Outre une règlementation complexe et évolutive, le droit de la durée du travail est également caractérisé par des règles de preuve spécifiques qui peuvent se révéler particulièrement rigoureuses pour les employeurs en cas de contentieux.
Tel est le cas, notamment, en matière d’heures supplémentaires, comme l’illustre un récent arrêt de la Cour de cassation du 26 septembre 2012 (n° 10-27508). Explications…
Il convient de rappeler que selon le Code du travail, l’employeur est astreint à la tenue de divers documents permettant de contrôler le temps de travail de ses salariés.
Ainsi, lorsque tous les salariés d’un service ou d’une équipe travaillent selon le même horaire collectif, cet horaire, daté et signé par l’employeur devra, après consultation des représentants du personnel et transmission à l’inspection du travail, avoir été affiché sur les lieux de travail.
A l’inverse, si les salariés ne sont pas occupés selon un même horaire, un décompte individuel de la durée du travail de chaque salarié, à la fois quotidien et hebdomadaire, devra être établi (article D. 3171-8 du Code du travail).
Le respect de ces formalités et la tenue de ces documents sont imposés sous peine de sanctions pénales (contraventions de 3e ou 4e classe). Ces documents sont en outre fondamentaux en cas de contentieux sur la durée du travail et de réclamation d’heures supplémentaires par les salariés.
En effet, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’article L. 3171-4 du Code du travail prévoit que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Ce texte précise encore qu’au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Dans la gestion des contentieux liés aux réclamations d’heures supplémentaires, la Cour de cassation avait semblé vouloir faire preuve d’une plus grande rigueur à l’égard des salariés en précisant, au début de l’année 2004, qu’à l’appui de leur réclamation, ces derniers devaient, au préalable soumettre au juge des éléments de nature à étayer leur demande (Soc. 25 février 2004 n° 01-45.441).
Dans les faits, ces éléments ont été appréciés avec souplesse. Ainsi, la production d’un simple relevé manuscrit des heures de travail effectuées par le salarié a été considéré comme un élément suffisant (Soc. 24 novembre 2010 n° 09-40928).
Dès lors que le salarié fournit ces éléments, l’employeur doit être en mesure d’y répondre de façon circonstanciée en justifiant des horaires de travail assumés par son salarié. A défaut, la demande d’heures supplémentaires présentée sera accueillie.
Telles sont les règles probatoires que rappelle la Cour de cassation dans son arrêt du 26 septembre 2012.
Dans cette affaire, une salariée avait produit à l’appui de sa demande de rappel d’heures supplémentaires une pièce intitulée « chiffrage des points à faire valoir aux prud’hommes », se résumant à un simple chiffrage dépourvu d’explication et de justification quant aux horaires assumés.
L’employeur n’avait produit aucun élément mais la cour d’appel, considérant que les pièces produites par la salariée dont ce chiffrage, n’étaient pas pertinentes, l’avait déboutée de sa demande.
La Cour de cassation censure cette décision en rappelant que la charge de la preuve ne pouvait peser sur la seule salariée.
Le relevé produit constituait en tant que tel un élément étayant la demande présentée, laquelle ne pouvait être rejetée par les juges dès lors que l’employeur ne produisait pas le moindre élément concernant la durée du travail de sa salariée.
Le respect des règles de contrôle de la durée du travail, telles qu’imposées par le Code du travail, apparaît primordial afin de parer aux éventuels contentieux sur le sujet…
Emmanuelle Sapène et Romain Aupoix, avocats au cabinet Péchenard et Associés