Antoine Louche, élève avocat au Cabinet LLC et Associés, nous propose ici un éclairage en matière de responsabilité hospitalière sur la recevabilité de l'action subrogatoire de l'ONIAM et des caisses de sécurité sociale.
Le mécanisme d'indemnisation au titre de la solidarité nationale des victimes d'accidents médicaux, d'infections iatrogènes et d’infections nosocomiales mis en place par la loi n°2002-3003 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et la qualité du système de santé, n'a pas pour objet de faire peser sur l'ONIAM une charge permanente, dès lors que cette dernière, ne relève pas du champ d'application des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.
La recevabilité de l'action subrogatoire ouverte aux caisses de sécurité sociale en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale est autonome et ne saurait à cet égard être liée à celle de l'action de la victime ou de l'office.
Saisi de trois questions formées par le Tribunal administratif de Paris, le Conseil d'Etat apporte par cet avis, des réponses et précisions tenant à la recevabilité des actions subrogatoires ouvertes à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et aux caisses de sécurité sociale en matière de responsabilité médicale devant les juridictions administratives.
S'agissant de l'ONIAM, la Haute assemblée rappela tout d’abord qu'en application du principe de la subrogation, le subrogé relève du même régime juridique que celui du subrogeant.
Tirant les conséquences de ce principe, les juges du Palais Royal ont considéré que le caractère définitif du rejet de la demande indemnitaire formée par la victime est, dès lors que les règles relatives à la mention des voies et délais de recours sont respectées, opposable à l'Office et lie ce dernier.
Sur ce point, le Conseil d’Etat précisa qu’en présence d’un telle décision définitive, l’éventuelle saisine d'une commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) n’était pas de nature à faire courir un nouveau délai de recours en application des dispositions de l'article L. 1142-7 du code de la santé publique.
A cette occasion, les considérants de l’avis rappellent également que pour être complet, les décisions faisant suite à une demande indemnitaire, ainsi que l’accusé de réception de cette demande, doivent mentionner les voies et délais de recours relatif à l’introduction d’une demande auprès des CRCI, et notamment le caractère suspensif de sa saisine, ainsi que ceux d’un recours auprès de la juridiction administrative.
Par cet avis, le Conseil d'Etat vient ainsi préciser l'étendue du champ d'application du régime d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux, d'infections iatrogènes et d'infections nosocomiales au titre de la solidarité nationale.
La mission première et principale de l'office, à l'origine de sa création, consiste en une prise en charge de l’indemnisation du préjudice de telles victimes par la solidarité nationale. La mission secondaire qui lui fut confié en application des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, consiste à ce que l'office puisse palier à la l'éventuelle carence d'un établissement public de santé ou de son assureur à former une offre d'indemnisation à la victime.
Néanmoins, ce mécanisme de substitution ne vise qu'à assurer, conformément à l'esprit de la loi Kouchner, une indemnisation rapide de la victime. L'ONIAM ne saurait toutefois assurer la charge des éventuelles négligences de cette dernière, notamment quand une décision définitive de rejet née à l'encontre de sa demande indemnitaire.
S'agissant des caisses de sécurité sociale, la Haute juridiction apporte une réponse en sens contraire.
En effet, le Conseil a précisé que bien que le terme subrogation soit retenu par les dispositions de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, l’action à la disposition des caisses ne relève pas d’un point de vue juridique du mécanisme de la subrogation.
Ce dernier a ainsi pu considérer que cette action n’était pas liée à l’éventuelle action engagée par la victime ou ses ayants droits. Cette dernière action tiendrait donc plus a priori du régime de l’action récursoire, où le subrogé exerce un droit qui lui est propre.
L'action par laquelle les caisses entendent obtenir le remboursement par le responsable d'un dommage corporel des dépenses qu'elles ont exposées en faveur de la victime est donc autonome et indépendante de celle de la victime ou de ses ayants droits.
Prenant acte de ces précisions, le Tribunal administratif de Paris dans son jugement du 6 décembre 2012 n°1112149, a ainsi pu écarter la fin de non-recevoir soulevée par l’assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) tirée de la tardiveté du recours formé par l’ONIAM, en constatant que la décision rejetant la demande indemnitaire de la victime comportait des voies et délai de recours incomplets, notamment s’agissant de l’absence de mention du caractère suspensif de la saisine d’une CRCI.
Au fond, l’assistance publique fut condamnée à verser à l’office une somme correspondant à 50% des sommes que ce dernier avait engagé pour indemniser la victime, outre les frais exposés au titre de l’expertise.
En application de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique cette somme fut majorée à hauteur de 5%, dans la mesure où, l’établissement public de santé et son assureur s’étaient abstenus de former une offre d’indemnisation à la victime.
Enfin, la caisse de sécurité sociale obtint pour sa part la condamnation de l’assistance publique à lui verser la somme forfaitaire prévue par les dispositions de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Références :
CE avis, 17 septembre 2012, ONIAM, n°360280
TA Paris, 6 décembre 2012, ONIAM, n°1112149/6-3
Antoine Louche, Elève avocat, Cabinet LLC et Associés