Noms de domaine et droits des marques en France : une relation qui reste ambiguë

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Aurélia Marie - Conseil en propriété industrielle - Beau de LoménieUn décryptage d'Aurélia Marie, Associée, cabinet Beau de Loménie

De nouvelles dispositions relatives au statut des noms de domaine premier niveau concernant le territoire national français ont été adoptées dans une loi du 22 mars 2011, portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques (J.O. du 23 mars 2011).

Elles ont visé à remplacer l’ancien article L. 45 du Code des Postes et Télécommunications, déclaré contraire à la Constitution, et comprennent neuf articles.

Si ces dispositions ne sont pas réellement novatrices, elles sont en revanche plus lisibles que dans leur version précédente et répondent aux exigences posées par le Conseil Constitutionnel, s’agissant du respect des libertés d’entreprendre et de communiquer, et de leur équilibre avec les droits de propriété intellectuelle.

Ainsi, comme précédemment, la règle du "premier arrivé, premier servi" reste le principe d’attribution, pour une durée limitée et renouvelable.

Il a été par ailleurs confirmé que le demandeur endossait la responsabilité du choix de l’enregistrement d’un nom de domaine puisque ce dernier sera attribué sur la base de sa propre déclaration (Art. 45.1).
Par ailleurs, la fourniture de données inexactes par le titulaire du nom de domaine, telles que par exemple celles relatives à son identification, peut entrainer la suppression du nom de domaine par l’Office.

Le texte indique de même clairement qu’un nom de domaine ne doit pas porter atteinte à l’ordre public, pas plus qu’à des droits de propriété intellectuelle ou de la personnalité, de même qu’il ne doit pas être «identique ou apparenté à celui de la République française, d’une collectivité territoriale, d’une institution ou d’un service public national ou local» sauf intérêt légitime et bonne foi du demandeur (art. 45.2).

Le non-respect de ces dispositions n’est pas sans conséquence puisque l’article L. 45.6 prévoit que "toute personne démontrant un intérêt à agir peut demander à l’Office d’enregistrement la suppression ou le transfert à son profit d’un nom de domaine" et charge l’Office de mettre en place une procédure contradictoire qui peut prévoir l’intervention d’un tiers/arbitre, choisi dans des conditions transparentes, non discriminatoires et rendues publiques. Les décisions de l’Office sont par ailleurs susceptibles de recours devant le juge judiciaire.

Il est à noter cependant que la loi a renvoyé aux dispositions règlementaires le soin de définir les éléments permettant d’établir l’usage de mauvaise foi et l’absence d’intérêt légitime.

L’entrée en vigueur de ces dispositions a ainsi été partiellement suspendue à l’adoption d’un décret d’application. Ce dernier attendu au 1er juillet a, en réalité, été publié seulement le 3 août 2011. Par Communiqué du même jour, l’AFNIC, actuel Office d’enregistrement des .fr et .re, a précisé qu’elle procèderait à l’examen des 6158 demandes accumulées depuis le 1er juillet 2011 de sorte d’y répondre dès le 29 août.

Les notions "d’absence d’intérêt légitime" et d’ "usage de mauvaise foi" ont été ainsi définies à l’article R.20-44-43 du décret. En réalité, les rédacteurs ont choisi de se référer à l’ "existence d’un intérêt légitime" plutôt qu’à son absence et ce par une liste non exhaustive de différents exemples.


Ces dispositions n’ont malheureusement pas clarifié le régime des noms de domaine et les relations qui les unissent aux autres signes distinctifs.

On notera ainsi que tant la loi que le décret ne font aucune référence à la notion de droits antérieurs ou de risque de confusion ou de similitude entre produits ou services.

La notion de risque de confusion, notion essentielle en matière de signes distinctifs, disparait ici au profit des notions d’usage de bonne ou mauvaise foi ou d’existence ou non d’un intérêt légitime.

De la même manière, la bonne foi inopérante en matière de contrefaçon, parait être au final un critère central dans l’attribution des noms de domaine en France.

On regrettera également que les relations entre l’Office d’enregistrement et les tribunaux ne soient pas rendues plus explicites pour l’avenir que ce soit par la loi ou le décret.
Ainsi, s’il est prévu qu’un recours est possible contre les décisions de l’Office d’enregistrement, il n’est pas précisé si l’on pourra se dispenser de cette procédure et ainsi engager directement un recours devant un tribunal à l’encontre de la réservation d’un nom de domaine portant atteinte à un droit de propriété intellectuelle sans passer par cette étape. Il appartiendra alors à la jurisprudence de nous fixer sur ce point.

En l’état, les procédures extrajudiciaires de règlements des litiges devant le Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI, suspendues depuis le 15 avril 2011, ou celles devant l’AFNIC (PREDEC) suspendues depuis le 15 mai 2011, le restent et les discussions relatives aux règlements des litiges par voie extrajudiciaire pourraient prendre encore quelque temps.

Il en résulte en l’état que les contentieux relatifs à une demande de suppression ou de transfert de nom de domaine relevant du .fr ou du .re (Art. L.45-6) ne peuvent être réglés que devant le Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris si la partie adverse l’accepte, ou à défaut de règlement amiable, que devant les tribunaux judiciaires.

 

Aurélia Marie, Associée du cabinet Beau de Loménie


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