Cabinets d’avocats d’affaires parisiens : la nouvelle vague

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En un siècle d’existence, le marché parisien des cabinets d’avocats d’affaires aura connu plusieurs vagues, portées par autant de cycles économiques et de générations d’avocats. Si de vénérables cabinets continuent de dominer le monde des affaires, de nouvelles structures ont réussi à s’imposer ces dernières années. Un changement de générations dicté par les nouvelles attentes des clients.

Une rentrée parisienne — presque — comme les autres : brutalement interrompues au cours des premiers mois de crise sanitaire, les affaires reprennent peu à peu leur rythme de croisière dans les quartiers de l’ouest de la capitale. Au Trocadéro, sur les Champs-Élysées ou dans les tours de la Défense, sous les masques de rigueur et tout en s’astreignant à respecter les nécessaires gestes barrières, les femmes et hommes d’affaires ourdissent leurs nouvelles stratégies, échafaudent leurs plans anti-crise, et bruissent de rumeurs sur les évolutions du marché des cabinets d’avocats d’affaires qui les accompagneront dans leurs nouvelles aventures, bousculant un marché désormais hyperconcurrentiel, plus élitiste que jamais, où tout se sait.

Ces cabinets qui traversent les décennies

Sur la place parisienne, certains cabinets font figure de pionniers. C’est notamment le cas de Gide, sans doute l’un des cabinets français les plus réputés. Fondé en 1920 par Pierre Gide, Jean Loyrette et Philippe Nouel, le cabinet avait constitué, en 1957, la première association d’avocats du barreau de Paris. Dix ans plus tard, Gide ouvrait son premier bureau à l’international, à Bruxelles, avant de s’établir à New York, Pékin, Moscou, Casablanca et Londres, en 2003. Mastodonte du secteur, Gide compte de nos jours plus de 550 avocats, dont une centaine d’associés, qui proposent leurs services dans douze bureaux répartis dans autant de pays.

Autre figure historique du milieu des années 20 : le cabinet Jeantet. Il acquiert une notoriété nationale et internationale en participant à l’implantation en France de grands groupes étrangers comme Coca-Cola, Kodak ou Monsanto. L’international est le fer de lance du cabinet, une démarche assez rare chez les cabinets français, toujours frileux à l’idée de s’implanter en dehors de l’hexagone. Au début des années 1990, il participe à la création d’une union de cabinets européens, The Alliance of European Lawyers. Une extension qui s’est accélérée ces dernières années avec l’ouverture d’un bureau à Casablanca en 2009, à Genève en 2014, à Kiev en 2014 et à Moscou en 2016.

Aux côtés de ces cabinets de renom, quelques cabinets « stars », véritables valeurs sûres encore aujourd’hui. Bredin Prat, fondé en 1966 par Jean-François Prat, Jean-Denis Bredin et Robert Badinter, le futur et emblématique ministre de la Justice de François Mitterrand, le cabinet s’appuie sur une équipe de 180 avocats, dont 45 associés. Tout d’abord spécialisé dans les contentieux et arbitrages de haut vol, le cabinet décolle véritablement au cours des années 1980 en se tournant vers les opérations de fusions-acquisitions et le droit boursier.

Son éternel concurrent, Darrois Villey Maillot Brochier, repose depuis sa création en 1987 sur Jean-Michel Darrois et plusieurs grandes figures du secteur. À 72 ans révolus, celui que l’on surnomme « l’avocat qui murmure à l’oreille des patrons » s’est forgé une réputation à la faveur des grandes OPA des années 1990. Pinault sur le Printemps, Nestlé sur Perrier, TotalFina sur Elf : c’est lui. « Doté d’une imagination juridique débordante », selon son ami Alain Minc, Jean-Michel Darrois s’est également illustré en obtenant l’acquittement d’un autre de ses proches, Laurent Fabius, empêtré dans l’affaire du sang contaminé. À la tête d’une équipe de 26 associés et d’une cinquantaine d’avocats, il peut se targuer d’avoir fondé l’un des cabinets les plus rentables de Paris, avec plus de 80 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018.

