Emmanuel Macron : « Il faut qu’à la fin de cette décennie nous ayons une justice qui réponde mieux aux besoins des Français »

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Le président de la République Emmanuel Macron, candidat à l'élection présidentielle de 2022,  a répondu aux questions du Monde du Droit  sur ses propositions en matière de Justice.

Que pensez-vous de l'état de la justice en France dont les professionnels du droit fustigent le manque de moyens ?

La justice n’a pas bénéficié des moyens nécessaires à son bon fonctionnement pendant des décennies. Pis, elle a souvent manqué de considération politique. La situation n’était ni acceptable ni tenable et cette période est définitivement révolue. J’ai décidé d’en faire l’une des priorités budgétaires et politiques de mon mandat avec une loi de programmation qui a conduit à un renforcement des moyens de la justice sans précédent.

En cinq ans, le budget de la justice a ainsi augmenté de 30 %. Les recrutements ont progressé comme jamais. Pour la première fois, nous avons dépassé la barre des 9000 magistrats en France. Nous avons aussi rééquipé en informatique les juridictions qui devaient jusque-là travailler avec des matériels obsolètes. Par ailleurs, comme la justice c’est aussi la proximité, nous avons déployé des magistrats au plus près des Français dans tous les territoires, à Bernay, Cholet, Villeneuve-sur-Lot, au Château-Thierry. Nous avons multiplié les Points Justice et nous avons rendu plus accessible l’aide juridictionnelle. En cinq ans, nous avons aussi renforcé notre justice pénale en nous adaptant aux nouvelles formes de délinquance par la création d’un parquet national antiterrorisme, par un parquet dédié à la lutte contre la haine en ligne, par des pôles régionaux de protection environnementale… Nous avons multiplié les actions contre les violences intrafamiliales, sexistes et sexuelles. Nous avons lancé la construction de 15 000 places de prisons et de 20 centres éducatifs fermés pour mineurs.

Si la justice est bien revenue au centre du jeu, on ne rattrape pas aussi rapidement des décennies de retard. J’ai entendu le mal-être profond exprimé par les magistrats et tous les acteurs de la justice à l’automne dernier et il faudra encore accomplir d’importants efforts pour la tourner définitivement vers l'avenir. C’est le sens de ce nouveau pacte républicain avec la Nation que j’appelle de mes vœux et dont les travaux des États généraux de la justice devraient permettre de constituer un solide socle.

Faut-il réformer l'institution judiciaire dans son ensemble ? Faut-il davantage de magistrats ?

Les moyens doivent être encore renforcés mais cela ne suffira pas. Il faut que nous nous réorganisions pour que tous les acteurs travaillent mieux ensemble. Les Français attendent des délais plus courts, des jugements plus compréhensibles et un accès plus simple à la justice.

L’effort considérable accompli depuis 2017 doit non seulement être prolongé mais même intensifié. C’est pourquoi je m’engage sur cinq ans à une augmentation nette – en tenant donc compte des départs à la retraite – de 8500 magistrats et personnels placés auprès des juridictions, soit 1000 magistrats, 2500 greffiers, 2500 juristes constitués en équipe auprès des magistrats, et 2500 agents en soutien en plus pendant ce mandat. Ce sera un effort très important qui devra permettre de réduire les délais de jugement, d’apurer les stocks, de mieux juger et de mieux accueillir les justiciables.

Il faut qu’à la fin de cette décennie nous ayons une justice qui réponde mieux aux besoins des Français, qui soit pleinement sortie de ce qui fut trop longtemps une paupérisation inacceptable. Je souhaite que ses acteurs soient au quotidien considérés et fiers de travailler pour la justice française, un service de nos concitoyens.

Est-ce que les États généraux de la Justice peuvent apporter des réponses  au manque de moyens et au mal-être des magistrats, fonctionnaires de greffe ? Que ferez-vous des conclusions des États généraux de la justice ?

Les États généraux de la justice sont pour une première démonstration de ce que je souhaite faire pour les grands chantiers du quinquennat à venir : associer, partager collectivement le constat, et créer du consensus autour de solutions percutantes et ambitieuses, loin des caricatures.

Les États généraux de la justice doivent nous permettre de renouer le lien de confiance entre la nation et la justice. J’attends de ces travaux une grande ambition construite avec les acteurs du monde judiciaire mais aussi avec les citoyens grâce à la vaste consultation qui a été menée ces derniers mois avec la plateforme « Parlons Justice ! » Ce travail est mené en toute indépendance notamment par Jean-Marc Sauvé qui préside le comité des états généraux.

Ces travaux constitueront une base solide pour engager tout le monde judiciaire vers un horizon plus optimiste.

En définitive, quelles sont vos principales propositions en matière de justice ?

Naturellement les conclusions des états généraux alimenteront les futures réformes. Mais d’ores et déjà je m’engage sur les moyens des juridictions comme je viens de l’indiquer.

En matière de sécurité, la justice a un rôle crucial à jouer. Les nouveaux moyens qui seront mis à sa disposition lui permettra d’être plus efficace encore, en parallèle des moyens qui sont allouées aux forces de sécurité intérieure. La fluidité entre police, gendarmerie et justice doit être la règle en ce domaine. Je pense aussi que nous aurons à rendre le code de procédure pénale plus simple, lisible et cohérent. Nous généraliserons les amendes forfaitaires délictuelles déjà mis en place pour l’usage de drogues. Par ailleurs, suite à l’achèvement de 15000 places de prison, nous créerons 1000 places supplémentaires de semi-liberté et 1000 places supplémentaires de placements extérieurs.

Nous poursuivrons de manière résolue le déploiement de la justice de proximité : car la justice doit se porter auprès de vous. Cette politique de « justice hors les murs » doit être étendue par la multiplication des audiences dans les territoires.

Nous protégerons mieux encore les plus vulnérables. Avec la constitution de pôles juridictionnels spéciaux pour les victimes de violences conjugales et intrafamiliales. En facilitant la vie des majeurs protégés et de leurs proches, alors que la population française vieillit. En renforçant la prise en charge des enfants en difficulté dans le cadre de notre politique globale de protection de l’enfance à laquelle je suis très attaché.

Quelles sont vos propositions pour les professionnels du droit ?

Par définition, les moyens importants donnés à la justice judiciaire devront faciliter le fonctionnement global du système et donc bénéficier aussi aux professionnels du droit. Ceux-ci sont des acteurs centraux de notre justice. Ils méritent notre considération, notre soutien, et des moyens à la hauteur de leur dévouement. Je pense notamment qu’il faut stabiliser notre droit pour permettre aux acteurs de travailler dans un environnement juridique et procédural plus sécurisé. J’entends les appels formulés en ce sens. Je pense aussi que les relations entre les magistrats et l’ensemble des professionnels du droit doivent être les plus fluides possibles et empreintes de considération mutuelle. Nous ne pourrons faire progresser notre justice au profit des justiciables sans un engagement de tous et le sentiment de partager un projet commun.

Propos recueillis par Arnaud Dumourier


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