Condamnation de l'ARPP pour diffamation de la SMEREP

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Eric Andrieu, Associé du Cabinet Péchenard & associésLa décision du Jury de Déontologie Publicitaire du 6 septembre 2013 visant à sanctionner la campagne publicitaire de la SMEREP avait donné lieu à de nombreux commentaires. Aucun appel n'étant possible contre les décisions du JDP, la Mutuelle étudiante avait décidé de saisir la justice.

Par jugement du 7 mai 2014, la 17ème Chambre du Tribunal de grande instance de Paris fait droit à la demande de la SMEREP et condamne l'ARPP (dont le JDP est une émanation), son président et son directeur général pour diffamation.

Après avoir rejeté les arguments de nullité soulevés par les défendeurs, le Tribunal constate que la décision du JDP impute à la SMEREP

"d'avoir fait diffuser à son profit une campagne publicitaire composée de 5 vidéos "stigmatisant les jeunes", représentés comme étant "irréfléchis, paresseux et pour certains déplaisants", où  les femmes sont toutes présentées comme étant "futiles, irréfléchies, sottes, voire agressives" (…) [vidéos qui] alimentent l'idée dévalorisée de la femme qui serait systématiquement ainsi caractérisée et reproduisent également "le stéréotype dévalorisant de ce que les hommes noirs seraient "nonchalants et dragueurs"; que la synthèse de ces constatations de fait : "Au-delà de présenter des stéréotypes sociaux, la publicité en cause, sous couvert d'humour, utilise ceux qui sont les plus dévalorisants et insultants pour les femmes et les personnes de couleur noire, tout en donnant de la jeune génération une idée d'ensemble réductrice et négative" impute effectivement à la demanderesse d'avoir commandé et fait diffuser une campagne publicitaire sexiste, dévalorisante et insultante à l'égard des jeunes, des femmes et des personnes de couleur noire en contrariété avec la recommandation "Image de la personne humaine fruit de la concertation des professionnels de la publicité".

Le Tribunal considère qu'il s'agit de propos diffamatoires et que les défendeurs ne peuvent se prévaloir de l'exception de bonne foi en retenant que "le but de cette publication est précisément de porter atteinte à la réputation" en citant un texte publié par l'ARPP sur son site Internet : "'Le principe d'efficacité du Jury est celui que les Anglo-Saxons appellent le "name and shame", qui peut se traduire imparfaitement par l'atteinte à la réputation…".

Le Tribunal ajoute "que la bonne foi ne saurait être accordée en raison du manque de prudence dans l'exception…; que le caractère péremptoire de ces propos exprimés dans une forme qui n'est pas celle d'un simple avis mais qui prend les apparences d'une décision juridictionnelle, sans mesure, réserve et prudence, sont excessifs au regard de la réelle nature de cette décision et des vidéos litigieuses."

En revanche, le Tribunal de grande instance de Paris rejette les demandes de la SMEREP fondées sur l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sur la base du non-respect des règles du droit à un procès équitable.

Les juges estiment en effet que l'apparence du caractère juridictionnel du JDP est insuffisante pour que ce Jury soit considéré comme un "tribunal" à défaut de tout effet normatif ou coercitif de ses décisions.

Le Tribunal constate que le refus des supports de poursuivre la diffusion de la publicité de la SMEREP, du fait de la décision du JDP, est la conséquence de la diffamation sanctionnée par ailleurs et qu'elle ne peut être réparée autrement.

L'ARPP, son président et son directeur général sont condamnés in solidum à payer à la SMEREP la somme de 10.000 € en réparation de son préjudice moral, outre celle de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les propos jugés diffamants devront également être retirés du site du JDP dont la page d'accueil devra accueillir pendant deux mois un communiqué judiciaire faisant état de cette décision.

 

Eric Andrieu, Associé du Cabinet Péchenard & associés


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