Le renoncement aux droits : les dérives de l’Etat

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Mercredi 19 janvier, le Conseil national des Barreaux a organisé un e-débat autour du thème « L’avocat, rempart face au renoncement aux droits ». Présenté par Jérôme Gavaudan, Président du CNB et régulé par Sophie Ferry, Présidente de la commission prospective du CNB, ce e-débat a été l’occasion, pour Anne Duthilleul, ancienne Haute fonctionnaire et Vice-présidente du Secours Catholique et Frédéric Souillot, Secrétaire confédéral FO en charge du secteur des affaires juridiques, de remettre la lutte contre les injustices au premier plan pour cette année 2022.

Dans un Etat de droit, tout citoyen doit pouvoir exercer pleinement ses droits. Le phénomène du renoncement se présente dès lors comme l’illustration la plus dramatique du dysfonctionnement de notre système démocratique. Or, il se retrouve dans tous les domaines de notre société. En matière sociale, où plus d’un quart des personnes éligibles à des allocations familiales ne les perçoivent pas. En matière d’accès aux juridictions, quand on sait que 78% des femmes victimes renoncent à porter plainte. Ce phénomène, amplifié par la crise sanitaire, est tel qu’il représente une économique budgétaire pour l’Etat de l’ordre de trois à cinq millions d’euros pour le RSA. 

Comment expliquer ce renoncement des citoyens à leurs droits ?

Les raisons sont simples mais multiples. C’est pourquoi avocats, associations et organisations syndicales doivent œuvrer et œuvrent ensemble pour pallier à la défaillance de l’Etat dans l’accomplissement de ses fonctions régaliennes. 

« La complexité des démarches et la difficulté pour les connaître jusqu’au bout est un des points essentiels », affirme Anne Duthilleul, ancienne Haute fonctionnaire et Vice-présidente du Secours Catholique. L’administration est réputée complexe et inaccessible, de par la démultiplication des procédures et son langage. En effet, pour espérer toucher ses droits, une personne doit multiplier ses démarches et chaque recours répond à des conditions d’éligibilité et des délais qui lui sont propres. Face à ces problèmes, beaucoup se sentent seuls et abandonnent. Pour certains, la dématérialisation ne fait pour qu’augmenter ce sentiment. En effet, 13 millions de Français sont frappés par l’illectronisme. Et, si Internet peut être un outil facilitant l’automaticité de droits, les usagers doivent pouvoir s’entretenir avec un interlocuteur physique en cas de besoin. Or, les suppressions succinctes des tribunaux de proximité ne font qu’accroître le sentiment d’éloignement. C’est aujourd’hui un tiers des Français considère qu’il est difficile de faire valoir ses droits là où ils habitent.

Encore, à côté de ce renoncement volontaire, certains mécanismes administratifs et juridiques s’analysent dans les faits comme des moyens de renoncement forcé pour Frédéric Souillot, Secrétaire confédéral FO en charge du secteur des affaires juridiques. En l’occurrence, le lien de subordination qui caractérise la relation entre un employeur et un employé empêche, par crainte souvent, ce dernier d’obtenir des ruptures conventionnelles, des transactions équitables. Le coût et les barèmes imposés devant les juridictions prud’homales en sont aussi une illustration.

Dès lors, les objectifs sont fixés : « Simplifier et rendre plus accessibles les services administratifs », lutter contre l’isolement et l’éloignement et assurer un suivi personnalisé et continu. Les avocats doivent agir en concert avec les organisations syndicales et associatives en tant qu’accompagnateurs et conseils pour la diffusion du droit. La création d’un crédit d’impôt, du service public de l’insertion et de l’emploi, d’espaces France services ou encore d’un revenu universel sont autant de moyens possibles pour lutter contre le non recours aux droits. 

Les citoyens ne seraient-ils pas plus déterminés si l’Etat n’avait pas perdu leur confiance ? 

En effet, la majorité des Français, 53%, ne fait pas confiance à l’institution judiciaire. 43% des Français considèrent que c’est dans le domaine de la justice que les injustices sont les plus grandes et, 20% estiment qu’elle est inefficace et inaccessible. Dès lors, pourquoi prendraient-ils le temps, dépenseraient-ils de l’argent si c’est pour les perdre.

Au-delà de cette défiance générale envers l’Etat, les administrés ont peur que les aides dont ils ont besoin ne les mettent encore plus en risque. Il arrive que des personnes éligibles à des droits se voient néanmoins essuyer des refus, des interruptions ou des demandes de remboursement d’indus. Ces changements, pour des personnes souffrant déjà de situations personnelles ou professionnelles précaires, peuvent avoir pour effet d’accroitre leur instabilité. C’est un risque que finalement beaucoup ne veulent pas prendre, selon la Vice-présidente du Secours Catholique.

C’est la raison pour laquelle l’Etat et ses administrations doivent avant tout restaurer le lien de confiance qui les unissent au peuple. En effet, les français ont d’autres besoins que celui d’argent. La crise sanitaire nous l’a prouvé, c’est le lien social qui nous fait vivre. Dès lors, « Il ne s’agit pas d’abord d’augmenter les prestations sociales mais de les appliquer telles qu’elles sont. » conseille Anne Duthilleul. 

Lisa Saccard


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