Le rapport Terrasse pose les bonnes questions sans donner les réponses attendues

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Le 19 février 2016, les associés du cabinet Jeantet, Patrick Thiébart, Jean-Guillaume Follorou, Frédéric Sardain et Florent Prunet, ont présenté une analyse du rapport Terrasse paru le 8 février. Cette présentation était l'occasion de commenter tous les aspects de ce rapport qui s'inscrit dans la continuité du rapport Mettling.

Le rapport, rédigé par Pascal Terrasse, s'ouvre sur une préface dans laquelle l'économie collaborative est définie comme "une alternative crédible à un modèle de consommation qui s'essouffle" qui pourrait répondre à "une volonté plus diffuse de conjuguer son comportement quotidien avec une attitude plus responsable, socialement et écologiquement." Elle apparaît également comme une dynamique permettant d'améliorer "les opportunités d'emploi", mais aussi de soutenir le pouvoir d'achat des consommateurs, ou encore, elle est le reflet de la "transition numérique de l'économie traditionnelle". Bref, l'économie collaborative est une opportunité dont les pouvoirs publics doivent se saisir afin d'en développer les dynamiques.
Pour autant, cette opportunité doit être soutenue sans devenir une zone de non-droit et doit donc être encadrée puisque le premier problème se pose dès la définition même des termes d' "économie collaborative".

La difficile question du statut

Premièrement, se pose donc la question de la définition du "professionnel" et du "particulier", compte- tenu de la mince frontière s'établissant entre ces deux statuts. Théoriquement, le professionnel étant répétitif et lucratif, tandis que ce qui concerne le particulier est occasionnel et non lucratif : "proposer son appartement en location sur Airbnb est une location de meublé de tourisme (comme sur paruvendu ou abritel), mais si l'appartement n'est pas la résidence principale, il faut s'enregistrer en mairie et si l'on tire l'essentiel de ses revenus, on devient professionnel."

La définition des termes, le voilà le premier défaut du rapport Terrasse selon l'associé Patrick Thiébart.
Cette vision adoptée par le député ardéchois, Pascal Terrasse, concernant l'économie collaborative est restrictive car elle considère que elle ne concerne que les particuliers, non professionnels, qui cherchent à amortir un actif ou à réaliser des économies sur une prestation de services, le rapport Terrasse peut en déduire, sans encourir la critique, que cette économie "ne relève pas d'un régime de travail, ni ne pose la question de leur statut du point de vue de la protection sociale."

L'aspect social

L'émergence et l'évolution du numérique ont poussé à une forme de dissolution du salariat. Cette dissolution influe sur la question du temps et du lieu de travail, du lien de subordination et caetera, et cela rend de plus en plus complexe, l'appréhension du statut du salarié et du travailleur indépendant : "A l' origine était le troc ; l’économie collaborative pure. Puis vint l'économie collaborative, basée sur l’intermédiation, c'est-à-dire sur le pouvoir de faire correspondre une offre à une demande. Au troisième stade, nous dépassons l’intermédiation, l’économie collaborative intégrée, l’hyper-capitalisme, le fait pour des plateformes de vouloir uniformiser les conditions de travail, y compris les rémunérations. Dans cette troisième phase on s’approche dangereusement du salariat."

Il y a une nécessité d'intervenir juridiquement sur l'économie collaborative de façon à lutter contre une nouvelle forme de précarisation de ces nouveaux travailleurs, ce que, selon Patrick Thiébart, le rapport Terrasse ne propose pas, contrairement au rapport Mettling, une refonte du salariat adaptée à l'ère de la révolution numérique.

L'aspect fiscal

Selon Jean-Guillaume Follorou, les facilités proposées se révèlent devenir de lourdes contraintes rigides et inadaptées dans "un secteur d'activité où l'agilité est un leitmotiv", puisqu'en effet, les propositions faites "supposent que ceux qui en bénéficient se conforment à un certain nombre d'obligations déclaratives." Si le rapport souligne la nécessité de différencier les pratiques occasionnelles des démarches professionnelles, la solution apportée reste univoque : "Le développement de transactions de particulier à particulier, pourtant porté à une échelle industrielle par les possibilités du numérique quelque soit le secteur considéré, appelle une réponse "essentiellement sectorielle". D'autres points sont également abordés et semblent rester en suspens, notamment les questions de concurrence et de responsabilité qui ne paraissent pas assez approfondies pour offrir des réponses juridiques concrètes.

En conclusion, les associés du cabinet Jeantet s'accordent sur le fait que le rapport Terrasse pose les bonnes questions sans donner les réponses attendues. Ils mettent également en avant la difficulté de construire un régime de responsabilité contraignant car existe le risque d'entraver la croissance économique due au commerce numérique et les gisements d'emplois que celui-ci représente. La déception, si il y a, au sujet du Rapport Terrasse apparaît alors sur l'adoption de problématiques économiques, là où l'on attendait des réflexions juridiques qui répondraient au besoin de cadrer les évolutions de l'économie numérique.

Andrea Batignani


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