Proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel : analyse

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Jacques DelgaJacques Delga, ancien avocat et Professeur honoraire à L’Essec, propose une analyse de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel qui pénalise le client de la personne prostituée.

On peut être d’accord ou en désaccord avec l’idée de pénaliser en France le client de la prostituée. Majoritairement les Français semblent selon les sondages en désaccord mais l’Assemblée Nationale en première lecture a adopté une proposition de loi destinée à réprimer le client 

En tant que juriste nous ne développerons pas des arguments de nature idéologique pour ou contre l’idée de pénaliser le client. Nous examinerons plus modestement cette proposition de loi et notamment la conformité de sa finalité avec les dispositions prévues. En ce sens nous tenterons d’éviter la polémique idéologique. Il nous appartiendra d’établir si les dispositions de la proposition de loi sont bien en cohérence avec la finalité recherchée. Cette finalité est la lutte contre le proxénétisme et la protection des prostituées. Sur ces deux points nous ne sommes pas en désaccord. En revanche les dispositions proposées ne nous semblent pas en cohérence. C’est en ce sens que la proposition de loi sera critiquée

Achat d’acte sexuel La proposition de loi à l’étude en France désire réprimer tout achat d’acte sexuel à l’instar du modèle Suédois pris comme exemple et ce à la différence du Danemark qui après études a refusé le modèle Suédois. Pour autant l’activité prostitutionnelle demeure licite en France, 

Assemblée nationale (vote en première lecture critiquable)
L’assemblée nationale à l’issue d’un vote critiqué a adopté en première lecture en décembre 2013 la proposition de loi prévoyant de réprimer le client des prostituées (le PS et le Front de Gauche ont voté majoritairement pour) 

Anti constitutionnalité de la pénalisation du client ?
Au regard de la législation française, et de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne, la prostitution est une activité licite (et imposable) Or pénaliser les clients revient à interdire la prostitution Pour certains il y aurait donc atteinte à la liberté d’entreprendre. La loi pénalisant le client serait ainsi anticonstitutionnelle ?

Austérité
A une époque de grande austérité budgétaire comment faire face à une demande d’accroissement de charges. On peut s’interroger sur le Recrutement ou le déplacement de policiers non pour protéger la sécurité des personnes et des biens mais pour poursuivre les clients qui vont accepter les sollicitations des personnes prostituées ? De plus l’octroi de carte de séjours, la faculté d’hébergement ou l’indemnisation au seul profit des prostituées étrangères qui désirent sortir de la prostitution semblent poser problème (appel d’air à l’immigration clandestine, jeu des mafias etc.)

Auteur de l’infraction 
En matière de prostitution le client serait donc seul l’auteur de l’infraction. Celle ou celui qui a proposé ses charmes a incité à l’infraction ne peut faire l'objet de poursuites. Une telle situation « défie la raison juridique » (cf. Badinter) 

Badinter Auditionné par la commission sénatoriale R Badinter personnalité reconnue d’un grand humanisme , ancien ministre de la justice, ancien avocat, ancien professeur de droit, socialiste, marié avec un personnalité féministe, s’oppose à cette proposition de loi en tant que juriste « Cette loi est mal faite »

Budget
Un fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées est créé. Ses recettes devraient être constituées de crédits d’Etat, des recettes provenant d’affaires de proxénétisme démantelées et d’un prélèvement sur les amendes prévues pour les clients. Par ailleurs un fonds de 10 à 20 millions est prévu pour la sortie de la prostitution ainsi que divers avantages réservés aux personnes prostituées en cas de sortie de la prostitution (voir infra sortie de prostitution) Mais Le budget et les moyens sont-ils suffisants pour réaliser les objectifs (effectifs de police accrus, protection efficace de prostituées, indemnisations des prostituées, hébergement, carte de séjour etc.) Divers critiques se sont élevées en raison de la période d’austérité et de l'octroi facilité de carte de séjour pour les étrangers. Les réseaux mafieux risquent d’y voir une aubaine

CNCDH La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) est une autorité administrative française créée en 1947 pour éclairer l'action du gouvernement et du Parlement dans le domaine des droits de l'homme et des libertés fondamentales Elle s’est auto saisine de la question de la prostitution (ce qui est assez rare) et a manifesté son opposition récente (mai 2014) à la proposition de loi pénalisant le client. Elle considère d’une part que la prostitution est dans notre pays licite, qu’il est incohérent et injuste de pénaliser le client aux risques de porter atteinte à la liberté d’entreprendre d’autre part que le statut de la prostituée laisse trop à désirer. Elle estime que la protection des prostituées est insuffisante.

