Le Conseil d’Etat précise la notion de harcèlement sexuel

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antoine louche_llcLe harcèlement sexuel peut être constitué par des propos, ou des comportements à connotation sexuelle, répétés ou même, lorsqu'ils atteignent un certain degré de gravité, non répétés, tenus dans le cadre ou à l'occasion du service, non désirés par celui ou celle qui en est le destinataire et ayant pour objet ou pour effet soit de porter atteinte à sa dignité, soit, notamment lorsqu'ils sont le fait d'un supérieur hiérarchique ou d'une personne qu'elle pense susceptible d'avoir une influence sur ses conditions de travail ou le déroulement de sa carrière, de créer à l'encontre de la victime, une situation intimidante, hostile ou offensante sont constitutifs de harcèlement sexuel et, comme tel, passibles d'une sanction disciplinaire.

En l'espèce, un agent de la poste entré en service en 1977 a fait l'objet d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, au motif qu'il avait eu un comportement inadapté et équivoque à l'égard d'agents féminins placé sous son autorité.

L'intéressé a formé un recours de plein contentieux à l'encontre de cette décision pour en obtenir l'annulation et l'indemnisation du préjudice qu'il estimait avoir subi.

Par jugement en date du 13 avril 2011, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Ce dernier a interjeté appel de ce jugement et en a obtenu l'annulation par un arrêt en date du 28 juin 2012 de la Cour administrative d'appel de Douai.

La Poste SA a alors formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt en ce qu'il l'avait condamné à verser à l'intéressé une somme de 500 € en réparation de son préjudice moral né du prolongement illégal, au-delà de quatre mois, de la suspension prononcée à son encontre.

Au visa de l'article 6 ter de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi Le Pors, la Haute Assemblée a apporté de précieuses précisions sur la notion de harcèlement sexuel et en donne une définition. Ainsi, « (…) des propos, ou des comportements à connotation sexuelle, répétés ou même, lorsqu'ils atteignent un certain degré de gravité, non répétés, tenus dans le cadre ou à l'occasion du service, non désirés par celui ou celle qui en est le destinataire et ayant pour objet ou pour effet soit de porter atteinte à sa dignité, soit, notamment lorsqu'ils sont le fait d'un supérieur hiérarchique ou d'une personne qu'elle pense susceptible d'avoir une influence sur ses conditions de travail ou le déroulement de sa carrière, de créer à l'encontre de la victime, une situation intimidante, hostile ou offensante sont constitutifs de harcèlement sexuel et, comme tels, passibles d'une sanction disciplinaire (...) ».

Il convient de rappeler que le Conseil d’Etat avait déjà il y a quelques années précisé la notion plus globale de harcèlement moral. Pour que la qualification de harcèlement soit retenue par le juge il appartient ainsi à l’agent public qui soutient avoir été victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral : « (…) de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence d’un tel harcèlement. […] Il incombe à l’administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. […] 
La nature même des agissements en cause exclut, lorsque l’existence d’un harcèlement moral est établie, qu’il puisse être tenu compte du comportement de l’agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; […] le préjudice résultant de ces agissements pour l’agent victime doit alors être intégralement réparé (…) » (CE, 11 juillet 2011, Commune de Guécélard, n°321225).

Les juges du Palais Royal ont également indiqué dans cette même année que : « (…)la nature même des agissements en cause exclue, lorsque l’existence d’un harcèlement moral est établie, qu’il puisse être tenu compte du comportement de l’Agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l’Agent victime doit alors être intégralement réparé (…)» (CE, 30 décembre 2011, Commune de Saint-Peray, n°332366).
Il s’agit en somme une application juridique de l’adage commun selon lequel « nécessité fait loi ».

Récemment, la Cour administrative d’appel de Lyon a érigé cette prohibition du harcèlement moral en principe général du droit (CAA Lyon, 18 janvier 2011, Mme Joëlle RAJAOFERA-LACHIZE, n°09LY00727).
De même, le Conseil d’Etat a naturellement indiqué en 2010, que des faits constitutifs de harcèlement moral ouvraient droit au bénéfice de la protection fonctionnelle pour l’agent qui en avait fait l’objet (CE, 12 mars 2010, Commune d’Hoenheim, n°308974).
Le régime applicable au harcèlement moral est, à notre sens, directement transposable à celui du harcèlement sexuel, qui n’en constitue qu’un démembrement.
Faisant application du principe qu’elle venait de dégager, la Haute Assemblée a censuré pour erreur sur la qualification juridique des faits dont elle était saisie l’arrêt attaqué de la Cour administrative d’appel de Douai. En effet, les juges d’appel douaisiens bien qu’ayant considéré que le comportement répété de l’agent en cause à l’égard de la gent féminine était fautif n’avaient pourtant pas retenu la qualification de harcèlement sexuel.
En application des dispositions de l’article L. 821-1 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat a ensuite réglé l’affaire au fond.
La Haute Assemble a tout d’abord aisément écarté le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure disciplinaire dont a fait l’objet l’intéressé en relevant que ce dernier avait consulté à trois reprises son dossier administratif et a pu réunir des témoignages en sa faveur.
Le juge de cassation a ensuite pu relever le comportement fautif et répété de l’agent qui avait fait l’objet d’une mise en garde dans son précédent poste. Il a également pu être établi que l’intéressé avait non tenu des propos déplacés visant à obtenir des faveurs sexuelles des agents placés sous son autorité hiérarchique et que son comportement avait été source de moqueries par des collègues de travail devant des clients de l’agence. Au regard de tous ces éléments, la Haute Assemblée a considéré que compte tenu de la position hiérarchique de l’intéressé, de la gravité des faits qu'il a commis et de leur réitération, la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux années, proposée à l'unanimité du conseil de discipline, n'était pas disproportionnée.
Sans étudier qu’il soit besoin d’étudier la fin de non-recevoir opposée par la POSTE SA, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi formé par l’intéressé et confirmé son exclusion temporaire pour une durée de deux ans.

Cette décision, à n’en pas douter, permettra aux agents s’estimant victime de harcèlement sexuel de mieux construire leur argumentation auprès des juridictions administratives.

Références : CE, 15 janvier 2014, La Poste SA, n°362495CE, 11 juillet 2011, Commune de Guécélard, n°321225 ; CE, 30 décembre 2011, Commune de Saint-Peray, n°332366, CAA Lyon, 18 janvier 2011 ; Mme Joëlle RAJAOFERA-LACHIZE, n°09LY00727 ; CE, 12 mars 2010, Commune d’Hoenheim, n°308974

 

 

Antoine LOUCHE, Avocat au Barreau de Lyon


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