L’illusion d’une solution : stratégies illusoires pour contourner une marque gênante

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Trouver une marque est un exercice difficile. Les dirigeants d’entreprise ne sont pas formés à cet exercice. Lorsque la marque est choisie, le réflexe immédiat est de la déposer. Mais fréquemment, une simple recherche sur les bases de données des registres de marques met en exergue des marques antérieures déposées pour des produits ou services identiques ou similaires. Face à cette situation, le dirigeant d’entreprise use souvent de solutions qu’il pense aptes à contourner les droits antérieurs détectés.

Au palmarès des « fausses bonnes solutions », on trouve notamment :

  • L’ajout de termes non distinctifs

Ajouter au nom de la marque des éléments verbaux ayant un sens générique ou descriptif (qualité, quantité, destination, origine géographique, valeur…) ne suffit pas à écarter le risque de confusion dans l’esprit du consommateur.

→  Il a été jugé que constitue l’imitation du signe antérieur LAGUIOLE, la demande de marque LAGUIOLE VINTAGE (INPI, 28 mai 2021, n°OPP 20-2259).

  • L’ajout ou la suppression d’une lettre ou d’une séquence courte

L’ajout ou la suppression d’une lettre ou d’une séquence courte ne permet pas d’écarter un risque de confusion entre deux marques en cause, si celles-ci restent dominées par une longue séquence de lettres communes.

→  Il a été jugé à cet effet que constitue l’imitation de la marque antérieure RUMEUR, la demande de marque RUMEURS, visuellement proche et phonétiquement et intellectuellement identique (INPI, 14 janvier 2021, n°OPP 20-2681).

  • L’ajout de lettres au centre du nom de la marque antérieure

L’ajout d’une ou plusieurs lettres au milieu d’une marque antérieure n’est pas de nature à écarter les ressemblances existantes avec cette marque antérieure, dès lors que cette insertion a une faible incidence visuelle et phonétique pour le consommateur.

→  Il a été jugé dans cet esprit que constitue l’imitation de la marque antérieure MULTIPRESS, la demande de marque MULTITRAPRESS, présentant des fo, rtes similitudes visuelles, phonétiques et conceptuelles (INPI, 23 juillet 2021, n°NL 20-0074).

  • Le changement de police de caractères

Le fait de présenter la marque en minuscules ou en majuscules ou encore d’adopter une typographie distincte de celle de la marque antérieure n’exclut pas le risque de confusion.

→  Constitue en effet l’imitation de la marque antérieure MILAN, la demande de marque milan (INPI, 18 décembre 2023, n°OPP 22-0742).

 

 

  • L’ajout d’éléments graphiques

Adjoindre au nom de la marque des éléments graphiques (graphisme, couleur, présentation particulière, etc.), imperceptibles phonétiquement, ne remet pas en cause le caractère essentiel et immédiatement perceptible du nom et, par conséquent, n’évacue pas le risque de confusion dans l’esprit du consommateur.

→ Constitue en effet l’imitation du signe antérieur BIOMIL, la demande de marque biomill (INPI, 28 juillet 2022, n°OPP 21-5612).

 

 

  • L’inversion des termes composant une marque

Inverser les composants d’une marque préexistante n’exclut pas la similarité. En effet, cette inversion n’est pas de nature à écarter une perception très proche des marques en cause, dans la mesure où elles restent dominées par la présence de ces éléments communs.

→  Il a été considéré en ce sens que constitue l’imitation de la marque antérieure MONT BLANC, la demande de marque BLANC MONT (INPI, 15 juin 2022, n°OP 21-5603).

  • La modification d’un élément non dominant de la marque antérieure

Changer l’adjectif associé à l’élément dominant d’une marque antérieure ne saurait écarter le risque de confusion, dans la mesure où l’élément dominant reste commun aux deux marques.

→  Il a été jugé à ce sujet que constitue l’imitation du signe antérieur LES PETITS CALLOUX, la demande de marque LES CAILLLOUX DORES (INPI, 13 juin 2022, n°21-5402).

Ces « fausses bonnes solutions » peuvent être gravement préjudiciables aux dirigeants d’entreprise. Elles les exposent en effet à des risques de rejet de l’enregistrement de leurs marques ou, pire encore, à des condamnations en contrefaçon, alors même que leurs marques peuvent être exploitées depuis plusieurs années.

Les dirigeants d’entreprise seraient donc bien inspirés de faire appel à un Conseil en Propriété Industrielle dès l’origine de leur projet, pour s’assurer non seulement de la validité de la future marque, mais également de sa disponibilité juridique.

Investir dans la sécurisation d’une marque n’est jamais une perte de temps, ni une dépense inutile.

Philippe Rodhain, Conseil en propriété industrielle – Mandataire européen, Chargé d’enseignement à l'Université de Bordeaux, 
Associé-Fondateur du Cabinet IP SPHERE


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