A travers une analyse conduite dans 29 juridictions, le rapport « Global Antitrust Enforcement » d’Allen & Overy présente les tendances 2021 en matière de lutte contre les cartels et d’application de la législation antitrust. Au niveau mondial, le montant des amendes antitrust prononcées a plus que doublé : 11,4 milliards de dollars en 2021 (10,8 milliards d’euros), contre 5 milliards de dollars (4,7 milliards d’euros) en 2020. Avec un total de 2,07 milliards de dollars (1,75 milliard d’euros), les amendes infligées par la Commission européenne représentent une part importante du montant total des amendes infligées par les autorités de concurrence en 2021, après une baisse notable en 2020. L’Autorité de la concurrence française a imposé des amendes dans 12 décisions, dans le cadre de décisions sanctionnant des ententes ou abus de position dominante, pour un montant total de 872,5 millions d’euros : un chiffre en baisse à la suite du montant record de 2020 (1,9 milliard d’euros), en raison notamment de l’amende d’1,3 milliard d’euros prononcée à l’encontre d’Apple en mars 2020. Les GAFAM restent dans la ligne de mire des autorités. En parallèle, les enjeux de développement durable sont également devenus un des principaux points d’attention des autorités.
La Commission européenne renforce sa sévérité tandis que la France poursuit sa politique de répression malgré un montant d’amendes en baisse
Contrairement à 2020, la Commission européenne a été particulièrement sévère en 2021 en infligeant des amendes antitrust d’un montant total de 1,75 milliard d’euros, contre seulement 369,5 millions en 2020. Elle a rendu 11 décisions de sanctions contre des ententes, un chiffre presque identique au nombre total de sanctions prononcées entre 2018 et 2020. L’amende la plus importante a été infligée en juillet 2021 à l’encontre de quatre constructeurs automobiles (Volkswagen, Audi, Porsche et BMW) pour entrave à la concurrence sur les systèmes de dépollution pour leurs nouvelles voitures diesel : une sanction historique en raison de son montant (875 millions d’euros), mais également en raison de son caractère inédit : il s’agit de la première décision sanctionnant une entente sous la forme d’une limitation au développement technique.
En France, l’Autorité de la concurrence a infligé des amendes moins élevées qu’en 2020, passant de 1,9 milliard d’euros à 872,5 millions en 2021. Elle n’a pourtant pas infléchi sa politique : l’amende record d’1,2 milliard d’euros prononcée contre Apple en mars 2020 avait fortement contribué au montant total de 2020. En 2021, l’Autorité de la concurrence a rendu 12 décisions importantes :
- 5 décisions sanctionnant des cas d’entente, dont l’une visait les trois principaux fabricants français de sandwichs industriels (Roland Monterrat, La Toque Angevine et Daunat) pour entente sur les prix entre 2010 et 2016 ;
- 3 décisions sanctionnant des pratiques de restrictions verticales – on notera ici que toutes concernaient des restrictions présumées aux ventes en ligne ;
- 4 décisions relatives à des pratiques d’abus de position dominante, dont deux à l’encontre de Google. Ces sanctions sont emblématiques des priorités de l’Autorité de la concurrence qui a, pour rappel, créé en janvier 2020 un service dédié à l’économie numérique.
Les géants du numérique en ligne de mire et le développement durable comme nouvelle priorité
Les « Big Tech » restent au centre de l’attention des autorités à travers le monde. Plusieurs décisions importantes ont été adoptées cette année : l’Italie a été particulièrement active en infligeant une amende record de 1,128 milliard d’euros à Amazon, une seconde de 134 millions d’euros contre Amazon et Apple, ainsi qu’une troisième de 102 millions d’euros contre Google. La Commission européenne a également condamné Google pour avoir abusé de sa position dominante en favorisant son propre service de comparaison de prix, Google Shopping. La vague de nouvelles enquêtes ouvertes en 2021 en Europe et en Asie-Pacifique, ainsi que la volonté affichée des autorités de la concurrence des pays membres du G7 de promouvoir une approche commune laissent présager un durcissement des enquêtes ouvertes à l’encontre les géants du numérique dans les années à venir.
En parallèle, la question de l’interaction entre les règles de concurrence et les initiatives en matière de durabilité a également été au cœur des discussions, particulièrement en Europe. L’autorité néerlandaise a ouvert la voie en adoptant une position ferme selon laquelle les accords entre concurrents profitant à l’ensemble de la société peuvent être autorisés, même dans l’hypothèse où ceux-ci nuiraient aux clients de ces entreprises. La Commission européenne a également reconnu que la transition vers une économie plus verte devait être soutenue par le biais d’une application rigoureuse des règles en vigueur, en constatant toutefois la nécessité de nouvelles orientations dans ce domaine.
« Les hauts niveaux d’amendes observés en 2021 à travers le monde, en augmentation de plus de 6 milliards de dollars par rapport à 2020, traduisent la volonté des autorités de la concurrence de travailler ensemble et de renforcer les actions répressives dans les secteurs innovants de l’économie, à commencer par le secteur numérique. Ces montants peuvent également s’expliquer par l’aboutissement des enquêtes reportées en raison de la pandémie. Les montants d’amendes qui seront observés en 2022 permettront de déterminer si la nouvelle approche des autorités de concurrence, qui semble plus répressive, est constitutive d’un nouveau référentiel. Les accords conclus entre concurrents au soutien du développement durable devront également faire l’objet d’une attention particulière, dans la mesure où ils font l’objet d’une approche favorable des autorités mais ne doivent pas service de vecteur à des accords visant à restreindre la concurrence sur le marché », conclut Florence Ninane, responsable du département Droit de la Concurrence d’Allen & Overy à Paris.