La détermination chinoise à piloter sa monnaie et à maîtriser l'inflation peut faire douter d'une remise en cause rapide des dogmes fondamentaux d'un contrôle des changes, qui a vocation à surveiller toute opération de conversion du yuan. Pour autant, ce régime a connu ces dernières années des évolutions significatives. Guillaume Rougier-Brierre et Thomas Urlacher, avocats du cabinet Gide Loyrette Nouel, se proposent de faire un état des lieux sur l'internationalisation de cette monnaie.
Le régime chinois a connu en à peine trois années des évolutions qui ouvrent des perspectives nouvelles. La marche vers l'internationalisation du yuan en donne un exemple spectaculaire.
Suivant la tradition chinoise de l'expérimentation, un programme pilote de règlement en yuans des échanges commerciaux entre cinq villes chinoises, d'une part, et Hong Kong, Macao et les pays de l'ASEAN, d'autre part, a d'abord été lancé à compter de 2009. Le règlement en yuans de biens ou de services entre des opérateurs chinois et étrangers est alors devenu possible.
Le programme a été étendu à vingt provinces chinoises et aux partenaires commerciaux du monde entier en juin 2010, puis à l'ensemble du territoire chinois en 2011. La même année, les autorités chinoises ont mis en place un mécanisme permettant d'utiliser des yuans obtenus hors de Chine pour réaliser des investissements en capital en Chine (constitution de joint ventures, acquisitions de sociétés chinoises). Cette nouvelle évolution s'est accompagnée du développement des émissions par des entreprises étrangères d'obligations libellées en yuans à Hong Kong (dim sum bonds).
La Banque Centrale chinoise a lancé en outre un programme pilote autorisant les entreprises chinoises à effectuer des investissements directs à l’étranger en yuans, et à investir sur le marché du yuan offshore à partir d'octobre 2011.
La conséquence directe de ces réformes fut le développement d'un marché du yuan à Hong Kong.
Un pays, deux monnaies
Du point de vue monétaire, tout se passe comme si une nouvelle devise, le yuan offshore, avait été créée. Des libellés interbancaires différents ont d'ailleurs été attribués à ces deux monnaies, à savoir le CNY pour la monnaie onshore auquel s'applique le taux SHIBOR et le CNH pour la monnaie offshore auquel s'applique le taux HIBOR. Les cours de ces deux devises, s'ils sont bien entendu corrélés, sont distincts, tout comme il existe un différentiel de taux d'intérêts, pour l'heure favorable aux emprunteurs de CNH, qui autorise des arbitrages.
D'un point de vue macro-économique, la Chine contrôle les flux de CNH par un système de quotas sur les opérations de compte courant et de capital. Par exemple, un quota de vingt milliards de CNH a été fixé en octobre 2011 pour les opérations d'investissements étrangers en Chine par emploi de cette devise.
Obtenir des yuans offshore
Une entreprise non chinoise peut librement ouvrir auprès d'une banque à Hong Kong un compte en yuans (CNH) et y déposer les sommes en yuans obtenues d'un partenaire commercial chinois en règlement de marchandises ou de services. Facturer ses clients chinois en yuans peut présenter des avantages multiples. A titre d'exemple, l'entreprise livrant des marchandises en Chine et consentant un crédit-vendeur peut profiter simplement et efficacement d'une appréciation du yuan. L'entreprise peut également percevoir des dividendes versés en yuans par ses filiales chinoises ou encore accumuler des avoirs en CNH acquis sur le marché monétaire à Hong Kong.
Une autre manière d'obtenir des CNH est d'emprunter auprès de banques (les prêts en CNH à des particuliers restant proscrits), ou encore d'investisseurs en émettant des dim sum bonds. Une telle émission intervient sans restrictions ni contrôle particulier des autorités chinoises. Les émissions réalisées récemment ont ainsi abouti au développement d'un marché obligataire libellé en CNH (la première émission de dim sum bonds a été réussie par Mc Donald's ; Asian Development Bank a quant à elle procédé à la première émission d'obligations en CNH cotée à Hong Kong). Des émissions en CNH de titres de capital cotés sont également possibles.
Les CNH détenus à Hong Kong peuvent être transférés de compte à compte, ou convertis en une autre devise sans restriction. Il est également possible de souscrire à des instruments monétaires structurés par les banques de la place (instruments de couverture, par exemple).
Utiliser ses yuans offshore
L'entreprise pourra utiliser ses yuans détenus offshore pour ses opérations courantes, à savoir le règlement de ses transactions commerciales avec la Chine. Elle pourra aussi envisager de les employer pour la réalisation d'opérations en capital, par exemple l'acquisition d'une société domestique chinoise - une telle opération reste toutefois soumise à une autorisation spécifique des autorités chinoises, outre les approbations généralement requise pour tout investissement étranger en Chine (et notamment celle du ministère chinois du commerce).
Ces fonds peuvent être mis à disposition d'une filiale chinoise de l'entreprise étrangère sous forme de prêt d'actionnaire sans autorisation de la Banque Centrale Chinoise, mais sous le contrôle du SAFE. Ils entreront alors dans le quota de dette offshore imparti à cette filiale par la réglementation chinoise et diminueront corrélativement sa capacité d'endettement étranger. Les fonds ne pourront par ailleurs pas être investis sur le marché immobilier ou boursier, sauf cas particuliers.
Un premier bilan
Au bilan, le dispositif reste encore très encadré, s'agissant des opérations de capital. L'emploi de yuans représente certes une opportunité, mais vient en contrepartie alourdir encore un processus réglementaire déjà contraignant. Il est certain en revanche que les anticipations d'appréciation du yuan et l'ouverture des mécanismes de règlement des transactions courantes verront le marché du CNH se développer rapidement et massivement.
Peut-être assistera-t-on aussi à la naissance de marchés du yuan en dehors de Hong Kong - certaines initiatives ont récemment été lancée pour la promotion d'un nouveau marche du yuan à Londres. A n'en pas douter, la Chine trouvera l'équilibre entre ses contraintes économique et sa volonté affichée de faire de Hong Kong la première place financière internationale avec le pragmatisme qui lui est propre.
Guillaume Rougier-Brierre et Thomas Urlacher
Avocats - Gide Loyrette Nouel
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