La Directive AIFM (Alternative Investment Fund Managers) vient d'être adoptée après d'intenses discussions. Par Daniel Schmidt, Avocat Associé, Proskauer
Une Directive globalement plus contraignante que le projet initial
D'une manière générale, la Directive s'avère plus sévère que la version qui avait été proposée par la Commission européenne en avril 2009. Elle a été sévèrement amendée mais dans le sens d'un encadrement et d'une rigueur accrus.
Toutefois, les deux points sur lesquels on pouvait craindre un durcissement de la règlementation française ont été adoucis, à savoir :
- l'évaluateur indépendant. Dans sa version initiale, le projet de Directive exigeait que l'évaluation des actifs et donc des parts du fonds soit réalisée par un expert indépendant du gestionnaire, ce qui n'était pas sans soulever de difficulté. Fort heureusement, la Directive admet que l'évaluation soit effectuée en interne par le gestionnaire, sous réserve de l'indépendance de l'évaluateur [1].
- les obligations de transparence et d'information lors de la prise de contrôle des sociétés cibles. Il était prévu qu'elles se déclenchent à chaque fois qu'un fonds venait à détenir, seul ou avec d'autres fonds, 30% des droits de vote d'une société non cotée établie sur le territoire de l'Union européenne. La notion de "contrôle" a été revue : elle s'entend désormais de la détention (seul ou avec d'autres fonds) de plus de 50% des droits de vote. Par ailleurs, si la société contrôlée est une PME au sens du droit communautaire, le gestionnaire échappe à ses obligations de transparence. Par voie de conséquence, les gestionnaires de private equity devraient donc échapper très largement à ces obligations [2]
La confrontation de deux visions
Les discussions sur l'AIFM ont cristallisé les différences qui existent entre la régulation "à la britannique" et "à la française". Les débats sur la fonction de dépositaire sont à cet égard révélateurs. Alors que la France connait depuis longtemps la fonction de dépositaire, indépendante du gestionnaire et contrôlée par une autorité de tutelle, nos
amis anglo-saxons s'y sont farouchement opposés, pour des raisons de réduction de couts. S'ils ont obtenu qu'un notaire ou un avocat puisse assurer cette fonction, on peut se demander si l'objectif recherché a été atteint compte tenu de la minutie avec laquelle la fonction de dépositaire est décrite et de la très grande source de responsabilité qui y est attachée.
Malgré le lobbying de la City, la Directive AIFM devrait soumettre l'ensemble des gestionnaires européens aux mêmes contraintes. Or, force est de constater qu'en la
matière, la France jouit d'un train d'avance …espérons qu'elle saura en tirer parti et conserver son avantage notamment dans la phase de transposition de la Directive qui doit être achevée au plus tard à la fin 2012 !
La Directive n'est qu'une première étape.
La Directive habilite la Commission Européenne, l'ESMA3 et d'autres instances à apporter nombre de précisions et limitations comme, à titre d'exemple, sur l'effet de
levier.
Par ailleurs, la Directive devra faire l'objet d'une transposition dans les droits nationaux et tout particulièrement, en droit français. Lors de chacune de ces étapes le lobbying restera certainement intense. Seront alors apportées les précisions nécessaires permettant un commentaire complet et exhaustif de ce nouveau corpus législatif.
Notes :
[1] Pour cela, le gestionnaire devra garantir une certaine indépendance entre les fonctions d'évaluation et de gestion et mettre en place des mesures de gestion des conflits d'intérêts.
[2] Ainsi, lorsqu'un fonds, seul ou avec d'autres fonds, acquièrent plus de 50% des droits de vote d'une société du portefeuille, il devra notifier à cette société, ses actionnaires et l'autorité de tutelle compétente de l'état du fonds, un certain nombre d'informations (la date de prise de contrôle, le niveau des droits de vote, l'identité du
ou des fonds contrôlant, leur politique de prévention et de gestion des conflits d'intérêt, leur politique de communication interne et externe). Surtout le fonds devra déclarer son intention quant à la marche future de la société et les répercussions attendues sur l'emploi et les conditions de celui-ci.
Daniel Schmidt, Avocat Associé, Proskauer