Marchés publics de services juridiques : quels changements ?

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Etienne Amblard, Counsel et Lila Zarfaoui-Duval, collaboratrice chez GideDepuis 20 ans, sous l’impulsion du droit communautaire, les prestations d’avocats ont été progressivement soumises au droit des marchés publics. Les dispositions de la nouvelle directive n° 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE pourraient remettre en cause cette soumission. Décryptage par Etienne Amblard et Lila Zarfaoui-Duval, Counsel et collaboratrice chez Gide. 

Quelles sont les règles qui s’imposent actuellement aux personnes publiques lors du choix d’un cabinet d’avocats ?

Les personnes publiques (les différents services de l’Etat, les collectivités territoriales, leurs établissements publics, etc.) ont l’obligation de respecter des règles de publicité et de mise en concurrence issues des directives communautaires et du code des marchés publics lors du choix de leurs avocats, tant dans le domaine du conseil que dans celui du contentieux. Ces règles sont assez contraignantes même si, s’agissant des marchés de services juridiques, elles sont allégées. Il existe, néanmoins deux exceptions principales à la mise en concurrence des marchés de services juridiques : (i) lorsque la mission confiée par la personne publique à l’avocat porte sur un montant d’honoraires inférieur à 15.000 € HT et (ii) dans des situations d’urgence, par exemple pour des missions de représentation juridique en procédure de référé.

Quel est l’apport de la nouvelle directive sur les marchés publics ?

La directive n° 2014/24/UE du 26 février 2014 part du constat suivant : le marché des prestations juridiques est essentiellement national et ne présente qu’une dimension transnationale limitée (considérant 116 de la directive). En conséquence, ce texte exclut désormais de son champ d’application l’essentiel des prestations proposées par les avocats.
Cela vise les services juridiques consistant en "la représentation légale d’un client par un avocat" dans le cadre de procédures d’arbitrage, de conciliation et devant les juridictions (article 10, d), i)) ou  en des prestations de conseil juridique fournies en vue de la préparation de procédures contentieuses (article 10, d), ii)). De plus, s’agissant plus particulièrement des prestations de conseil, les dispositions de la directive ne s’appliquent pas aux marchés de services juridiques dont le montant est inférieur à 750 000 € HT (article 4, d) et annexe XIV).

Quelles sont les marges de manœuvre lors du processus de transposition ?

Le Gouvernement dispose d’un délai au 18 avril 2016 pour transposer les dispositions de la directive. Il a d’ores et déjà indiqué que les dispositions concernant les marchés de services juridiques ne font pas partie des mesures qui seront transposées de manière prioritaire (Rép. min. n°56639: JOAN Q 19 août 2014, p. 7027).
Les pouvoirs publics conserveront une certaine marge de manœuvre dans le cadre du processus de transposition. Deux voies principales pourraient être empruntées : soit celle d’une stricte transposition des termes de la nouvelle directive dans les textes nationaux, qui se traduirait par un assouplissement (voire la disparition) des obligations issues du droit des marchés publics pour les missions contentieuses et pour une partie importante des missions de conseil ; soit celle d’une "surtransposition" des termes de la directive, qui consisterait dans le maintien de tout ou partie des règles actuelles, au nom d’une application nationale exigeante des principes de la commande publique. Cette approche serait néanmoins contradictoire avec l’objectif de simplification normative affiché par ailleurs par le Gouvernement (1) .
Au demeurant, si la première voie est retenue, les collectivités publiques pourront continuer à mettre en œuvre, de manière volontaire et sur la base de leur expérience passée, des processus sélectifs simplifiés.

Existe-t-il d’autres considérations justifiant une évolution des marchés de services juridiques ?

Sur le fondement des textes actuels, certaines personnes publiques ont développé une pratique de standardisation de leurs procédures d’achat de prestations juridiques qui soulève différentes questions au regard des principes commandant la relation entre l’avocat et son client (importance de l’intuitu personae, indépendance du conseil, secret professionnel et confidentialité, modalités d’établissement des honoraires, etc.).
De plus, l’importance parfois donnée au critère du prix favorise des pratiques de contournement par l’ « écrasement » des taux horaire. Ces pratiques sont dénoncées par le Ministère de l’économie et des finances et ont été condamnées, à plusieurs reprises, par le juge administratif (sanction de "l’offre anormalement basse"). Ces considérations pourraient aussi plaider, de manière convergente avec les objectifs de la nouvelle directive, en faveur d’un assouplissement des contraintes du droit des marchés publics appliquées aux prestations de services juridiques.

Etienne Amblard (Counsel) et Lila Zarfaoui-Duval (collaboratrice) interviennent sur les questions de marchés publics au sein de la ligne de métiers droit public et environnement du cabinet Gide.

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NOTES

(1) La circulaire du Premier ministre du 17 juillet 2013 relative à la mise en œuvre du gel de la réglementation recommande de ne pas imposer, lors des processus de transposition, des règles plus contraignantes que celles issues des directives communautaires.


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