Cible/Client La proposition de loi prend pour cible le client. Au lieu de viser les mafias comme on le prétend, on vise les clients. On se trompe de cible si on veut attaquer les proxénètes. Le client ne sait rien sur les réseaux et la prostituée ne parlera pas. « La proposition de pénaliser les clients ne doit pas masquer la défaillance ou l’insuffisance de l’Etat en matière de lutte contre la traite des êtres humains définie comme la cible principale » Le résultat inévitable de la pénalisation du client, c'est la clandestinité de la prostitution !

Clandestinité : La proposition de loi risque de générer une plus grande clandestinité de la prostitution. Le risque sanitaire non négligeable sera de ce fait accru. L’entraide entre prostituées pour signaler les abus s’estompera. L’emprise par le réseau de proxénètes qui est seul à même de posséder des hôtels, ou de louer les studios s’accentuera. On renforce ainsi le proxénétisme, loin de permettre de le combattre. Les prostituées les plus démunis resteront elles sur le pavé. 

Contrainte : Le postulat des auteurs de la proposition de loi selon lequel « la personne se prostitue, donc elle est contrainte, puisqu'elle ne se prostituerait pas si elle n'était pas contrainte » est critiquable en droit mais aussi en fait La contrainte (y compris la contrainte économique) ne se présume pas et devrait être démontrée à défaut de quoi il est porté atteinte à la présomption d’innocence et à la charge de la preuve qui sont des questions fondamentales en droit . Par ailleurs il existe des personnes prostituées qui ne sont pas contraintes. Ne pas oublier enfin que la contrainte initiale ne résulte pas du client

Danemark : R Badinter affirme que Le Danemark a tout récemment, en 2013, repoussé le modèle suédois. Le conseil de législation pénale dont il connait la compétence a conclu que l'interdiction d'achat des services sexuels n'a pas de conséquences positives sensibles. En revanche, « cette interdiction pourrait avoir des conséquences négatives pour un certain nombre de personnes prostituées, qui souffriraient de conditions économiques dégradées, et d'une stigmatisation renforcée ».

Equivoques et hypocrisies
Si la proposition de loi a pour but de prohiber la prostitution alors que la prostitution est de nos jours licite qu’on le dise clairement et qu’on la prohibe (voir prohibition) ce qui n’est pas le cas.
Si la proposition de loi a pour but de lutter contre les proxénètes qu’on consacre tous les moyens de lutte contre les proxénètes et qu’on n’éparpille pas les effectifs policiers pour lutter contre les clients
Si la proposition de loi comme il est affirmé a pour but de protéger la prostituée alors qu’on n’aggrave pas indirectement sa situation en pénalisant le client, qu’on lui octroie un statut et des droits ce qui n’est pas le cas

Exhibition sexuelle Si le délit de racolage était supprimé les incriminations pour délit d’exhibition sexuelle (partie sexuelle exposée au regard d’autrui hors des convenances) risquent de trouver application plus souvent ainsi que les interdictions de stationner ou de circuler édictées par la police administrative qui permettent de lutter contre les troubles à l’ordre public.

Idéologie : Plus que l’aide concrète apportée aux prostituées le mouvement féministe radical a l’origine de la proposition de loi est fondée sur la volonté le renverser le patriarcat . Le sentiment est celui d’un règlement de compte avec les hommes. La position concernant la politique en matière de prostitution ne devrait-elle pas être fondée sur la connaissance et l'expérience, plutôt que sur la morale ou l'idéologie radicale féministe (cf. Badinter) ?

Immoralité du contrat de prostitution ? Les partisans de la proposition de lois semble considérer que la prostitution est indigne et contraire aux bonnes mœurs C’est oublier que c’est au juge de se prononcer sur la notion de bonnes mœurs. Or sur le plan juridique la Cour Européenne des Droits de l’Homme a rendu diverses décisions indiquant que la prostitution n’est pas contraire avec la dignité « sauf si elle est contrainte ». C’est aussi oublier que la jurisprudence ou la loi française ne considère pas comme contraire aux bonnes mœurs ou indigne l’industrie pornographique, que les clubs échangistes sont licites, que le gérant de ces clubs n’est pas un proxénète, qu’une prostituée a pu demander en justice à son proxénète restitution des sommes versées (alors qu’en principe nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude) qu’une libéralité d’un homme marié à sa maitresse motivée par le maintien de relations adultères n’a pas été considérée comme contraire aux bonne mœurs par la Cour de Cassation

Indisponibilité du corps / non patrimonialité du corps : Ces termes sont évoqués à l’appui du rejet de la reconnaissance de la prostitution. En réalité sur le plan juridique il n’y a ni vente ni location mais prestation de services .Par ailleurs le principe d’indisponibilité ou de non patrimonialité supporte des exceptions (vente d’ongles, de cheveux, vente du sang par les établissements du sang aux cliniques ou hôpitaux, droit de se donner la mort)
Injustice sociale La proposition de loi est porteuse d’injustice sociale. Qui seront en réalité frappés si ce n’est les clients les plus misérables et les plus misérables des prostituées c’est à dire notamment celles qui exerceront sur la voie publique. Les autres plus fortunées trouveront refuge dans des palaces ou dans un tourisme sexuel de luxe où pourra prédominer la mafia qui a des moyens suffisants pour acheter les hébergements

