Le lendemain du jugement où il était question d’écoutes téléphoniques et de fadettes, la Grande Chambre de la Cour de justice de l'Union européenne impose de nouvelles conditions à l’accès par le Ministère public aux données personnelles de localisation fournies par les opérateurs de téléphonie.
Cette décision du 2 mars fournit une liste des données personnelles relatives au trafic et à la localisation de la téléphonie fixe et mobile . « Ces données permettent, notamment, de retrouver et d’identifier la source et la destination d’une communication à partir du téléphone fixe ou mobile d’une personne, de déterminer la date, l’heure, la durée et la nature de cette communication, d’identifier le matériel de communication utilisé ainsi que de localiser le téléphone mobile sans qu’une communication soit nécessairement acheminée. En outre, elles offrent la possibilité de déterminer la fréquence des communications de l’utilisateur avec certaines personnes pendant une période donnée ».
Rappelons qu’en France, lors de l’enquête préliminaire, le Ministère public, en particulier le PNF, ou l’officier de police judiciaire peuvent requérir la communication de telles données personnelles de localisation auprès des opérateurs de téléphonies, les fadettes. Dans des circonstances analogues, la Cour de justice interrogée par la juridiction suprême estonienne confronte l’emploi de ces données personnelles lors du procès pénal aux exigences posées par la directive sur la protection de la vie privée dans le secteur des communications et par la Charte des droits fondamentaux.
Pour la Cour de justice, l’accès à ces données personnelles doit être réservé aux seuls cas de criminalité grave ou de prévention de menaces graves pour la sécurité publique. Exceptés les cas où « des intérêts vitaux de la sécurité nationale, de la défense ou de la sécurité publique sont menacés par des activités de terrorisme » , l’accès à ces données personnelles doit être conditionné à des éléments objectifs préalables sur la participation de ces personnes aux infractions.
Mais le choc avec la pratique française est encore plus frontal. La Cour de justice exige qu’un contrôle préalable soit effectué sur les demandes d’accès par une juridiction ou une autorité indépendante. Indépendance que n’a pas pour la Cour de Justice le Ministère Public : « Tel n’est pas le cas d’un ministère public qui dirige la procédure d’enquête et exerce, le cas échéant, l’action publique. En effet, le ministère public a pour mission non pas de trancher en toute indépendance un litige, mais de le soumettre, le cas échéant, à la juridiction compétente, en tant que partie au procès exerçant l’action pénale. »
D’importantes réformes pénales sont annoncées, celle applicable aux fadettes est déjà écrite.
Philippe Schmitt, Avocat à Paris