Interview de Hirbod Dehghani-Azar, Candidat au Conseil de l’Ordre de Paris

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En partenariat avec Le Monde du Droit, le Club AvoTech, premier « do tank » des avocats créateurs de legaltech en France, a décidé d’interpeller les candidats au Conseil de l’Ordre de Paris, sur leur vision de l’avocat de demain. Aujourd’hui, Hirbod Dehghani-Azar, candidat avec Clotilde Lepetit, répond aux questions de Mathieu Davy, Avocat, Président d’AvoTech.

Que vous inspire l’avocat de demain ?

De la confiance. Partout où il y a mandat, il y a un Avocat, avec une déontologie forte. Un unique tiers de confiance, sur tous les domaines accompagnant leurs clients, en dehors de la simple sphère du contentieux. Que ce soit pour la vente d’un immeuble, le rachat d’une entreprise, la gestion de sortie d’une société ou d’un salarié, la modification d’un règlement intérieur dans une association… On est le tiers de confiance, celui avec qui on est en relation directe pour tous les problèmes mais aussi tous les projets aussi bien personnels que professionnels.

Une étude récente révèle que 85 % des justiciables vont chercher leur réponse et donc leur Avocat sur internet. Vous en tirez quelles conséquences ?

Nous ne sommes pas fermés à internet, nous sommes fermés au fait qu’on ne donne pas la bonne information à la bonne personne par rapport au choix qu’elle veut avoir. Notre métier est avant tout une qualification des problématiques. Les gens vont sur Google mettre des mots-clés. Ils tombent sur des choses qui ne sont pas la réalité. En tant qu’avocats, on doit travailler sur l’écoute, la qualification et les besoins de nos clients pour déboucher sur une proposition concrète de stratégie à proposer. C’est un peu plus profond que de simplement taper dans un moteur « trouble de voisinage ».

L’information et la consultation juridiques ont été investies par les Legaltech. Est-ce que les Avocats doivent récupérer ce marché ?

Nous n’avons aucun problème sur le caractère concurrentiel du marché. Il faut juste qu’on ait les moyens d’être meilleurs qu’eux. Si on propose un service complet et qu’on est capable d’emmener nos dossiers du conseil au contentieux, et qu’on les accompagne sur toute une stratégie globale, alors c’est une opportunité. On n’est plus dans l’opposition « privé – Avocat » comme si on opposait « privé – public ». C’est plutôt le meilleur service qui doit primer. Que l’information et le service soient véhiculés via internet ne pause aucune difficulté si on s’assure de la réalité du service, de la responsabilité et de la qualité de la personne derrière.

Est-ce que du coup, vous défendriez l’idée à l’Ordre de labelliser les legaltech  ?

Pourquoi que des legaltech et pourquoi pas tout cabinet, ou tout avocat, qui voudrait s’investir dans le champ et développer une offre alternative ? Quitte à ne pas être plaisant sur le terme de legaltech. Pourquoi ne pas accompagner les Avocats ? Dans ces cas-là on crée un référentiel qualitatif et on délivre un label à tout Cabinet, ou à toute entreprise ayant des qualités qui seraient conformes à ce qu’on définirait.

Depuis 2016, il existe ce fameux article 111 du Décret MACRON qui permet à un Avocat, à côté de son Cabinet, de pouvoir créer une entreprise commerciale connexe et accessoire. Ce texte fait débat pour vous ou il doit être interprété de manière la plus large ?

Nous vivons l’Avocature. C’est un choix. Nous y sommes venus tardivement après avoir exercé d’autres métiers. C’est la grande profession d’Avocat. Elle peut s’exercer différemment. Notre moteur est le tiers de confiance omniprésent dans la société et défenseurs des droits de nos clients. Nous sommes avocats et nous faisons du Droit mais pour ceux qui le souhaitent ils peuvent aujourd’hui entreprendre différemment, ni mieux ni moins bien mais selon un autre schéma, à l’aide de capitaux extérieurs, en créant des structures dédiées ….