Jurisprudence française et européenne : La proposition de loi méconnaît la jurisprudence de la CEDH « la prostitution n'est incompatible avec la dignité de la personne humaine « que lorsqu'elle est contrainte » et l’évolution de la jurisprudence française

Légalité de la prostitution. La prostitution est légale. Elle est même considérée par la jurisprudence comme non contraire aux bonnes mœurs et ne portant pas atteinte à la dignité. La proposition de loi semble l’ignorer. Si l’activité est libre la prostituée en France n’a toujours pas de statut et de droits attachés à son activité. La proposition de loi qui veut défendre les prostituées aurait dû aborder cette question. Si la proposition de loi a désiré prohiber la prostitution qu’on le dise clairement (voir prohibition)

Location du corps, vente du corps. En matière de prostitution contrairement aux affirmations de certains féministes partisans de la proposition de loi il n y a sur le plan juridique ni vente ni location du corps. Il n’existe en droit nul transfert propriété, et le client n’a rien à restituer La jurisprudence européenne considère qu’il s'agit d’une « prestation de service »

Paradoxes (ou incohérences) Il est paradoxal que la prostitution soit reconnue comme une activité mais que la prostituée ne puisse avoir de statut. Il peut paraitre paradoxal que le prostituée soit imposée et qu’il n’existe pas de case à la reconnaissance de son métier. (Idem en matière de déclaration sociales)Il est encore paradoxal que selon la nouvelle proposition de loi on maintienne la liberté de se prostituer et que l’on pénalise le client (alors que ce dernier n’a fait que répondre à une proposition licite)
Sur les paradoxes et incohérences de la nouvelle proposition de loi voir la conclusion (infra)

Policiers (Risque de réduction d’effectifs pour lutter contre les réseaux de proxénètes en cas de pénalisation du client)
A Paris, la brigade chargée de la répression de la traite des êtres humains compte une trentaine de policiers. La brigade de répression du proxénétisme de la préfecture de police de Paris compte une cinquantaine de policiers pour l'ensemble de l'agglomération et son voisinage Ces effectifs et ces moyens sont déjà insuffisants. La chasse aux mafias et proxénètes ne devrait-elle pas être privilégiée sur la chasse aux clients ?

Prohibition/ Prohibitionnisme
Les féministes à l’origine de la proposition de loi cherche à prohiber la prostitution sans oser ou vouloir le dire explicitement. Cette prohibition de la prostitution existe dans un certain nombre de pays dont la Russie la Thaïlande, les Philippines, la Corée du nord etc. Si on se réfère à ce pays la prostitution est en fait florissante

Prostitution (définition). Il n’existe pas de définition légale. L’approche retenue est celle de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 27 mars 1996 qui indique que la prostitution consiste à se prêter à des contacts physiques moyennant rémunération (ou avantages-cadeaux compris) de n’importe quelle nature afin de satisfaire les besoins sexuelle d’autrui. La notion d’habitude n'est pas nécessaire. De ce fait la prostitution est un concept assez large (promotion canapé inclus !) Si l’on désire faire du moralisme à l’instar du féminisme radical sur lequel s’appuie la proposition de loi on ajoutera que toute l’industrie pornographique devrait être considérée comme de la prostitution et ou du proxénétisme ce qui n'est pas le cas en droit. Idem de tout mariage plus ou moins intéressé. Il n’existe alors plus de limite si on se réfère à une morale ou une idéologie féministe absolue

Proxénétisme Il existe plusieurs formes de proxénétisme. Une distinction juridique (devrait) être faite entre le proxénétisme de contrainte et celui d’aide à la prostitution. Le chauffeur de taxi qui mène chaque jour à son travail la prostituée pourrait être un proxénète de soutien ou d’aide bien diffèrent du proxénète de contrainte. On regrette que la proposition de loi n’aborde pas le sujet 

Prostitueur (client prostitueur) : le qualificatif est de nature idéologique et mal approprié. On semble oublier qu’il peut exister des clientes. Par ailleurs ce n’est pas le client qui oblige les filles à se prostituer, il ne fait que céder aux sollicitations. Si l’on désire s’attaquer à la prostitution et aux maffias il faut le faire plus visiblement et directement prohiber la prostitution et se consacrer à l’élimination des mafias .Tel n’est pas le cas de la proposition de loi.

