Une loi de finances rectificative en date du 29 juillet 2011 marque la fin de la gratuité de la justice pour de nombreuses juridictions.
La nouvelle taxe de 35€ pour saisir le conseil des Prud'hommes risque de mettre fin au principe d’égalité des citoyens dans l’accès à la justice, pourtant garanti par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Le début d'une justice à l'américaine ?
"La justice est gratuite, heureusement elle n’est pas obligatoire", tels étaient les mots de Jules Renard. Par une loi de finance rectificative en date du 29 juillet 2011, le recours à la justice prud’homale implique l’achat d’un timbre fiscal d’une valeur de 35 euros.
Cette loi est un nouvel affront au principe historique de la gratuité de la justice, déjà largement remis en question auprès de certaines juridictions telles que le Tribunal de commerce et bientôt la Cour d’Appel.
Cela est d’autant plus surprenant au regard de la spécificité de la juridiction prud’homale. Le déséquilibre patent dans les relations entre l’employeur et le salarié imposaient aux conseillers prud’homaux de veiller tout particulièrement au respect des règles protectrices édictées par le Code du travail.
Certains ont vu dans cette réforme une tentative du gouvernement d’instaurer une source d’impôts déguisée et une mesure de découragement des salariés d’exercer leurs droits de la défense. La loi a d’ailleurs été soumise au contrôle du Conseil constitutionnel sur le fondement d’une atteinte au principe d’égalité des citoyens dans l’accès à la justice.
Il convient toutefois de se pencher sur les motivations affichées par le législateur au soutien de cette réforme.
Il s’agit de financer la nouvelle réforme de la garde à vue, plus protectrice des droits de la défense, dont le coût a été estimé à 158 millions d’euros. Le montant des recettes engendrées par ce texte est estimé à 8 millions d’euros par an, ce qui contribuera à mettre réellement en œuvre cette grande avancée en matière pénale.
L’autre but poursuivi par l’instauration de ce timbre fiscal est de désengorger les 207 Conseils de prud’hommes en encourageant les résolutions amiables des conflits entre l’employeur et le salarié.
En effet en 2009, près de 229.000 saisines ont été enregistrées au greffe des Conseils de Prud’hommes sur le territoire national, soit une hausse de 13 % par rapport aux chiffres relevés l’année précédente.
Il convient également de noter que le Conseil constitutionnel a jugé cette loi conforme à la Constitution, sans aucune réserve, étant donné notamment que les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle en sont dispensés. Cette loi entrera donc en vigueur le 1er octobre prochain.
Cependant, ce texte sera vraisemblablement soumis au contrôle de la Cour Européenne des Droits de l’Homme sur le fondement de l’article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme qui édicte le droit à un procès équitable.
Ce contrôle de conventionalité peut mener, in fine, à la suppression de ce timbre si les Sages de Strasbourg jugent ce dernier en contrariété avec le droit européen.
Le cabinet Gueguen-Carroll est totalement opposé à cette nouvelle " taxe". Avec ces 35 euros à payer en plus la justice prud’homale devient moins accessible et limite désormais l’accès à certains salariés et à certaines demandes.
La justice devient payante, il est à craindre dans les prochaines années une augmentation de cette "taxe" au même titre que l’essence ou le tabac pour remplir les caisses vides de l’Etat !
Julien Gueguen Carroll
Associé, Cabinet Gueguen Carroll