Le Fisc français inflige un carton rouge à l’ex-star du football Edmilson

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Après la saga qui avait concerné le chanteur Aznavour, l’administration fiscale s’est attaquée à un joueur de football. Edmilson, l’ex star de l’Olympique Lyonnais a été jugé par le Conseil d’Etat comme imposable sur les sommes versées à une société britannique par son club au titre de l’utilisation de son image

Lors d’une procédure de vérification à l’encontre du club de l’Olympique Lyonnais au début des années 2000, l’administration fiscale a considéré que les redevances versées par le club à une société britannique, titulaire du droit à l’image de l’un de ses joueurs le brésilien Edmilson, devaient être imposées entre les mains de ce joueur en vertu de l’article 155 A du Code général des impôts (CGI).

Administration fiscale : 1 - Société « Rent a Star » : 0
Cet article constitue une arme redoutable de l’administration fiscale pour traquer les montages surnommés « rent a star » (« louer une star » en français), utilisés généralement dans les milieux artistiques et sportifs afin de réduire l’imposition des artistes ou joueurs. La rémunération du droit à l’image, constituant une importante part de la rémunération de ces contribuables, est versée non pas au prestataire(l’artiste ou le joueur), mais à une société titulaire du droit à l’image et située dans un Etat bénéficiant d’une fiscalité plus favorable que celle de l’Etat de résidence du prestataire.Trois situations alternatives engendrent cette imposition.
Premièrement, lorsque le prestataire contrôle directement ou indirectement la société qui reçoit les rémunérations de l’exploitation de ses droits.
Deuxièmement, lorsque le prestataire n’établit pas que la société exerce, d’une manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services.
Troisièmement, lorsque la société est située dans un Etat à fiscalité privilégiée, à savoir lorsque la pression fiscale y est inférieure à 50% de celle applicable en France.Plus de cinq ans après l’affaire Aznavour (arrêt du 28 mars 2008), le Conseil d’Etat a eu à juger la situation du brésilien Edmilson. En l’espèce, l’ex joueur de football n’apportait pas la preuve que la société britannique qui détenait ses droits d’image exerçait une activité industrielle ou commerciale autre que la prestation de services. Le Conseil d’Etat a conforté son raisonnement en établissant que l’utilisation de l’image du joueur par le club était indissociable de son activité sportive car le club avait acquis les droits d’image postérieurement à son recrutement et pour une durée correspondant à celle de son contrat de travail.

L’article 155 A du CGI jugé euro-compatible
Edmilson a tenté d’opposer à l’Administration fiscale une contradiction des dispositions nationales avec le droit communautaire. Le joueur et ses conseils ont avancé l’argument selon lequel le dispositif français de l’article 155 A du CGI serait contraire au principe de libre prestation de services au sein de l’Union européenne. Selon eux, le texte aurait pour effet de dissuader le recours une société établie dans un autre Etat membre pour la gestion des droits d’image.Mais le Conseil d’Etat a jugé que l’article 155 A du CGI netrouve à s’appliquer que lorsque le prestataire, ici le joueur, ne retire aucune contrepartie de l’intervention de la société étrangère.
Dans ces conditions, réunies en l’espèce selon le Conseil d’Etat, l’article 155 A du CGI ne porte pas atteinte au principe européen de la libre prestation de services. Il convient par ailleurs de noter que le Conseil d’Etat s’était déjà prononcé sur le caractère euro-compatible de ce texte dans un arrêt du 20 mars 2013. Cette fois-ci, c’est le principe de la liberté d’établissement qui avait été invoqué par le contribuable qui contrôlait la société étrangère.
Dans son rôle d’arbitre, le Conseil d’Etat avait déjà sanctionné des montages impliquant des sociétés « rent a star ». Si certains ont voulu jouer les prolongations, il semble désormais que la fin du match ait été sifflée. Mais nous attendons le match retour car le Conseil d’Etat, dans l’arrêt Edmilson, a confirmé qu’en principe il est possible de démontrer que le contrat d’image est dissociable du contrat de travail. De même, rien n’interdit d’imaginer que le joueur ou l’artiste puisse démontrer qu’il retire une contrepartie de l’intervention de la société étrangère. Dans de telles hypothèses, le recours à une société « rent a star » serait possible sans application de l’article 155 A du CGI.

Cyril Maucour, associé et Mehdi Battikh, avocat collaborateur du cabinet Ravet & Associés


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