Dans le cadre de l’opération BNP Paribas/Fortis, Pierre-Yves Chabert, associé chez Cleary Gottlieb Steen & Hamilton, était en charge du dossier et de la coordination des équipes de son cabinet. Il nous apporte son éclairage sur les aspects techniques de l’opération.
Le Monde du Droit : Pouvez-vous préciser les points-clés de l’opération sur le plan juridique ?
Pierre-Yves Chabert : L’opération d’acquisition de Fortis Bank par BNP Paribas présentait de réelles complexités sur le plan juridique, dont je retiendrais six points marquants.
Premièrement, l’adossement de Fortis Bank à un établissement solide comme BNP Paribas devait être réalisé très rapidement, dans un contexte de crise de liquidité majeure et un début de bank run sur Fortis Bank, imposant une exécution très rapide de l’opération. Les grands principes de l’opération ont été conclus en huit jours et le soutien en liquidité par BNP Paribas mis en place immédiatement.
Deuxièmement, l’environnement réglementaire pour le sauvetage des banques était encore inexistant. La Commission européenne a développé sa doctrine sur les aides d’Etat pour répondre à la crise financière en grande partie dans le contexte de l’opération Fortis Bank. Il fallait donc avancer dans un environnement aléatoire et très incertain.
Troisièmement, le sauvetage de Fortis Bank s’est réalisé dans un contexte difficile avec certains actionnaires minoritaires, très choqués par les pertes réalisées par Fortis et la dégradation brutale de sa situation financière. L’opération a pris un tour contentieux délicat avec de multiples procédures et rebondissements judiciaires.
Quatrièmement, Fortis Bank est un établissement international présent dans de nombreux pays. La procédure d’acquisition a imposé d’obtenir des autorisations réglementaires diverses dans 83 pays, qu’il fallait gérer au plus vite.
Cinquièmement, le rôle des Etats belges et luxembourgois était central et il a fallu trouver une structure d’acquisition équilibrée permettant de respecter les intérêts de tous les participants.
Sixièmement, Fortis Bank s’était engagée dans des activités risquées portant sur des produits aujourd’hui qualifiés de « toxiques ». Il a fallu mettre en place une des premières structure de defeasance d’actifs toxiques post-crise de 2007-2008. Du point de vue du cabinet, cette opération imposait une capacité de réaction rapide et très technique sur de multiples domaines qu’il fallait gérer concomitamment : aspects transactionnels, contentieux, droit de la concurrence, aides d’Etat, droit boursier, droit bancaire, financements. Au cœur de l’opération, nous étions plus de 40 avocats du cabinet impliqués dans l’opération.
Avec cette opération, c’est la 3ème fois en 4 ans que vous remportez le Grand Prix de la Meilleure Opération Financière du Club des Trente, avez-vous une recette ?
P.-Y. C. : Nous avons eu effectivement la chance de représenter Mittal dans son acquisition d’Arcelor, qui a obtenu le Grand Prix du Club des Trente pour 2006, et Lafarge dans son acquisition d’Orascom, qui a obtenu le Grand Prix du Club des Trente pour 2007. Je note que sur les six opérations nominées de cette année, nous avons travaillé sur quatre opérations : le refinancement de Rexel qui a obtenu le Prix de la Meilleure Opération de Financement et l’acquisition de Razorfish par Publicis qui a obtenu le Prix de la Meilleure Opération de Fusion Acquisition. Nous étions en outre conseil de Mittal dans son opération de refinancement de 4 milliards de dollars.
Je crois que ceci reflète certaines caractéristiques propres à Cleary Gottlieb. Nous tentons d’être extrèmement techniques et en pointe dans nos domaines d’intervention, nous couvrons les aspects clé des opérations complexes – transactionnel, structuration juridique et fiscale, concurrence, financement, contentieux – et plus important encore, par notre structure d’organisation, nous sommes capables de mobiliser des équipes réactives, de grande qualité et parfaitement intégrées sur tous ces domaines et sur tous les continents. Dans le cadre d’opérations complexes comme celles reconnues par le Club des Trente, nous espérons avoir développé un modèle dont nos clients reconnaissent qu’il fait effectivement la différence.