Ce troisième volet de l'analyse consacrée à la rupture anticipée des relations contractuelles appréhende les modalités de mise en œuvre du droit de rompre à respecter afin de minimiser les risques financiers encourus lors de ce processus.
1. EN CAS DE MANQUEMENTS CONTRACTUELS, CONSTITUER UN DOSSIER A SON AVANTAGE
Notifier les manquements dès leur apparition
Dès que l'un des partenaires n'exécute pas ses obligations il est impératif de lui notifier immédiatement ses manquements par écrit. Si les manquements persévèrent, il faut notifier aussi souvent que nécessaire. Ces courriers permettront de prouver les inexécutions invoquées.
Rester courtois malgré les manquements de son partenaire
Tout courriel ou courrier irrespectueux pourra être utilisé par la partie adverse dans le but d'invoquer des menaces ou une mauvaise foi de la partie souhaitant se désengager. Il convient donc d'être vigilant même si la communication écrite doit être privilégiée car c'est la seule qui a une réelle valeur probante.
Mettre en demeure son partenaire de s'exécuter
Lorsque l'inexécution contractuelle perdure, il convient de mettre en demeure son partenaire de s'exécuter. En présence d'une clause résolutoire, il faut rédiger un courrier avec accusé de réception en mentionnant la clause, puis en énumérant les manquements reprochés. Les délais accordés au partenaire pour qu'il cesse les manquements seront clairement énoncés.
La clause doit être mise en œuvre de bonne foi. Ainsi, la mise en demeure doit laisser la possibilité réelle à son destinataire de s'exécuter. On évitera donc d'envoyer un commandement lorsque les locaux du prestataire sont fermés ou encore de lui laisser un délai qui ne lui permettrait pas de mettre un terme à son inexécution à temps.
En cas de rupture judiciaire, la demande en justice vaut mise en demeure. Toutefois, la demande sera d'autant mieux justifiée que la partie sera à même de prouver que plusieurs chances ont été accordées au partenaire pour lui permettre de régulariser sa situation, sans qu'elles aient été suivies d'effets.
2. EN CAS DE RUPTURE POUR CONVENANCE PERSONNELLE, PERMETTRE A SON PARTENAIRE DE LIMITER SON MANQUE A GAGNER
Continuer à exécuter ses obligations durant la période de préavis
Lorsque la rupture a lieu à défaut de toute inexécution contractuelle de son partenaire, un délai de préavis, à l'issue seulement duquel la rupture prendra effet, doit lui être notifié. L'article L. 442-6, I, 5° du Code de Commerce sanctionne en effet le fait de rompre brutalement une relation commerciale établie, sans préavis tenant compte de la durée de cette relation.
Ce préavis est une période de sécurité qui permet au partenaire de réorganiser son activité afin de minimiser les conséquences de la fin du contrat. Durant cette période, il est donc primordial de continuer à exécuter de bonne foi le contrat, sous peine de voir sa responsabilité engagée.
Evaluer la durée adéquate du préavis
La durée du préavis dépend de l'ancienneté des relations commerciales. Toutefois, la jurisprudence tient parfois également compte des investissements réalisés par le partenaire, du temps nécessaire à sa reconversion, voire de sa dépendance économique vis-à-vis de l'auteur de la rupture.
Les tribunaux prennent en compte les délais de préavis qui ont été stipulés. Toutefois, les juges peuvent décider qu'eu égard aux critères susmentionnés, ils doivent être allongés. En gage de bonne foi, il peut s'avérer intéressant de proposer d'allonger de quelques mois le délai qui avait été contractuellement prévu.
Il est délicat de conseiller une durée adéquate de préavis à respecter. Les solutions jurisprudentielles reposent en effet sur des analyses au cas par cas qui ne peuvent être généralisées. Avant toute décision de rompre, il convient donc d'analyser la jurisprudence correspondant au secteur d'activité concerné et de recenser les décisions rendues dans des situations comparables à celle rencontrée.
Connaître les sanctions encourues
En cas de non-respect d'un préavis raisonnable, l'auteur de la rupture peut engager sa responsabilité délictuelle, sous réserve que son partenaire démontre qu'il a commis une faute ayant entrainé un préjudice. Ce préjudice est calculé en fonction de la marge brute qui aurait pu être réalisée par le partenaire durant la période de préavis qui aurait dû être respectée. Certaines juridictions ont admis une réparation supplémentaire en cas d'investissements importants réalisés par le partenaire juste avant la rupture. On évitera ainsi d'inciter son partenaire à réaliser des investissements si l'on sait qu'une rupture est envisagée dans un futur proche. Par ailleurs, tout acte de dénigrement ou de concurrence déloyale sont à proscrire. Un préjudice spécifique pourrait en effet être octroyé à ce titre.
Constance Tilliard et Sylvie Gallage-Alwis - Hogan Lovells, Paris