Hong Kong adopte une loi sur la concurrence

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Marc Waha et Julienne Chang, Avocats, Norton RoseHong Kong a adopté sa première Ordonnance sur la concurrence le 14 juin 2012.  Le nouveau dispositif devrait entrer en vigueur en 2014, lorsque les deux nouvelles autorités - la Commission de la Concurrence et le Tribunal de la Concurrence - auront pris fonction et adopté les règlements d’application.

Une politique de concurrence plus efficace

Il est souvent rappelé que le succès économique de Hong Kong est fondé sur la libre entreprise et la liberté des échanges commerciaux.  Toutefois, plusieurs entreprises étrangères ont dans le passé décrié les barrières artificielles érigées par des intérêts privés soucieux de protéger leur marché domestique.  Depuis la fin des années 1990, des groupes de consommateurs ont aussi mis en exergue le peu de concurrence dans le secteur de la grande distribution.  Le débat a duré de longues années, mais certains secteurs économiques ont progressivement rejoint les partisans d’une politique de concurrence plus efficace en vue de préserver la compétitivité de Hong Kong.
C’est dans ce contexte que le Conseil législatif de Hong Kong a finalement adopté une Ordonnance sur la concurrence en juin 2012.
L’Ordonnance s’applique à toutes les entreprises, qu’elles soient ou non établies à Hong Kong, dès lors que leurs comportements ont un effet sur la concurrence sur le marché.  A l’inverse du droit européen de la concurrence, les règles hongkongaises prévoient de larges exclusions au profit des entreprises publiques.  Le contrôle des opérations de concentrations est par ailleurs limité au seul secteur des télécommunications.

Interdiction des ententes

La loi interdit tous types d’entente anticoncurrentielle, qu’elle soit le fait d’entreprises concurrentes ou d’entreprises actives à différentes étapes de la production.  L’Ordonnance organise un régime procédural distinct selon que la pratique constitue une "restriction flagrante" ou non.  Cette dichotomie permet ainsi aux entreprises d’entrevoir les priorités du législateur dans la mise en œuvre du nouveau droit de la concurrence.
Les "restrictions flagrantes" énumérées par la loi sont les suivantes:

La fixation des prix ;
La limitation et le contrôle de la production ;
La répartition des marchés, de la clientèle ou des sources d’approvisionnement ;  et
Les soumissions concertées dans les procédures d’appels d’offres.
Les accords restrictifs de concurrence sont exemptés s’ils ont des effets bénéfiques, notamment pour les consommateurs.  La Commission de la concurrence pourra aussi exempter à ce titre certains accords ou catégories d’accords.  Diverses exceptions sont aussi prévues pour les entreprises de petite taille.  Les « restrictions flagrantes » sont en revanche toujours interdites.

Interdiction des abus de puissance économique


L’Ordonnance interdit l’exploitation abusive d’une puissance économique.  Suivant en cela la pratique internationale, les règles hongkongaises ne sanctionnent pas la puissance économique en tant que telle mais seulement les pratiques abusives.  En revanche, si l’Ordonnance mentionne certains exemples de pratiques d’éviction abusives (par exemple, les pratiques de prix prédateurs), elle reste néanmoins silencieuse s’agissant des pratiques consistant à exploiter les consommateurs.

L’Ordonnance est aussi silencieuse sur le seuil de part de marché au-dessus duquel une entreprise est susceptible de détenir un pouvoir de marché.  Selon le Gouvernement, une part de marché supérieure à 40 pour cent est indicative de puissance économique.  En revanche, une telle puissance serait peu vraisemblable si elle est inférieure à 25 pour cent.

Mise en œuvre


L’Ordonnance instaure un système de responsabilités partagées entre la Commission de la concurrence - chargée des enquêtes - et le Tribunal de concurrence - chargé de sanctionner les infractions.

Commission de la concurrence


La Commission dispose de pouvoirs d’enquête importants.  La Commission peut adresser des demandes de renseignement aux entreprises, recueillir des déclarations ou bien encore effectuer des inspections dans les locaux des entreprises (sous contrôle judiciaire).
Lorsqu’elle est d’avis qu’une infraction a été commise, la Commission peut soit transiger, soit porter l’affaire devant le Tribunal de la concurrence.  Ces pouvoirs ne sont toutefois d’application que s’agissant des "restrictions flagrantes" et des abus de puissance économique.  Pour toutes les autres pratiques, la Commission est tenue d’adresser une lettre d’avertissement aux entreprises les enjoignant de mettre fin à leurs pratiques.  La Commission ne pourra poursuivre les entreprises devant le Tribunal que si elles refusent d’obtempérer, et les poursuites ne pourront porter que sur la période postérieure à l’avertissement.

Tribunal de la concurrence

Le Tribunal dispose de trois mesures principales pour sanctionner les ententes et les abus de puissance économique:

Il peut infliger des sanctions pécuniaires dans la limite de 10 pour cent du montant du chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise à Hong Kong au cours de l’infraction (jusqu’à une limite de trois ans).  Le pouvoir du Tribunal d’imposer des amendes s’applique non seulement aux "personnes" qui ont enfreint les règles concurrence, mais aussi à celles qui ont tenté de commettre l’infraction, ou facilité ou donné des instructions.
Il peut interdire aux personnes physiques d’exercer les fonctions d’administrateurs.

Il peut accorder des dommages et intérêts aux victimes, sous condition que l’infraction ait été constatée au préalable.

Marc Waha et Julienne Chang, Avocats, Norton Rose

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