Le gouvernement cherche à rassurer gestionnaires et distributeurs de Fonds ISF et leurs souscripteurs : l’ISF PME sera maintenu en 2011(1). Si une baisse du taux de réduction (passant de 50% à 25%, voire 22%) devait intervenir, ce qui n’est plus envisagé pour l’instant, elle ne serait effective que sur l’ISF 2012(2). Les conditions de la collecte 2011 ne devraient donc connaître aucun changement. Par Florence Moulin, DFI Avocats.
Pourtant, le marché reste dubitatif sinon inquiet et cela malgré la multiplication des annonces qui se veulent rassurantes. Pourquoi ?
D’abord, les annonces du gouvernement ne peuvent préjuger du texte qui sera adopté par le Parlement. Dans un contexte de réduction des niches fiscales et sur un sujet aussi brulant que l’ISF, surtout à la veille d’une élection présidentielle, on peut s’attendre à de nombreux amendements. Toutefois, les amendements devraient être réduits. En effet, le projet de loi qui sera présenté en conseil des ministres le 11 mai est le fruit d’un consensus entre le gouvernement et des parlementaires, qui ont été associés très en amont au projet.
Ensuite, le gouvernement envisage d’appliquer dès maintenant deux aspects de la réforme :
- La suppression de la 1ère tranche : les foyers fiscaux dont le patrimoine est compris entre 800.000 et 1.300.000 euros au 1er janvier 2011 ne seraient plus assujettis à l’ISF, dès 2011,
- l’ISF 2011 serait déclaré et payé le 15 septembre voire le 30 et non pas le 15 juin.
Ces deux mesures suscitent deux principales interrogations :
- la suppression de la 1ère tranche aura-t-elle un impact sur la campagne 2011? elle en aura un, c’est évident. Mais il devrait être relativement réduit car les redevables de la 1ère tranche ne constituent pas la majorité des souscripteurs. Mais ne faut-il pas aller au-delà de cette 1ère tranche ? Logiquement, de par la suppression de la 1ère tranche, les redevables des tranches suivantes devraient faire une économie de 2.805 euros(3). Ainsi le contribuable qui a un patrimoine de 1.5 M€ payera désormais 1.425 € d’ISF au lieu de 4.230 €. Mais cette logique sera-t-elle suivie par les parlementaires ? On peut craindre que non. Le contexte n’est pas à la réduction des recettes fiscales.
- Que faut-il faire jusqu’au 15 juin ? Le projet de loi sera présenté au conseil des ministres du 11 mai, discuté à l’assemblée nationale courant mai puis au Sénat autour du 20 juin pour une adoption entre la fin juin et le début juillet. Or, entre temps, les contribuables auront dû déclarer et payer leur ISF. L’article 885 W du CGI dispose que "les redevables doivent souscrire au plus tard le 15 juin de chaque année une déclaration de leur fortune déposée au service des impôts de leur domicile au 1er janvier et accompagnée du paiement de l'impôt". Pour modifier cette date, il est donc nécessaire de modifier la loi et cela avant le 15 juin ! Un calendrier peu compatible avec le calendrier des discussions parlementaires. Certes, le gouvernement pourra toujours faire des annonces de tolérance mais d’un point de vue juridique, seul compte le texte qui sera adopté par le Parlement et dont la teneur ne serait être garantie par nos ministres.
Dans ce contexte inédit, les professionnels s’interrogent sur ce qui peut être mis en place pour anticiper cette réforme.
Plusieurs questions se posent en effet :
- Dois-je recueillir des bulletins de souscription de redevables de la 1ère tranche ?
- Dois-je anticiper l’éventuelle réduction d’ISF des tranches suivantes ?
- Dois-je encaisser les versements avant le 15 juin 2011 ?
- Pour les holdings, est-ce que je dois investir dans des PME avant le 15 juin 2011 ?
- Comment garantir à mon souscripteur qu’il pourra obtenir un remboursement s’il n’est plus assujetti à l’ISF ou si le montant de son impôt est considérablement réduit ?
- Etc.
Mais aussi :
- Pourrais-je continuer à collecter au-delà du 15 juin si l’ISF est reporté au 15 septembre ? et comment ?
- Pourrais-je reporter la date de constitution de mon Fonds au-delà du 15 juin et bénéficier d’un report des dates limites d’atteinte des quotas ? et comment ?
- Etc.
Selon nos sources, il n’est pas improbable que seuls les contribuables de la 1ère tranche, jusqu’à 1.3m€ soit simplement « dispensés », par une déclaration du ministre. Par contre, les autres resteraient astreints au 15 juin.
Cela étant, les contribuables-souscripteurs et gestionnaires doivent, même si cela est irrationnel, être encore plus rassurés : nous réfléchissons aux formules adéquates.
NB : nous vous rappelons que vous devez déclarer la création de votre Fonds à l’administration fiscale dans le mois qui suit son agrément par l’AMF. Par ailleurs, vous devez adresser votre attestation de dépôt des fonds, qui vaut constitution de celui-ci, en principe "immédiatement après le dépôt des Fonds et au plus tard dans les 120 jours suivant la date d’agrément du FCPR".
Florence, Moulin, Avocate Associée, DFI Avocats
Notes
(1) La Tribune, Réforme de la fiscalité : l’ISF-PME épargné, 28/04/2011
(2) Les Echos, interview de Francois Baroin, 29/04/2011
(3) Pour une meilleure compréhension, voici un tableau avec les différents barèmes d’ISF en vigueur (hors plafonnement de l’ISF) :
Valeur du patrimoine |
Tarif de l’ISF |
Montant de l’ISF dû |
0 - < 800.000 € |
0 |
0 |
800.000 – 1.310.000 € |
0.55% |
>1 - < 2.805€ |
1.310.000 – 2.570.000€ |
0.75% |
>2.805 – <12.255€ |
2.570.000 - 4.040.000€ |
1% |
>12.255 – < 26955€ |
4.040.000 – 7.710.000€ |
1.3% |
>26.955 - < 74665€ |
7.710.000 - 16.790.000€ |
|
> 74.665 - <224.485€ |
< 16.790.000€ |
1.8% |
>224.485€ |