L’émergence des cabinets anglo-saxons

Au tournant des années 2000, la place de Paris est bousculée par le développement de cabinets venus d’outre-Manche puis d’outre-Atlantique. Une tendance symbolisée par le succès de cabinets comme Cleary Gottlieb Steen & Hamilton, l’un des plus prestigieux au monde, qui s’était installé dans la capitale dès 1949 et qui a véritablement explosé il y a un peu plus de 20 ans. Le bureau parisien de Cleary Gottlieb s’est par exemple illustré dans les dossiers Mittal/Arcelor ou BNP/Paribas, et a participé aux introductions en bourse de sociétés comme Gaz de France, Euronext, Crédit Agricole, JC Decaux ou Equant.

Un succès similaire à celui de Linklaters : membre du « magic circle » londonien, à savoir les cinq plus grands cabinets d’avocats britanniques, il est installé à Paris depuis 1973 et emploie désormais près de 200 avocats et 30 associés. Dans les années 2000, le cabinet se fait connaître avec des transactions très médiatiques, comme la fusion de Suez et de Gaz de France ou l’introduction en bourse du Bureau Veritas.

De véritables rouleaux compresseurs américains et anglais, qui secouèrent le secteur.

Néanmoins, quelques cabinets français ont réussi à l’époque à tirer leur épingle du jeu en misant sur le « full service » et la personnalité de leurs avocats stars : Gilles August et Emmanuelle Barbara chez August Debouzy, Henri-Nicolas Fleurance et Louis De Gaulle chez De Gaulle Fleurance & Associés. À la même période, soulignons également l’émergence du cabinet Hoche Avocats, porté par Jean-Luc Blein et Éric Quentin.

Tous ont su devenir une alternative française aux cabinets anglo-saxons.

L’avènement des boutiques françaises haut de gamme

Mais depuis plusieurs années, c’est toute une nouvelle génération de cabinets français d’exception qui se sont développés et ont su s’imposer sur un marché pourtant en apparence saturé. C’est notamment le cas de BDGS : fondé en 2013, le cabinet est spécialisé dans les fusions-acquisitions et les questions de concurrence. Emmené par l’ancien Inspecteur Général des Finances, Antoine Gosset-Grainville, ancien Secrétaire Général adjoint du Comité Economique et Financier de l’Union européenne, le cabinet BDGS a notamment accompagné la Poste, Carrefour, la SNCF ou encore BNP Paribas dans le cadre de transactions complexes.

Autre ascension remarquée, Peltier Juvigny Marpeau & Associés. Fondé en 2014, ce cabinet intervient régulièrement sur de nombreuses opérations d’envergure. Emmenées par des avocats expérimentés, à l’instar de Fré déric Peltier pour les contentieux financiers, ou Olivier de Juvigny pour le droit de la concurrence, ils comptent en leur sein une étoile montante du M&A en la personne de Benoit Marpeau. Avec cette équipe de choc, le cabinet a ainsi pu conseiller Vinci lors de l’acquisition de l’aéroport de Gatwick en Angleterre, ou encore les laboratoires Servier sur la contestation de pratiques anticoncurrentielles. Plus récemment, le cabinet épaulait la start-up française Mirakl pour une levée de fonds record de 300 millions de dollars.

Troisième maison à s’être imposée ces dernières années : Jeausserand Audouard, qui a su, en à peine 5 ans, devenir le leader du conseil aux managers dans les opérations de LBO, notamment grâce à une équipe fiscale de très haut niveau, emmenée par Jérémie Jeausserand et Tristan Audouard. « Dédié aux entrepreneurs et aux dirigeants dans la réussite de leurs opérations complexes et stratégiques », le cabinet ne se contente pas d’intervenir sur les plus gros dossiers de management package de la place parisienne. La trentaine d’avocats accompagne également nombre d’entrepreneurs à succès comme les fondateurs de Webhelp ou de Babilou lors de leurs différents LBO ou encore ceux de Devoteam à l’occasion l’OPA de KKR.

Des succès prometteurs pour cette nouvelle vague française.

Pascal Guillon, Doctorant Université Panthéon Assas


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