Accès au marché français sans présence physique en France pour les entreprises de pays tiers limitant leur activité à la négociation pour compte propre

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alexis bonzomAlexis Bonzom, collaborateur chez Gide, commente le décret qui permet à des entreprises situées hors de l’UE de conclure des transactions de gré à gré ou sur des plateformes de négociation sans avoir à établir de succursale en France dès lors qu’elles agissent pour compte propre.

Le décret n°2019-655 du 27 juin 2019 pris en application de l'article L. 532-48 du Code monétaire et financier, publié au Journal officiel le 28 juin dernier, précise les conditions dans lesquelles les entreprises de pays tiers peuvent effectuer certaines opérations sur le territoire français sans être établies en France.
L'AMF et l'ACPR admettaient déjà, antérieurement à l'entrée en vigueur du régime issu de la directive 2014/65/UE ("MiFID 2"), qu'une entreprise de pays tiers puisse, sans être agréée en France, conclure des transactions de gré à gré sur des instruments financiers avec des établissements de crédit ou des entreprises d'investissement établis en France dès lors que les contreparties concernées agissaient pour compte propre (transactions inter-dealers).

Les régulateurs ont récemment confirmé cette position dans un courrier en date du 12 février 2019 adressé à l'Association française des marchés financiers (Amafi), répondant aux inquiétudes des acteurs français du marché interbancaire confrontés, dans un contexte post-MiFID 2 et dans le cadre du Brexit, aux réticences des établissements britanniques à conclure avec ces derniers des transactions de gré à gré sur instruments financiers.

Les dispositions de l'article 46 du règlement (UE) n°600/2014 ("MiFIR") permettent en effet aux entreprises de pays tiers de fournir des services d'investissement ou d'exercer des activités d'investissement de manière transfrontalière à destination des contreparties éligibles ou des clients
professionnels autres que sur option établis dans l'Union européenne, à la condition notamment que la Commission européenne ait adopté une décision d'équivalence relative au pays tiers concerné. En l'absence de décision d'équivalence, le texte laisse par ailleurs la possibilité aux Etats membres de
prévoir que leurs autorités compétentes délivrent un agrément, conformément à leurs droits nationaux, afin de permettre l'exercice de telles activités sur leur territoire.

Ainsi, en cas de sortie du Royaume-Uni sans accord et en l'absence de décision d'équivalence de la Commission européenne, les établissements britanniques, ne pouvant bénéficier des dispositions de l'article 46 du règlement MiFIR, craignaient de devoir solliciter un agrément en France afin de pouvoir continuer à conclure des transactions avec des contreparties françaises, ce qui aurait eu pour effet d'inciter nombre de ces établissements à cesser de traiter avec des entités françaises.

Une telle solution aurait eu pour conséquence de faire perdre aux acteurs français leur accès aux pools de liquidités hors de l'Union européenne, ce qui aurait impacté négativement leur capacité à gérer efficacement les risques portés dans leurs bilans et aurait nuit in fine au marché européen.

L'ACPR et l'AMF ont ainsi confirmé que le régime national applicable aux entreprises de pays tiers n'avait pas vocation à créer de rupture pour les établissements français dans leur activité de négociation pour compte propre avec des contreparties établies hors de l'Union européenne, et notamment avec les contreparties britanniques. 

Il restait néanmoins à inscrire cette solution dans les textes dans le cadre de la révision du régime applicable aux entreprises de pays tiers.

L'article 77 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises ("loi PACTE") a ainsi modifié l'article L. 532-48 du Code monétaire et financier afin, d'une part, de soumettre à l'obligation d'établir une succursale les entreprises de pays tiers ne bénéficiant pas de décision d'équivalence de la Commission européenne et souhaitant fournir des services d'investissement à des contreparties éligibles ou des clients professionnels autres que sur option établis en France, et d'autre part, de permettre par décret des dérogations à cette obligation d'établir une succursale, ces dérogations étant limitées à la négociation pour compte propre, lorsque cela est nécessaire pour sauvegarder le bon fonctionnement des marchés financiers.

Le décret du n°2019-655 du 27 juin 2019 prévoit une telle dérogation en exemptant les entreprises de pays tiers d'établir une succursale en France lorsque leur activité se limite à conclure des transactions inter-dealers, pour compte propre et de gré à gré, dans les même conditions que celles dégagées précédemment par la doctrine de l'AMF et de l'ACPR. Le texte va toutefois plus loin en permettant également aux entreprises de pays tiers de conclure des transactions sur instruments financiers sur une plateforme de négociation française, et ainsi d'être membres d'une plateforme boursière française, sans devoir établir une succursale, dès lors qu'elles réalisent ces transactions pour compte propre.

Alexis Bonzom, collaborateur chez Gide


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