Alors que le texte est encore pris sous les remous de la navette parlementaire, à l’occasion de la Journée Droit et Entreprise du Conseil National des Barreaux, vendredi 5 avril, des doutes émanent quant à sa clarté et à son efficacité concernant le libéralisme économique.
« Les intentions sont louables, la méthode et la forme déplorables et les résultats discutables », scande le professeur de droit Arnaud Raynouard à propos du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises dit « PACTE », ce vendredi 5 avril lors de la Journée Droit et Entreprise du Conseil National des Barreaux à Paris.
Un indigeste enchevêtrement de textes
Atteignant les 220 articles au 15 mars, le document n’en comprenait que 71 lors de son dépôt en juin 2018. En moins d’un an, son volume a triplé. « La loi est illisible et atteint un degré de complexité qui est inadmissible », s’indigne le spécialiste du droit des affaires. A cela s’ajoute la confusion entre loi et règlement. « Les mesures relatives aux actions de préférence relèvent de la compétence réglementaire et ne devraient pas figurer sur le projet de loi. Cela amplifie son manque d’intelligibilité », argue-t-il.
Olivia Grégoire, députée La République en Marche et présidente de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi en question l’admet, beaucoup d’amendements « mort-nés », victimes du fonctionnement parlementaire, ne font qu’obscurcir le document.
« Pourtant ce texte, c’est aussi un peu l’auberge espagnole. Entrepreneurs, innovateurs ou professionnels du chiffre, chacun peut y piocher ce qui l’intéresse », défend-t-elle. Jean-Baptiste Danet, président de Croissance Plus, association de lobbying pour libéraliser l’économie rejoint son avis : « c’est une loi fourre-tout mais heureusement, il fallait l’élargir. Elle pourrait transformer la France, éduquée comme un pays de rente en un pays de prise de risques », s’enthousiasme-t-il. Mais là se trouve l’éternel débat : la loi permet-elle de changer les comportements ou simplement de les accompagner ?
Le progrès incomplet du libéralisme
D’autant que le projet de loi n’abandonne pas toute forme de régulation du marché. Certes les échecs des entrepreneurs laisseront moins de traces avec l'encouragement du « rebond » et le seuil des 20 salariés sera supprimé. Mais celui des 50 ne sera qu’allégé, tout comme l’obligation de recourir aux commissaires aux comptes (CAC). Jean-Baptiste Danet s'il est ravi des avantages qu’apportent le projet de loi, regrette néanmoins qu'il ne soit pas allé plus loin. « Les seuils tuent la simplification réelle du pays », affirme-t-il.
Arnaud Raynouard renchérit : « On modifie des petites choses qui ouvrent la liberté, mais ce n’est pas suffisant ». Le professeur prend l’exemple de l’ICO (Initial Coin Offering), une méthode d’introduction en bourse avec l’émission d’actifs numériques échangeables contre des crypto-monnaies. « La France a voulu être le pays de l’I.C.O. en introduisant dans le PACTE plusieurs mesures facilitant l’action mais son régime sera encore bien trop lourd par rapport à celui de la Russie ou des Etats-Unis », illustre-t-il.
Pourtant, certains professionnels ne sont pas de cet avis et redoutent, entre autres, les mesures relatives aux CAC qu'ils considèrent comme de « véritables lanceurs d’alerte » pour les avocats.
Louise Jammet