"Voulez-vous que la Catalogne soit un Etat indépendant sous la forme d’une république ?"
Deux millions de catalans, soit le quart de la population de la région ont voté dimanche 1er octobre 2017 en répondant à cette question et ont répondu favorablement à 90 %, ce qui représente un tiers du corps électoral soit le même taux de participation que lors de la dernière "consulta" de 2014.
Au terme d’un long processus de détérioration des relations entre Madrid et Barcelone, plus encore entre le Président du Gouvernement espagnol Mariano RAJOY et celui de Catalogne Carles PUIGDEMONT, ce référendum que les autorités espagnoles ont tenté d’empêcher s’est déroulé dans des conditions, notamment d’organisation, particulièrement contestées.
Le 6 septembre dernier, sans qu’un véritable débat ait pu se tenir et malgré l’opposition de toute une partie des élus locaux, le "Parlament", assemblée législative locale, a adopté une loi proclamant unilatéralement la création d’une république démocratique et sociale en Catalogne.
Cette décision est la conséquence de l’engrenage qui a conduit depuis le rejet du statut de la Catalogne par le Tribunal Constitutionnel en 2010, à la première consultation locale sur l’indépendance de la région de 2014, puis aux élections régionales de 2015, qui ont vu la victoire des partis indépendantistes.
Le Gouvernement espagnol a depuis le début rejeté toute idée de référendum, contraire à la Constitution espagnole, inconstitutionnel donc illégal et de ce fait interdit.
En effet, la Constitution espagnole de 1978 garantit l’unité de l’Espagne incarnée par le Roi, mais a reconnu l’existence de dix-sept communautés autonomes, dont trois revêtent un caractère historique, la Galice, le Pays basque et la Catalogne, cette dernière bénéficie d’un statut d’autonomie élargie à partir de 1979.
Cependant, la Constitution espagnole prévoit également dans son article 155 la possibilité que si une communauté autonome ne remplit pas les obligations que la Constitution ou les autres lois lui imposent ou agit de façon à porter gravement atteinte à l’intérêt général de l’Espagne, le Gouvernement espagnol, après avoir préalablement mis en demeure le président de la communauté autonome et si cette mise en demeure n’aboutit pas, pourra, avec l’approbation de la majorité absolue des membres du Sénat, prendre les mesures nécessaires pour la contraindre à respecter ces obligations ou pour protéger l’intérêt général mentionné.
Il reste enfin la possibilité de recourir en cas d’extrême nécessité à la loi de sécurité nationale.
Des poursuites judiciaires et notamment pénales ont déjà été engagées contre les responsables catalans, en ce compris la police catalane qui aurait délibérément laissé se dérouler le référendum interdit, ignorant les décisions rendues par le Tribunal Constitutionnel et par le Tribunal Supérieur de Justice de Catalogne, auxquelles ils avaient pourtant accepté de se soumettre.
En dépit de son absence de valeur légale, ce référendum a malgré tout eu lieu et au-delà de sa portée symbolique les autorités catalanes ont déjà gagné celui des médias et de l’opinion internationale, qu’elles souhaitent désormais voir arbitrer le conflit qui les oppose à Madrid.
Cependant, aller plus loin et proclamer unilatéralement l’indépendance risquerait, outre une grave crise institutionnelle, politique et sociale, d’entraîner une réaction immédiate de Madrid qui pourrait en application de l’article 155 de la Constitution espagnole, provoquer des élections générales anticipées.
Pourtant, on ignore souvent que le statut de la Catalogne a déjà été suspendu une première fois en 1934, mais c’était cette fois à l’initiative d’un gouvernement républicain.
Jean Marc SÁNCHEZ
Avocat aux barreaux de Paris et Madrid
Fondateur de la commission franco-espagnole du barreau de Paris