Qu’en est-il vraiment du principe du pollueur-payeur ?

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La Cour des comptes européenne a publié un rapport sur l'application du principe du pollueur-payeur dans l'Union européenne. Sylvie Gallage-Alwis, associée chez Signature Litigation et Clara Heising, Signature Litigation examinent le champ d’application du principe, les raisons qui ont justifié la réalisation de cet audit, et les conclusions et recommandations de l’audit.

Le 5 juillet 2021, la Cour des comptes européenne (CCE) a publié un rapport sur l'application du principe du pollueur-payeur dans l'Union européenne (UE). Concrètement, ce rapport vise à déterminer si ce principe a été appliqué, et de quelle manière, dans quatre domaines de la politique environnementale de l'UE, à savoir la pollution industrielle, les déchets, l'eau et les sols.

Deux principales raisons ont justifié la réalisation de cet audit :

  • La pollution coûterait cher à la société et se trouverait au cœur des préoccupations des citoyens de l'UE,
  • Le principe du pollueur-payeur a un rôle déterminant à jouer pour permettre à l'UE d'atteindre ses objectifs environnementaux.

Le principe du pollueur-payeur a été instauré pour la première fois en 1972 par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En 1992, la déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement a reconnu ce principe comme l’un des vingt-sept principes directeurs du développement durable à venir.

Depuis son instauration, ce principe a vu son champ d'application s’étendre. Il ne concernait d’abord que les coûts de prévention et de lutte contre la pollution. Il a par la suite été étendu aux coûts des mesures prises par les autorités du fait des émissions de polluants, puis élargi à la responsabilité environnementale.

En droit français, il est énoncé à l'article L110-1 du Code de l'Environnement selon lequel «les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur». Ce principe a valeur constitutionnelle car il est mentionné implicitement dans le texte de la Charte de l'environnement qui indique que « toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi ». Ainsi, ce principe sert de base légale au nouveau régime de réparation du préjudice écologique créé par la loi Biodiversité de 2016.

Dans son audit, la CCE constate que son application ne serait cependant pas uniforme. Il serait pris en compte à des degrés différents selon le domaine de politique environnementale :

  • Secteur industriel: le principe du pollueur-payeur serait appliqué aux installations les plus polluantes. Tel ne serait toutefois pas le cas de la pollution résiduelle. A ce titre, cette étude relève que, dans la majorité des Etats membres, les pollueurs ne supporteraient pas les coûts des émissions qu’ils génèrent lorsque celles-ci se situent en-deçà des limites autorisées ;
  • Déchets: la CCE reconnait que la législation tient compte de ce principe mais celle-ci ne garantirait en revanche pas la prise en charge par les pollueurs de l’intégralité des coûts de pollution. Des investissements publics seraient en effet souvent nécessaires pour combler le déficit de financement ;
  • Eau : le constat serait sans équivoque. Les pollueurs ne supporteraient pas l’intégralité des coûts de pollution qu’ils génèrent.
  • Sols: la CCE dénonce l’absence de cadre législatif européen en ce qui concerne la pollution des sols et l’assainissement des sites contaminés. La Cour reconnait toutefois que l’application de ce principe n’est pas chose aisée en cas de contamination diffuse.

Pour favoriser une meilleure intégration de ce principe, la CCE formule trois recommandations à la Commission européenne :

  • Evaluer les possibilités d'intégrer davantage le principe du pollueur-payeur dans la législation environnementale, et ce, d’ici fin 2024. La Cour suggère ainsi à la Commission de revoir à la baisse les limites d'émissions autorisées de manière à réduire la pollution résiduelle et de concentrer ses actions sur la lutte contre la pollution diffuse de l’eau, quelle qu’en soit la source.
  • Renforcer l’application de la Directive sur la responsabilité environnementale, en améliorant les critères utilisés pour définir les dommages environnementaux auxquels la directive devrait s'appliquer et en élargissant le recours aux instruments de garantie financière.
  • Protéger les fonds de l’UE en veillant à ce qu’ils ne soient pas utilisés pour financer des projets qui devraient être à la charge du pollueur. La Cour invite la Commission à veiller à ce que ces fonds ne puissent être utilisés pour la dépollution qu’à condition que les autorités compétentes aient tout mis en œuvre pour que le pollueur prenne en charge la pollution dont il est responsable. A ce titre, sept Etats membres (République tchèque, Irlande, Espagne, Italie, Pologne, Portugal et Slovaquie) exigent une garantie financière pour tout ou partie des responsabilités environnementales des pollueurs.

Les contrats et garanties environnementales qu’ils contiennent seront donc d’autant plus au cœur des débats dans les dossiers à venir entre exploitants successifs de sites ou contre l’Etat. Leur revue avec une estimation des risques juridiques et financiers est devenue essentielle.

Sylvie Gallage-Alwis, Associée, Avocat à la Cour Signature Litigation & Clara Heising Signature Litigation


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