La corruption, un phénomène tout sauf marginal

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La corruption gangrène le commerce international. 83% des exportations mondiales en sont potentiellement touchées. En décembre 2020, Transparency International tirait la sonnette d’alarme, révélant que la lutte internationale contre la corruption était en perte de vitesse et classait la France à la 22ème position sur 180 territoires dans l’Indice de perception de la corruption (IPC).

Corruption active vs corruption passive

La corruption fait partie des atteintes à la probité qui sont visées par la loi Sapin II. C’est une infraction pénale visant à réprimer un comportement contraire à la probité, au devoir d’intégrité, et plus généralement aux devoirs de la personne qui commet ces agissements. La corruption est active, lorsque l’on se place du point de vue de la répression du corrupteur, ou passive lorsque l’on vise les actions du corrompu. Les deux sont complémentaires mais autonomes : les agissements du corrupteur et ceux du corrompu peuvent être poursuivis et jugés séparément et la sanction de l’un n’est pas une condition nécessaire à la poursuite de l’autre.

Plus précisément, l’article 432-11 du code pénal définit la corruption passive d’agent public comme le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif public, de solliciter ou d’agréer, sans droit, à tout moment, directement, ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour elle-même ou pour autrui soit pour accomplir, ou avoir accompli, pour s’abstenir ou s’être abstenue d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat. Dans ce cas, l’agent public propose à son interlocuteur ou agrée de faillir à son devoir de probité moyennant une contrepartie qui peut revêtir différentes formes : sommes d’argent, avantages en nature tels que des voyages luxueux, des invitations dans des restaurants célèbres, etc.

Le délit de corruption suppose qu’il existe un lien de causalité entre les choses offertes ou agréés et les actes ou abstentions attendus. Les manœuvres corruptrices doivent avoir pour but spécifiquement d’accomplir ou de s’abstenir d’accomplir soit des actes de la fonction, de la mission ou du mandat, soit des actes facilités par cette fonction, cette mission ou ce mandat. La récompense n’a pas nécessairement à se concrétiser, puisque la simple sollicitation suffit pour caractériser l’infraction de corruption. On dit que le pacte de corruption se « consomme » indépendamment de la concrétisation de la contrepartie. Ainsi, un maire qui propose d’octroyer un permis de construire à une entreprise privée en échange d’invitations luxueuses à l’étranger, pourra être poursuivi indépendamment du fait que les invitations se concrétisent.

La loi française réprime également la corruption active, visée par l’article 433-1 du code pénal, qui consiste en le fait par quiconque, de proposer sans droit, à tout moment, directement, ou indirectement des offres, des promesses, des dons, des présents ou avantages quelconques à une personne dépositaire de l’autorité publique, pour qu’elle accomplisse ou s’abstienne d’accomplir, ou parce qu’elle a accompli ou s’est abstenu d’accomplir, un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat, ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat. Par exemple, cela peut être une entreprise privée qui embauche la fille d’un élu pour obtenir un marché public.

Les sanctions pénales

La corruption active et la corruption passive sont punies des mêmes peines : dix ans d’emprisonnement et une amende de 1 000 000 € dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction pour les personnes physiques. S’agissant des personnes morales, elles peuvent également voir leur responsabilité pénale engagée. Le quintuple de l’amende des personnes physiques peut ainsi être prononcé, la sanction pécuniaire pouvant donc aller jusqu’à 5 000 000 € d’amende.

Un régime spécifique s’applique à la corruption active ou passive du personnel judiciaire tels que les magistrats, les jurés, les greffiers. Par exemple, cela peut être un magistrat qui manque à son devoir de probité en l’échange de l’embauche d’un proche ou bien un Procureur qui perçoit de nombreux avantages en nature (type invitations au restaurant, voyages offerts, prise en charge des frais de scolarité de l’enfant du magistrat) et décide de ne pas engager des poursuites à l’encontre d’une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction.

La loi réprime la corruption d’agents publics, mais aussi la corruption passive et active de personnes privées. La définition légale de cette dernière est calquée sur la définition de la corruption impliquant une personne exerçant une fonction publique, mais sont ici visés les salariés, les bénévoles, les membres des professions libérales, les chefs d’entreprises, les dirigeants sociaux, mais également les acteurs d’une manifestation sportive ou hippique. La sphère des personnes corruptibles est donc large. La corruption d’agent étranger ou d’agent international tels que les fonctionnaires de l’Union Européenne est également réprimée par le code pénal français.

La corruption est un phénomène endémique susceptible de rompre la confiance de la population dans les pouvoirs publics ; elle peut remettre en cause les fondements d’une société démocratique. Le législateur français a déployé un large nombre d’incriminations pour pouvoir sanctionner efficacement les différents schémas de corruption qui peuvent exister. Cela traduit une volonté de sanctionner l’ensemble des personnes corruptibles. L’efficacité de la répression nécessite toutefois de déployer également des moyens humains conséquents pour poursuivre ces comportements répréhensibles. Le plan pluriannuel de lutte contre la corruption lancé en 2020 démontre cette volonté gouvernementale. Mais, si les progrès faits, notamment avec la création de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) en 2013 et l’entrée en vigueur de la loi Sapin II, ont renforcé l’arsenal français de lutte contre la corruption, du chemin reste encore à parcourir pour lutter efficacement contre ces pratiques.

Laurine Becker, Juriste senior chez Data Legal Drive


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