Le Tribunal de Grande Instance de Paris a rendu il y a quelques mois un jugement intéressant concernant l’appréciation de la contrefaçon entre deux marques complexes. Nicolas Moreau et Alain Berthet, avocats associés du cabinet Promark, le commentent.
Le Tribunal de Grande Instance de Paris a rendu il y a quelques mois (17 octobre 2013, SC Château Beychevelle c/ CGM Vins, RG 12/08104) un jugement intéressant concernant l’appréciation de la contrefaçon entre deux marques complexes.
Le célèbre Château Beychevelle se plaignait de l’utilisation par une société tierce de la marque suivante :
qu’elle considérait comme une contrefaçon de sa marque notoire déposée en France et en Union Européenne :
Or, les juges parisiens, après avoir étudié l’impression d’ensemble donnée par ces signes, ont reconnu que les deux embarcations pouvaient être confondues, mais ont soutenu que leurs éléments verbaux étaient différents.
Ils ont ainsi affirmé que le consommateur s’attachera davantage à l’élément verbal (différent en l’espèce) qui lui permettra d’identifier l’origine du produit, plutôt qu’à l’élément figuratif, quand bien même ce dernier pourrait présenter un risque de confusion avec une marque antérieure.
Cette décision, très commentée, a été suivie par une décision de l’INPI restée plus discrète, mais qui est venue confirmer le point de vue du TGI de Paris. En effet, l’INPI a rejeté le 19 mai 2014 (SC Château Beychevelle c/ Vignobles Malpertuis, Opp. 13-4912) l’opposition formée à l’encontre de la demande de marque semi-figurative CHÂTEAU LES EYRAUX sur le fondement de la marque semi-figurative antérieure CHÂTEAU BEYCHEVELLE, et ce pour les mêmes raisons que la décision précitée, à savoir que les éléments verbaux « Château Beychevelle » et « Château Les Eyraux » sont suffisamment distincts pour écarter tout risque de confusion entre les marques en cause.
La demande de marque semi-figurative CHÂTEAU LES EYRAUX a donc été acceptée à l’enregistrement, malgré les similitudes entre l’embarcation reproduite sur celle-ci et le fameux drakkar du Château Beychevelle.
L’importance de ce jugement, pourtant conforme à la jurisprudence, réside dans l’appréciation d’une marque complexe qui a été faite par le TGI de Paris et par l’INPI.
L’élément verbal a été considéré comme l’élément le plus important aux yeux du consommateur, malgré l’apparente prédominance de l’élément visuel : un drakkar.
Ces deux décisions ont de quoi choquer. Néanmoins, il est évident qu’elles auraient été plus favorables au malheureux propriétaire du Château Beychevelle si celui-ci avait déposé et invoqué une marque antérieure uniquement composée du drakkar, sans élément verbal. La comparaison n’aurait alors porté que sur cet élément, et non sur les termes l’accompagnant.
Cette jurisprudence illustre bien la nécessité de déposer, autant que faire se peut, un logo distinctif séparément de la marque verbale, ce d’autant plus qu’un tel dépôt séparé comporte également l’intérêt de pouvoir faire évoluer ce logo en abandonnant celui précédemment déposé sans pour autant perdre l’antériorité de la marque verbale.
Nicolas Moreau et Alain Berthet, avocats associés du cabinet Promark