Reprise d'entreprise : Attention à "ceux qui restent" !

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benedicte-haubold-artelieBénédicte Haubold, fondatrice d'Artélie conseil, revient sur le sort des salariés lors de la reprise d'entreprises.

Les sociétés en liquidation, à la recherche d'un repreneur, pensent souvent , à tort, que les salariés épargnés, ceux qui restent se satisfont de "leur chance" et que le risque humain est nul ou très limité. C'est pourtant bien à ce moment là précisément et avec "ceux qui restent" que les directions doivent être les plus vigilantes. La prévention est alors de mise et elle est possible !

Pour bien anticiper ce risque, à long terme impactant l'ensemble du business et pour transformer le risque humain que représente des employés dôtés d'une très forte ancienneté, une très grande stabilité à leur poste, et vivant dans des bassins d'emplois peu porteurs, en atout stratégique, plusieurs solutions sont envisageables : 

Tout d'abord, avant la reprise, et pour juguler l'anxiété souvent massive de ces salariés qui ne savent pas très bien ce qu'ils vont devenir, CHSCT et Directions peuvent se préoccuper de gérer au mieux cette période.

Certains mettent en place un système de "vigies" : former quelques salariés, répartis dans toute l'organisation, pour détecter en amont, les signes de grand stress chez leurs pairs, et pouvoir agir et trouver des solutions adéquates. D'autes, minoritaires, sont davantage sensibles au risque pénal du dirigeant et vont tout mettre en place et agir en prévention dans ces situations bien connues de tension.

Lorsque l'entreprise, ou certains de ses sites sont repris, le nouvel acquéreur va légitimement impulser une nouvelle stratégie, faire part d'exigences différentes, impulser de nouveaux caps, vouloir instiller une nouvelle donne, Bref, mettre inconsciemment "sous tension", le personnel, souvent en grande souffrance d'avoir vécu des mois, voir des années d'aléas, d'avoir eu à vivre des "séparations massives" avec des collègues qu'ils côtoyaient tous les jours. Et il est coutume de s'intéresser davantage à ceux qui partent, à leur octroyer des conditions de départ le plus "correctes" possibles et d'oublier le bien être de "ceux qui restent". On les pense généralement heureux de garder un emploi et contents de pouvoir s'inscrire à nouveau dans la durée.

La réalité est bien souvent tout autre, surtout pour des personnels ayant une longue ancienneté : il s'agit de faire évoluer, dans un laps de temps très court, les contours de leur poste. Ils ont bien souvent à envisager une charge de travail plus lourde, à travailler davantage de pluridisciplinarité, et en interactions avec des acteurs nouveaux, s'intègrent à de nouveaux groupes et parfois à un nouveau manage. Ils peuvent par exemple se retrouver du jour au lendemain à travailler en anglais au quotidien, alors qu'il s'agissait d'une exception par le passé. Bref, ils vivent des changements inédits, à la fois dans leur profondeur, leur amplitude et fréquence et pourtant ils n'ont même pas encore eu le temps de faire le deuil de leur ancienne entreprise. Ils perdent alors totalement leurs repères. La situation leur paraît schizophrénique, ils vivent dans les mêmes murs, avec la même configuration de bureaux, les mêmes dispositifs, mais malgré cela tout a changé.

Les repreneurs sont de plus en plus sensibilisés à la nécessité de porter une attention toute particulière aux conditions "humaines" de la reprise, pour ceux qui restent et qui auront à relever tous les défis à venir, et sur lesquels repose la transformation.

Les accompagner, avant et pendant les premiers mois de la reprise, s'avère souvent aussi essentiel que la recapitalisation financière, et ceci pour des raisons d'efficacité. Pour un repreneur, s'intéresser aux conditions humaines sera à terme, un réflexe "business".  

 

Bénédicte Haubold, fondatrice d'Artélie Conseil


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