre le volume global de l'opération et la capacité d'absorption des frais relatifs à la gestion au sens large, puis d'anticiper l'éventualité de réaliser une ou plusieurs opérations supplémentaires dans le temps.
3- Fiscalité
La première question à se poser concerne le besoin de transparence fiscale. La réponse n'est pas si évidente. Certains actionnaires (comme les entreprises d'assurance) répondent en effet à leurs propres règles fiscales, tandis que les économies fiscales réalisées sur les plus-values peuvent se faire au détriment d'une liquidité jugée plus stratégique. La typologie des actionnaires, et notamment leur origine géographique influeront également sur le besoin d'optimisation fiscale ou sur leur assujettissement à la taxe de 3%.
4- Financement
Chaque type de véhicule a une capacité d'endettement qui lui est propre (certains peuvent s'endetter alors que d'autres non – FCPR notamment). Si l'opération se traduit par l'acquisition d'un véhicule propriétaire et non de l'actif directement et si il n'existe pas de dette à refinancer, il sera mis en place une dette de type corporate plutôt qu'hypothécaire. Se posera alors la question de la garantie. Cette dernière est particulièrement cruciale dans le contexte bancaire actuel. La déductibilité des intérêts de la dette a, par ailleurs, été limitée en 2011 et peut désormais être perdue dans le cadre de montages complexes (la dette bancaire pouvant, au final, être assimilée à une dette intragroupe).
5- Gouvernance
La volonté d'agir seul, aujourd'hui et dans le futur, peut s'avérer primordiale pour certains investisseurs, et notamment pour certains family offices. L'éventualité d'un Club Deal impose, en effet, de trancher la question des décisions courantes, bien sûr, mais aussi des éventuels droits de véto; le risque ultime pour l'investisseur étant de se faire imposer des decisions sur lesquelles il n'a pas de prise. Une gestion conférée à un tiers – société de gestion par exemple – est un moyen de répondre à ces contraintes.
6- Liquidité
Du choix du statut du véhicule et de la rédaction du pacte d'actionnaires (call, put, drag along...) découleront les conditions de sortie de l'investisseur. A noter que les risques de décote sont nombreux, notamment pour les minoritaires.
Ces paramètres sont intimement imbriqués et ne doivent donc pas être étudiés indépendamment les uns des autres. Le cadre juridique découlant de la stratégie de l'investisseur, et non l'inverse, seule l'analyse concomitante de ces six critères sous un angle prospectif permettra l'identification du véhicule d'investissement idoine et du montage juridique afférent.
Pierre-Emmanuel CHEVALIER et Pierre APPREMONT, Wragge & Co