Pour la quatrième fois, mais dans un arrêt cette fois publié au Bulletin, la Cour de cassation répond par la négative à la question de savoir si l’intimé qui n’a pas conclu dans le délai de deux mois imposé par l’article 909 du code de procédure civile sur l’appel principal de son adversaire peut relever à son tour appel principal.
Civ. 2e, 13 oct. 2016, F-P+B, n° 15-25.926.
Voilà donc le quatrième arrêt de la Cour de cassation sur un sujet qui a donné lieu à de nombreuses décisions, souvent en sens contraire, des cours d’appel.
Par arrêt du 4 décembre 2014 (n° 13-25.684, non publié au Bulletin, D. 2015. 287, obs. N. Fricero, http://www.dalloz actualite.fr/sites/all/themes/dallozactu/icons/type_dalloz_fr_link.png), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a, pour la première fois, considéré qu’un intimé, qui s’était abstenu de conclure dans le délai de deux mois de l’article 909 du code de procédure civile, n’était pas recevable à relever appel principal du jugement précédemment attaqué par l’appelant alors que cette voie de recours lui était ouverte au regard des dispositions de l’article 550 du code de procédure civile et ce quand bien même aucune signification de la décision attaquée n’ait été effectuée.
Par arrêts du 7 avril 2016 et du 12 mai 2016 (n° 15-12.770 et n° 15-18.906, non publiés au Bulletin), la deuxième chambre civile réitéra exactement dans les mêmes termes sa position et à nouveau au visa de l’article 550 du code de procédure civile.
La Cour de cassation, reprenant sa motivation, a entendu donner une toute autre portée à son arrêt du 13 octobre 2016 qui est assuré cette fois de la plus large diffusion. Ainsi, du fait de l’abstention de l’intimé de conclure et former éventuellement un appel incident dans son délai de l’article 909 du code de procédure civile, celui-ci n’est "pas recevable à relever ensuite appel principal du jugement précédemment attaqué, la date de la signification de ce dernier étant indifférente".
Avant l’avènement de cette jurisprudence, les cours d’appel étaient divisées sur la question, certaines retenant l’irrecevabilité de l’appel principal de l’intimé qui avait omis de notifier ses conclusions dans le délai de deux mois qui lui était imparti par l’article 909 du code de procédure civile, tandis que de nombreuses autres cours estimaient qu’aucune disposition du code de procédure civile n’interdisait à un intimé d’interjeter, à titre principal, un appel alors que ses conclusions venaient d’être jugées irrecevables par le conseiller de la mise en état dès lors qu’il avait, bien évidemment, intérêt à relever appel et qu’il était toujours dans le délai légal pour ce faire.
Le débat noué autour de la recevabilité de ce second appel principal avait une véritable légitimité tant il est vrai qu’aucune disposition expresse n’interdit à l’intimé de relever appel principal, l’article 909 du code de procédure civile édictant une irrecevabilité de l’appel incident et non pas une déchéance de l’appel. L’article 543 du code de procédure civile, non visé par la Cour de cassation, dispose encore que "la voie de l’appel est ouverte en toutes matières, même gracieuses, contre les jugements de première instance s’il n’en est autrement disposé".
En outre, une telle sanction n’est pas expressément prévue comme dans l’hypothèse de l’article 621, alinéa 3, applicable devant la Cour de cassation qui déclare irrecevable le pourvoi à titre principal si, sur le pourvoi d’une autre partie, il n’a pas été formé de pourvoi incident ou provoqué dans le délai de l’article 1010 du code de procédure civile.
Mais, en l’absence de disposition spéciale privant l’intimé de la voie de l’appel principal, l’appel incident semble entendu, pour la Haute juridiction, en tant que véritable voie de recours, laquelle n’est ouverte que dans les conditions de l’article 550 du code de procédure civile, c’est-à-dire que l’appel incident s’exerce "sous réserve des articles 909 et 910".
La sanction peut apparaître d’autant plus sévère que la Cour de cassation a une conception bien moins restrictive en ce qui concerne l’appelant qui peut toujours, tant que la signification de la décision n’est pas venue fermer son recours, former un nouvel appel principal et alors même que sa première déclaration d’appel a pu être jugée caduque notamment pour ne pas avoir respecté le délai de trois mois imposé par l’article 908 du code de procédure civile (Civ. 2e, 7 avr. 2016, n° 15-14.154).
Romain Laffly, avocat associé – Lexavoué Lyon, spécialiste en procédure d’appel