Stéphanie Vérité, directrice et Gaspard Brulé, associé au sein du cabinet Vaughan Avocats, commentent les dernières dispositions sur le crédit d’impôt en faveur de l’intéressement.
Les temps ont bien changé depuis la loi du 3 décembre 2008, qui avait généreusement mis en place un crédit d’impôt en faveur des entreprises qui instauraient un système d’intéressement ou le renouvelaient, à certaines conditions.
En effet, ce crédit d’impôt, d’un montant initial de 20% des primes d’intéressement versées aux salariés (lorsqu’il n’existait auparavant aucun accord) ou de 20% de l’augmentation du montant des primes d’intéressement issues de l’accord renouvelé (par rapport à la moyenne des primes issues de l’accord précédent), a vu son champ d’application restreint aux seules entreprises de moins de 50 salariés.
Cette évolution, issue de la loi de finances pour 2011, s’est accompagnée d’une modification de l’assiette de calcul du crédit d’impôt puisque son montant s’applique désormais, en cas d’accord renouvelé, sur l’augmentation du montant des primes d’intéressement par rapport à la moyenne des primes de l’accord précédent ou, si leur montant est plus élevé, aux primes d’intéressement de l’année précédente.
Ladite loi de finances augmente toutefois, pour les entreprises éligibles, le taux du crédit d’impôt porté de 20% à 30%. Elle élargit également le périmètre des entreprises éligibles à un certain nombre de sociétés exonérées d’impôts sur les bénéfices.
Un projet d’instruction fiscale, soumise à consultation, précise que la condition d’effectif (< 50 salariés) s’apprécie à la clôture de l’exercice, pénalisant ainsi les sociétés de taille modeste mais à croissance rapide. Toutefois, pour les sociétés membres d’un groupe fiscal (régime d’intégration fiscale), la condition d’effectif s’apprécie au niveau de chaque société membre alors même qu’un accord d’intéressement aurait été conclu au niveau du groupe.
Cette modification législative pose à nouveau la question de la rétroactivité de la loi fiscale. En effet, les nouvelles dispositions s’appliquent aux « crédits d’impôt acquis au titre des primes versées à compter du 1er janvier 2011 ».
Ainsi, les nouvelles dispositions restrictives vont concerner les primes dues au titre de 2010 mais non encore versées (étant rappelé que les primes doivent être versées aux salariés, aux termes de la loi, dans les 7 mois de la clôture de l’exercice). Plus généralement, les accords d’intéressement étant conclus pour une durée de 3 exercices, la suppression rétroactive du crédit d’impôt représente un surcoût non prévisible pour l’employeur pour la période allant du 1er janvier 2011 jusqu’au terme de l’accord en cours, ce surcoût ne pouvant pas être pris partiellement par les employés, sauf signature d’un avenant à l’accord, peu envisageable en pratique.
Pour faire face à ces modifications, et à leurs conséquences financières, les employeurs pourraient donc être contraints de diminuer le montant des primes ou augmentations qu’elles avaient pu envisager de consentir à leurs salariés.
Dans ce contexte d’instabilité juridique, ne faudrait-il pas prévoir une clause relative au changement de législation qui permettrait à l’employeur de répercuter aux employés le surcoût d’un alourdissement de la charge fiscale ou d’une perte de crédit ou réduction d’impôt. Cela paraitrait équitable dès lors que le crédit d’impôt est un élément déterminant du consentement de l’employeur.
Attendons toutefois de voir si l’administration poursuivra plus en avant dans cette démarche, après la consultation publique que la Direction de la législation fiscale a menée sur cette question.
Stéphanie Vérité, directrice et Gaspard Brulé, associé au sein du cabinet Vaughan Avocats