La présentation des risques juridiques dans leur document annuel par les sociétés du CAC 40 : entre transparence, errance et silence.
Le Pôle de recherche LegalEdhec de l’EDHEC Business School publie le Position Paper « La présentation des risques juridiques par les sociétés du CAC 40 : panorama et évaluation » sous la direction de Christophe Roquilly, professeur à l’EDHEC, Doyen du Corps Professoral et de la Recherche, Directeur du Centre de recherche LegalEdhec.
Parmi les différents types de risque, le risque juridique revêt une importance particulière étant donné l’impact transversal qu’il peut avoir sur l’entreprise et la multiplicité des facteurs qui en sont à l’origine (propres aux opérations et aux stratégies, mais aussi liés aux changements législatifs et réglementaires).
Cette étude, basée sur une analyse des documents annuels de référence publiés par les sociétés du CAC 40 selon les recommandations de l’AMF (Autorité des Marchés Financiers), préconise que la notion de « risque juridique » soit mieux définie et que son exposé soit davantage structuré et axé sur la performance de l’entreprise, sans omettre les dispositifs de gestion du risque.
Le cadre légal de présentation des risques juridiques
L’AMF ne donne en réalité aucune définition du risque juridique et n’impose pas aux sociétés cotées de les mentionner dans leur intégralité. Les sociétés cotées sont invitées à identifier les risques juridiques susceptibles d’impacter significativement la situation financière ou le patrimoine de la société, au sein d’une sous section « risques juridiques » (sources des risques, litiges et conséquences financières qui en découlent).
La réalité des risques juridiques présentés
La réalité que donnent à voir un certain nombre de documents annuels publiés par les sociétés du CAC 40 est toute autre. La seule lecture de la sous-section « risques juridiques », quand celle-ci existe, ne permet pas d’appréhender la totalité des risques juridiques présentés par la société dans son document. Qui plus est, comment bénéficier d’une grille de lecture identique pour toutes les sociétés, favorisant la comparaison, si chaque entreprise a sa propre acceptation et restitution du risque juridique ? Enfin, à quoi sert cette présentation - ou simple évocation - du risque juridique si sa relation à la performance ou la pérennité de l’entreprise n’est pas mise en évidence ?
Une forte hétérogénéité dans la qualité de la présentation
Les auteurs de l’étude ont effectué une analyse des documents annuels des 40 sociétés du CAC. Celle-ci leur a permis d’évaluer la qualité de la présentation des risques juridiques, selon deux méthodes de notation. Les résultats montrent une très forte variabilité selon les sociétés, et sont globalement comparables selon la méthode de notation utilisée.
Recommandations
Le constat est dressé : l’hétérogénéité des documents annuels quant à la qualité de la présentation du risque juridique réel (et non pas le risque juridique « théorique ») est indiscutable. Dans certains cas cette présentation des risques juridiques – en tant que facteurs de risques financiers ou patrimoniaux - est réellement inopérante. Si une société décide d’élaborer un document annuel de référence, il est indispensable que l’information disponible soit pertinente, tant dans son organisation au sein du document que dans son contenu. Si cette information est difficilement lisible ou faiblement utile car superficielle, alors elle ne présente aucune valeur réelle pour l’investisseur dans sa prise de décision. L’information sur les risques juridiques n’échappe pas à ce principe.
Il appartient aux autorités publiques de créer un cadre favorable à une communication sincère, non-équivoque et permettant de comparer les sociétés les unes par rapport aux autres, et aux dirigeants de ces mêmes sociétés de veiller à trouver le juste équilibre entre le secret des affaires et la légitime information du public. Ceci passe vraisemblablement par une réduction de la volumétrie des différents rapports que les sociétés cotées doivent émettre, par une meilleure définition de ce qu’est le risque juridique et par une détermination claire des résultats attendus dans l’intérêt du public, sans pour autant imposer le dogme de la maison de verre. Mais à ne pas vouloir « trop en dire », certaines sociétés ne disent plus rien – ou en tout cas rien qui n’apporte de la valeur informationnelle – ce qui peut entrainer une certaine suspicion.