Loi Anti-Gaspillage : quels impacts en matière de protection des données ?

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Au 1er janvier 2023 puis au 1er avril dernier étaient censées entrer en application les dispositions de L- 541-15-10 IV du Code de l'environnement émanant de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (dite « Loi Anti-Gaspillage »). 

Suite à la publication du décret du n° 2023-237 du 31 mars 2023 modifiant le décret n° 2022-1565 du 14 décembre 2022 relatif aux conditions et modalités d'application du IV de l'article L. 541-15-10 du code de l'environnement, ce texte entrera finalement en vigueur le 1er août prochain. 

Les raisons invoquées pour justifier ces reports successifs d’entrée en vigueur seraient principalement liées à l’inflation et la nécessité pour les consommateurs de vérifier le prix de leurs achats. Il n’est toutefois pas certain que cette problématique disparaisse d’ici au mois d’aout. Cette loi n’interdit pourtant pas la distribution de tickets de caisse.

1. Qu’y-a-t-il donc dans cette loi ?

La Loi Anti-Gaspillage a été adoptée dans l’optique d’amorcer une transition d’un modèle linéaire vers un modèle circulaire visant ainsi à terme, à limiter le gaspillage et à préserver les ressources. Ce texte pose cinq objectifs clé : − sortir du plastique jetable ; − mieux informer les consommateurs ; − agir contre le gaspillage et pour le réemploi solidaire ; − agir contre l’obsolescence programmée ; et − mieux produire ; C’est dans le contexte de l’action anti-gaspillage de ce texte qu’ont été introduites des mesures visant à mettre fin à l’impression systématique des tickets de caisse.

2. Champ d’application de la Loi Anti-Gaspillage

Les dispositions de la Loi Anti-Gaspillage visant l’interdiction de l’impression et de la distribution systématiques des tickets et bons d'achat concernent chaque clients et toute transaction, quelque que soient le montant et la nature de celle-ci (Art. 1 du Décret modifiant l’Art. D. 541-370 du Code de l’environnement). Cette loi s’applique dès lors aux surfaces de vente et aux établissements recevant du public (Art. 1 du Décret modifiant l’Art. D. 541-372 du Code de l’environnement).

3. La fin de l’impression systématique des tickets de caisse – le choix laissé aux consommateurs

La Loi Anti-Gaspillage impose aux commerçants de cesser l’impression systématique des tickets de caisse. Toutefois, cette interdiction laisse surtout la place au choix des consommateurs. La remise ou non du ticket de caisse ainsi que ses modalités (impression papier, envoi dématérialisé) sont laissées au choix éclairé des consommateurs.

Concrètement, la loi prévoit que : « Dans les surfaces de vente et les établissements recevant du public, le consommateur est informé, à l'endroit où s'effectue le paiement, par voie d'affichage et de manière lisible et compréhensible, que, sauf exception légale, l'impression et la remise des tickets de caisse et de carte bancaire ne sont réalisées qu'à sa demande » (Art. 1 du Décret modifiant l’Art. D. 541-372 du Code de l’environnement). Le commerçant est donc tenu d’informer ses clients des différentes options qui s’offrent à eux afin qu’ils puissent choisir, au regard de leurs préférences et des enjeux écologiques actuels (et de protection de la vie privée), entre :

i. Ne pas obtenir de ticket ;

ii. L’impression et la distribution d’un ticket papier ;

iii. Solution alternative : la réception d’un ticket dématérialisé.

Proposer une solution permettant l’émission de tickets dématérialisés n’est pas une obligation pour les commerçants, mais une possibilité qui, dans les faits, s’adapter aux capacités disparates des commerçants dont les caisses et systèmes de facturations ne permettent pas (encore), contrairement aux grandes surfaces et autres chaines, une telle dématérialisation.

4. La dématérialisation du ticket, un nouveau canal de collecte de données personnelles

Si l’option donnée aux clients d’obtenir un ticket papier ou de s’en passer totalement n’entraine aucun traitement de données personnelle, tel n’est cependant pas le cas lorsque ces derniers opteront pour la réception sous forme dématérialisé de ce ticket. La CNIL rappelle à cet effet que, dans les cas où le commerçant propose une solution permettant la réception d’un ticket dématérialisé, celle-ci doit impérativement respecter le RGPD et les exigences de la loi informatique et libertés dès la conception de cette solution et par défaut et précise que la protection de l’environnement devra aussi être prise en considération au moment d’adopter une telle solution.

 L’obligation d’information

La mise en place de telles solutions impose donc que les clients soient informés et/ou que l’information relative au traitement de leurs données effectué dans un tel contexte soit aisément accessible. Formellement, cette information devra être:

i. distinguée de celle visant la fin de l’impression systématique des tickets de caisse,

ii. succincte et claire,

iii. adaptée

Dans les faits, cette obligation d’information sera satisfaite en procédant à un affichage en caisse, soit en communiquant une notice d’information complète devant les caisses, soit en affichant un QR code renvoyant à cette information.

 Favoriser la mise en place de solutions peu voraces en données personnelles

La CNIL rappelle par ailleurs que les commerçant devront impérativement respecter le principe de minimisation et n’installer que des solutions de dématérialisation des tickets peu gourmandes en données personnelles. Il convient donc de privilégier les solutions qui permettent de récupérer leurs tickets de caisse sans transmettre de données de contact aux commerçants (ex. récupération par l’intermédiaire d’un QR code). Si en revanche la solution de dématérialisation mise en œuvre requiert la collecte des coordonnées des personnes (numéro de téléphone ou courriel), celles-ci devront impérativement respecter les principes fondamentaux en matière de traitement de données, notamment :

− La minimisation des données collectées ;

− La limitation de la durée de conservation des données au strict nécessaire ;

− La sécurisation des données (ex. limitation accès aux données).

Bien entendu, les solutions adoptées devront permettre aux personnes concernées de pouvoir exercer leurs droits de façon simple et plus de leur fournir une information complète, le cas échéant sur les transferts de telles données à des tiers.

 Base de licéité aux traitements

S’agissant du fondement même à ce traitement, celui-ci pourra reposer sur : − l’intérêt légitime, auquel cas les personnes auront un droit d’opposition spécifique, ou − le consentement, qui impliquera toutefois que le commerçant conserve la preuve de ce consentement et de sa validité (libre, spécifique, éclairé et univoque).

Quid de la prospection commerciale ?

Pour ce qui est de la réutilisation des données à des fins de prospection commerciale, la CNIL rappelle que :

− « La publicité par voie électronique (courriels, SMS, MMS, fax, etc.) est possible à condition que les personnes aient explicitement donné leur consentement avant d’être démarchées (article L.34-5 du code des postes et des communications électroniques ou CPCE).

− Toutefois, si la personne prospectée est déjà cliente et si la prospection concerne des produits ou services similaires fournis par la même entreprise, le consentement préalable n'est pas requis. Dans ce cas, la CNIL estime que l’intérêt légitime peut constituer une base légale valide.

− Les personnes doivent être informées et mises en mesure de s’opposer à cette utilisation de manière simple et gratuite lorsque les données sont collectées et à tout moment notamment lors de chaque envoi d’un courrier électronique de prospection. »

Si c’est un partenaire commercial qui opère cette prospection, le consentement des personnes concernées est nécessaire. Dans ce cas précis, les commerçants devront dès lors recueillir au préalable le consentement des personnes concernées pour le compte de leurs partenaires commerciaux et informer ces derniers, au moment de la collecte, de l’identité de ces partenaires.

Nadège Martin, associée du cabinet Norton Rose Fulbright 


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