Le PNF a détaillé son mode d’emploi de mise en œuvre des CJIP au cours d’une conférence à l’Université Paris-Panthéon-Assas

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Les lignes directrices du Parquet national financier (PNF) et de l’Agence française anti-corruption (AFA) sur la mise en œuvre de la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) du 26 juin 2019 sont désormais obsolètes. S’y substituent en effet les nouvelles lignes directrices publiées par le seul PNF, le 16 janvier 2023, lesquelles se veulent enrichies par l’expérience acquise à la faveur de la négociation des quinze CJIP conclues à ce jour en matière de corruption, de trafic d’influence, de fraude fiscale et de blanchiment de ces délits. Présentées comme un instrument de transparence, de lisibilité et de prévisibilité juridique afin de renforcer la coopération entre les personnes morales et l’autorité judiciaire, qu’apportent-elles concrètement ?

La bonne foi, condition sine qua non pour entrer en négociation avec le Parquet

D’abord, elles entendent clarifier les conditions d’entrée en négociation. Qu’elle résulte d’une initiative du Parquet ou de la personne morale, la bonne foi de cette dernière est requise. Elle est appréciée au regard des critères suivants : la révélation spontanée des faits dans un délai raisonnable (évalué au regard du temps écoulé entre la connaissance des faits par l’entreprise et sa révélation ce, sans qu’aucun repère temporel ne soit précisé), la mise en place spontanée d’un programme de conformité pour les personnes morales hors champ d’application de l’article 17 de la loi Sapin II, l’adoption rapide de mesures correctives renforçant la qualité et l’effectivité du programme existant, l’adaptation de la stratégie du groupe aux risques identifiés, la modification éventuelle de son équipe managériale et l’indemnisation préalable des victimes. Si une enquête interne a été réalisée, la remise du rapport correspondant est considérée comme l’un des gages de la volonté de la personne morale de coopérer.

Les pourparlers sous le sceau de la foi du Palais

Le PNF s’enorgueillit du fait qu’aucune négociation en cours n’a, à ce jour, fuité dans la presse. Les lignes directrices de 2023 reviennent sur la confidentialité des pourparlers, en précisant que les échanges oraux sont couverts par la foi du Palais tandis que les documents saisis ou obtenus par voie de réquisition judiciaire sont versés en procédure, les investigations se poursuivant en parallèle. A noter que les pièces communiquées par l’entreprise au PNF sont conservées dans un dossier hors procédure, sauf si cette dernière accepte leur versement.

Le Parquet apprécie au cas par cas l’opportunité de mettre à la disposition des avocats de la personne morale une copie de tout ou partie du dossier de la procédure de l’enquête préliminaire. En revanche, lorsque les discussions ont lieu dans le cadre d’une instruction, les parties ont accès au dossier conformément aux dispositions de l’article 114 du Code de procédure pénale.

La clarification du mode de calcul de l’amende d’intérêt public

Les CJIP conclues à ce jour démontrent que le montant de l’amende dite « d’intérêt public » est souvent plus élevé qu’il ne le serait en cas de comparution devant le Tribunal correctionnel. La CJIP n’est donc pas un acte de clémence, rappelle le Parquet. Les précédentes lignes directrices distinguaient les dimensions restitutive et punitive de cette amende, là où les nouvelles évoquent une part restitutive et une part afflictive. La démarche de calcul y est expliquée de manière plus structurée.

La part restitutive est égale au montant des avantages, directs comme indirects, tirés des manquements constatés, en ce compris les gains futurs attendus (par exemple, dans le cas d’un marché à exécution échelonnée dans le temps). Si l’entreprise est invitée à proposer une estimation de ce montant, le Parquet apprécie la cohérence entre celle-ci et le montant du bénéfice attendu à la date des manquements. Cette part restitutive permet, en pratique, de confisquer le produit qui aurait dû être retiré de l’infraction.

La part afflictive (du latin affligere, frapper) de l’amende résulte de l’application d’un coefficient au montant susvisé des avantages tirés des manquements, comme suit : avantages tirés des manquements x (1 + Facteurs majorants – Facteurs minorants). A chaque facteur majorant ou minorant - listés mais non définis - est associé un plafond, évalué entre 10% et 50%. Ces pourcentages peuvent se cumuler entre eux et l’addition desdits facteurs détermine le coefficient applicable en l’espèce.

Les nouveaux facteurs majorants sont : « toute forme d’obstruction à l’enquête » (30%), l’« entreprise de grande taille » (20%) et le « trouble grave à l’ordre public » (50%). Le caractère répété des actes est un autre facteur majorant de 50%. Ce dernier pourcentage pourrait ainsi, selon le Parquet, être atteint en cas d’actes systémiques. À l’inverse, un pourcentage de 10 à 15% devrait être appliqué à un manquement isolé. Les nouveaux facteurs minorants sont l’« unicité de l’occurrence » (10%), la « pertinence des investigations internes » (20%), la « reconnaissance non équivoque des faits » (20%) et l’« indemnisation préalable des victimes » (40%), étant observé que la révélation spontanée des faits est un facteur minorant de 50%. L’étude des facteurs minorants confirme que le Parquet sera attentif à la coopération de la personne morale, qui va de pair avec la bonne foi attendue pour entrer en négociation.

La communication du Parquet avant l’audience d’homologation

Désormais, quelques jours avant l’audience d’homologation, le Parquet rendra publiques la date de celle-ci, son objet et l’identité de l’entreprise concernée, informations qui seront également affichées au Tribunal judiciaire au plus tard le matin de l’audience.

La portée extensible de la CJIP en présence d’un comportement systémique

La CJIP n’emporte pas de déclaration de culpabilité - c’est l’un de ses principaux intérêts pour la personne morale - mais l’extinction de l’action publique pour les faits qui y sont décrits. Pour la première fois, le PNF précise qu’à titre « très exceptionnel », si en raison d’un comportement systémique, tous les faits délictueux en cause n’ont pu être précisément circonscrits au moment de la convention, il peut être prévu que la CJIP portera effet sur les faits de même nature commis sur un territoire et une période donnés découverts ultérieurement, sous réserve que ces faits n’aient pas été dissimulés par l’entreprise. Pour que le bénéfice de cette clause trouve à s’appliquer, le PNF attend que l’entreprise se rapproche de lui dès qu’elle a connaissance des nouveaux manquements.

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Si la CJIP répond à un objectif stratégique d’efficacité de la réponse pénale, elle constitue, pour la personne morale, un outil de défense, comme cela a été expliqué par les représentants du PNF lors de la conférence organisée par leurs soins du 16 janvier 2023. L’actualisation des lignes directrices va dans le bon sens et renforcera un instrument dont le champ d’application gagnerait néanmoins encore à être généralisé à tous types d’infractions - même si tel n’est pas l’avis du PNF - et, pourquoi pas, étendu aux personnes physiques.

Kiril Bougartchev, Associé, Emmanuel Moyne, Associé et Joséphine Doncieux, Avocate au sein de Bougartchev Moyne Associés


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