Le Monde du droit vous présente une contribution de Lisiane Fricotte, Consultante en protection sociale - Droits de l'Homme et libertés publiques, chargée d'enseignement IAE Poitiers, Université Marne la Vallée, sur la retraite de base.
L'entreprise confrontée aux questionnements des futurs retraités
Au 1 er avril de chaque année, des coefficients de revalorisation sont publiés. Ils servent à revaloriser les pensions mais aussi les salaires qui serviront au calcul des futures pensions (CSS art L 351-11 ; circulaire Cnav 2012-35 du 17 avril 2012). Chaque retraité en mesure directement l'impact sur le montant de sa retraite. Par contre l'effet est moins visible pour le salarié dont la retraite est une cible plus lointaine. Pourtant, les incidences sont importantes car ce coefficient affecte directement le niveau des futures retraites.
Une formule de calcul à géométrie variable...
Rappelons que le calcul de la retraite du « régime général » (secteur privé) se détermine par l'application d'une formule :
P = SAM X taux X Durée d'assurance / durée de référence
P est le montant de la pension de base (non compris les majorations);
SAM est le salaire annuel moyen calculé sur la base des 25 meilleures années de salaires, retenus dans la limite du plafond de sécurité sociale et revalorisés ;
La durée d'assurance dans le régime général correspond à la durée d'activité salariée et à certaines périodes non travaillées (comme le chômage, le service national, ...), le tout étant exprimé en trimestres. Il ne s'agit pas nécessairement de trimestres civils. Un salarié qui cotise sur la base de 200 fois le Smic horaire brut acquiert un trimestre (dans la limite de 4 par an). Ainsi, un étudiant qui a un contrat salarié durant le mois de juillet /août peut tout à fait avoir un trimestre enregistré si durant cette période, il a cotisé sur la base de 1 844 €.
La durée de référence maximale varie selon les générations. Par exemple, pour une personne née en 1952, cette durée maximale est de 164 trimestres. Le rapport D/d ne peut être supérieur à 1.
Le taux dit « plein » est 50% (et non 100%) du salaire annuel moyen, limité au plafond de sécurité sociale ; il concerne la personne qui prend sa retraite dès l'âge légal, à condition d'avoir tous les trimestres requis ou bien la personne qui a atteint l'âge légal majoré de cinq ans (CSS, art L. 351-8). Cet âge d'attribution automatique du taux plein varie de 65 à 67 ans (maintenu exceptionnellement à 65 ans pour certaines catégories).
... qui peut cacher une autre réalité : un montant maximal inaccessible
Au vu de ces paramètres, un salarié qui a perçu pendant 25 ans un salaire au niveau du plafond de sécurité sociale et qui part à la retraite avec tous ses trimestres, s'attend, en toute logique, à percevoir une pension brute équivalente à 50% de ce plafond.
Mais il n'en est rien. Il s'avère qu'il n'est plus possible d'atteindre ce montant maximal et ce, depuis de nombreuses années. Ainsi, dans les entreprises, les services qui accompagnent les salariés pour préparer leur retraite, sont submergées de questions de salariés qui ne comprennent pas pourquoi, ayant cotisé sur la base maximum, ils ne parviennent pas à 50% du plafond de sécurité sociale.
La réponse réside dans le mécanisme de revalorisation des salaires.
Depuis 1987, le coefficient de revalorisation des salaires, qui sont portés sur le compte individuel de l'assuré –par le biais des déclarations annuelles des données sociales- et qui servent au calcul du salaire annuel moyen, a cessé de suivre la courbe du plafond. Pour simplifier, nous dirons, que le plafond de sécurité sociale a évolué en fonction de l'évolution moyenne des salaires pendant que le coefficient de revalorisation des salaires suivait l'indice des prix hors tabac. Cette « déconnexion » de ces deux valeurs a un impact majeur sur le niveau des retraites. Ainsi, actuellement, une personne qui a cotisé sur 25 meilleures années au niveau du plafond peut espérer une pension de base de l'ordre de 43% du plafond actuel (et non 50% du plafond de sécurité sociale en vigueur).
Les déçus sont donc nombreux, parmi les cadres –et non cadres - quant au montant de la retraite de base.
Difficile de ne voir que les effets de la « crise » récente. En décembre 1993 ( !), la revue « Droit social » publiait un article signée de la directrice de la caisse nationale d'assurance vieillesse : « Ce taux de 50% est déjà inaccessible ; même par des assurés ayant cotisé toute leur vie au plafond. ... » et concluait « ...Sur fond de crise, économique et de déficits budgétaires et sociaux, il faut encore se demander comment survivra l'Etat providence au 21e siècle et ce qu'il faut faire pour en sauver l'essentiel »...
Autant d'interrogations qui n'ont pas trouvé de réponses, près de 20 ans plus tard et auxquelles les ajustements successifs n'ont pas apporté à ce jour de remèdes. La pédagogie a été renvoyée dans le camp des entreprises, en prise directe avec les inquiétudes des salariés.
Mais les exigences liées au droit à information et estimation (CSS, art L 161-17), qui pèsent sur les caisses d'assurance retraite, devront amener une évolution sur ce terrain : des progrès devront être effectués en termes de visibilité, faute de quoi, les contentieux à l'égard des caisses s'amplifieront.