Interview de Maître Guillaume Hannotin, avocat associé au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation au sein du cabinet Nicolaÿ, de Lanouvelle & Hannotin, sur la décision rendue le 23 novembre dernier par la Cour de cassation en matière d’assurance-vie. Dans cet arrêt, la Cour de cassation valide l'investissement de l'assurance-vie en EMTN.
Dans quel contexte cet arrêt du 23 novembre 2017 a-t- il été rendu ?
L’arrêt était très attendu, puisque la Cour de cassation a annulé une décision qui avait été rendue le 21 juin 2016 par la cour d’appel de Paris qui avait fait couler beaucoup d’encre. Sans que personne ne voit véritablement surgir le sujet, la cour de Paris avait cru pouvoir juger que les « obligations » ne comportant pas de mécanisme de remboursement du capital du souscripteur ne seraient pas de véritables « obligations », de sorte que ces produits (et notamment les EMTN, qui ne comportent pas systématiquement de clauses de capital garanti) ne pourraient pas servir de support aux unités de compte de l’assurance-vie. La décision parisienne était éminemment contestable mais, tant qu’elle n’était pas annulée, elle constituait la jurisprudence, et nombreux étaient ceux qui attendaient le verdict de la Cour suprême.
Quels étaient les enjeux de ce dossier ?
Aussitôt l’arrêt de la cour d’appel de Paris prononcé, le 21 juin 2016, le dossier n’était plus un contentieux isolé entre un assureur-vie donné et un preneur particulier. Le dossier était d’emblée devenu une affaire de Place.
La Place prise dans son ensemble : - les assureurs-vie, qui voyaient une analyse juridique (la qualification des EMTN comme des « obligations ») sur laquelle ils s’appuyaient depuis longtemps, être remise en cause, - mais aussi les banques : celles qui structurent ces EMTN, mais aussi toutes celles qui se demandaient si elles pouvaient continuer à commercialiser comme des « obligations » des titres de créance sans capital garanti. Les enjeux étaient donc considérables.
Que faut-il retenir de cette décision ?
L’on peut retenir trois éléments. Le premier c’est une sécurisation des investissements, via l’assurance-vie, en EMTN. Le chiffre de 50 milliards d’euros environ de produits EMTN accueillis sous l’onglet « obligation » dans les unités de compte, a été évoqué. Le deuxième impact de la décision concerne tous les opérateurs financiers, qui voient la définition du titre obligataire être consolidée. L’obligation qui ne comporte pas de mécanisme de garantie, ou qui est en dessous du nominal, n’en est pas moins une obligation, qui pouvait être commercialisée et comptabilisée en tant que telle. Le dernier aspect intéressant de cette décision c’est l’idée que seule la Cour de cassation est véritablement en mesure de traiter ces questions complexes, à fort enjeu, en mettant autour de la table, outre les parties directement en litige, des fédérations professionnelles (la fédération des banques et celle de l’assurance sont intervenues à l’instance), ainsi que des représentants des consommateurs (une association de consommateurs est également intervenue en cassation). La cour d’appel de Paris aurait donc pu utiliser la procédure d’avis, et saisir la Haute juridiction du point de droit qu’elle avait identifié comme étant délicat, ce qui aurait évité bien des incertitudes.
Propos recueillis par Arnaud Dumourier (@adumourier)
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