Vous êtes pour l’ouverture aux capitaux extérieurs des entreprises du Droit ?

Toujours cadrée. Si c’est dans l’objectif de mieux servir et d’être un bon Cabinet d’Avocat oui. Si c’est dans l’objectif d’une quête de rentabilité en baissant la qualité de l’Avocat non. Donc le juste milieu est là. Ce qui fait la différence et la richesse de notre métier, c’est notre déontologie. Nous la vivons parfois comme un poids alors que c’est une valeur ajoutée. On a tous aujourd’hui des problématiques de financement de nos Cabinets, de trésorerie, de modernisation. On a des projets à mener. Aujourd’hui, dans la majorité des cas, selon les établissements financiers nous n’avons pas des sociétés « bankables » et pour autant ça peut être tout à fait rentable.

Enfin, on peut avoir le droit de ne pas être en quête que de rentabilité et de s’épanouir dans l’exercice de nos missions.

Est-ce que l’Ordre doit faire quelque chose là-dessus ?

L’Ordre peut faire beaucoup de choses sur tout, mais on ne peut pas s’appuyer sur l’Ordre sur tout. On est des entrepreneurs. On doit faire. L’Ordre doit accompagner le mouvement mais pas obligatoirement suppléer le mouvement à chaque fois.

Ça pourrait passer par quoi alors ?

Ca peut passer par le Barreau entrepreneurial qui peut aider des confrères à présenter mieux leur dossier de financement ou leur projet. Par les Syndicats et les associations telles que Femmes et Droit qui nous soutien ou encore l’UJA dont Hirbod est un Invité Permanent ou encore l’ACE. Ça peut être aussi des lieux de rencontre entre Confrères, ne serait-ce qu’une commission ouverte liée à ce sujet qui serait transversale. Il y a une commission ouverte « nouveaux métiers » qui existe à l’Ordre. S’il faut que cette commission ouverte soit non seulement « nouveaux métiers » mais « nouvelles modalités d’exercice et de financement du métier », pourquoi pas ? On doit prendre ses responsabilités et faire des demandes, le cas échéant, à l’Ordre. La même chose a existé sur la médiation. La Loi de 1995 a été très difficile à mettre en œuvre. L’Ordre s’en est saisi en créant une association. On intervient dès le début à l’EFB. L’Ordre a créé une école de formation à l’accompagnement. Ça a été « investissez-vous et l’Ordre vous soutient ». Ça ne peut pas être sectoriel pour trois personnes. Ça doit être pour tout le monde, pour le plus grand nombre.

Petit jeu d’esprit : vous venez de prêter serment cette année, quels seraient vos réflexes pour pénétrer le marché ? Pour développer vos réseaux ?

Nous ferions des articles. Du fond. Que ce soit dans nos activités, dans la formation, dans les modes alternatifs, c’est ce qui nous rapporte le plus de notoriété et donc de clients potentiels. Le contenu. C’est ce qui valorise la plus-value par rapport simplement à d’autres. Les gens sont curieux et prennent le temps de lire. C’est le schéma à adopter pour toutes les legaltech et pour les sites de cabinets que de faire du contenu mais accessible et entendable.

Après nous ferions aussi notre Réseau intra professionnel, nous sommes associés de structures avec des amis avec qui nous avons partagés soit une collaboration, soit pour Clotilde l’expérience de la conférence du Stage.

Quelle serait votre conclusion sur ce thème ?

Tout ce qu’on ne connaît pas nous fait peur. Il faut accompagner l’évolution technologique. Voilà ce que vraiment l’Ordre peut faire. C’est étape par étape accompagner au changement. Si 85 % des gens qui nous sollicitent, nous trouvent sur internet, alors il faut être omniprésent sur internet mais avec du qualitatif et non pas simplement avec des vues de l’esprit.

Interview réalisée par Mathieu Davy, Avocat, Président d’AvoTech


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