Racolage public La proposition de loi évoque la suppression du délit de racolage. Il convient de souligner que cette suppression dont on parle beaucoup n’est pas encore réalisée. Il est invoqué que la suppression du délit de racolage est la contrepartie justifiée de la pénalisation du client. On ne voit pas le rapport ou du moins la justification de la contrepartie n’est pas juridiquement fondée. Il est invoqué de même que cette suppression du racolage est « imposée » par une directive européenne. Il n’existe pas à notre connaissance de directive européenne « imposant explicitement » cette suppression aux termes de l’article 8 de la directive européenne du 5 avril 2011 « Les Etats membres prennent, dans le respect des principes fondamentaux de leur système juridique, les mesures nécessaires pour veiller à ce que les autorités nationales compétentes aient le pouvoir de ne pas poursuivre les victimes de la traite des êtres humains et de ne pas leur infliger de sanctions..

Répression du client Le texte proposé initialement par la députée (peine de prison) a été amendé par le gouvernement. La sanction est une amende de 1 500 euros au plus. Elle est portée à 3000 euros en cas de récidive hors les cas où la loi prévoit que la récidive de la contravention est un délit (ex en cas de grande vulnérabilité de la prostituée ou de minorité) Il n’existe donc plus de peine de prison. Un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’acte sexuel peut être prévu en tant que mesure alternative ou complémentaire aux poursuites. On doit regretter l’absence de campagne de sensibilisation préalable mais surtout l’incohérence avec les dispositions légales ou jurisprudentielles qui prévoient que la prostitution est une activité légale et non indigne. Il convient par ailleurs de dénoncer l’erreur de cible (Ce n’est pas le client qu’il faut poursuivre supra)

Sortie de la prostitution Le gouvernement s’est engagé à mettre 20 millions d’euros par an pour financer le «parcours de sortie de la prostitution». Par ailleurs une autorisation provisoire de séjour de six mois sera délivrée aux migrantes qui s’engagent dans le parcours de sortie de la prostitution. Jusqu'à présent, seules celles qui dénonçaient leur proxénète y avaient droit. Elles bénéficieront de l’allocation temporaire d’attente (336 euros par mois) Pour certains octroyer un titre de séjour non plus seulement aux personnes prostituées qui dénoncent leur proxénète, mais à celles qui s'engagent dans un parcours de réinsertion risque de créer un appel d'air ? Enfin peut-on protéger véritablement les prostituées dont les familles sont restées au pays et qui seront menacées

Suggestions /Propositions (non formulée dans la proposition de loi)
-L’amélioration de la poursuite contre les réseaux et les proxénètes comme le prévoit la proposition de loi pourrait consister en l’établissement de conventions internationales et d’un parquet européen centralisant les poursuites. La perte d’efficacité résulte aujourd'hui d’une multiplicité de parquets nationaux et de l’application de diverses lois nationale qui de ce fait qui ne sont pas toujours identiques
-L’amélioration du sort de la prostituée dont l’activité est licite et juridiquement reconnue devrait avoir lieu par le biais de la reconnaissance de droits attachés à son activité prostitutionnelle

Statut de la prostituée Il n’est toujours pas prévu de statut professionnel pour la prostituée alors que l’activité est licite ce qui est hypocrite. La prostituée ne peut donc faire valoir ses droits en justice. On favorise de la sorte indirectement sa recherche d’une protection et donc le proxénétisme. Par ailleurs la prostituée doit payer des impôts et doit régler des cotisations sociales sans bénéficier de droits sociaux puisque son activité n’est pas une profession. Notons que sur ce dernier point les poursuites de l’Urssaf sont exceptionnelles. Mais dans l’hypothèse d’une nouvelle législation cette mansuétude peut ne pas demeurer

Sécurité Hygiène Sanitaire La clandestinité dans laquelle devra agir la prostituée du fait de la proposition nouvelle de loi pénalisant le client accroît le problème sanitaire. Faut-il notamment oublier le Sida, les maladies vénériennes, ou plus généralement l’insécurité des zones de clandestinité

Senat belge Le travail du Sénat belge est extrêmement critique à l'égard de la législation suédoise, au vu de ses résultats.

Suède Le modèle suédois où le client est pénalisé est pris en exemple par les auteurs de la proposition de loi. La France serait un des rares pays à suivre ce modèle suédois à l’exception de la Norvège. Ce modèle Suédois est toutefois critiqué par divers auteurs et chercheurs suédois. L’accompagnement social est un échec. Par ailleurs le Danemark qui a particulièrement étudié le modèle suédois a rejeté récemment l’idée de la prohibition d’achat d’acte sexuel. Enfin le Sénat belge est critique à encontre d’un tel modèle

Système prostitutionnel terme à critiquer. Quel système ?

Vulnérabilité des personnes prostituées. Il a été proposé dans le cadre d’un amendement à la proposition de loi de considérer que la prostituée est en état de vulnérabilité En cas de violence à l’égard d’une prostituée selon la proposition débattue (au Sénat) la sanction est donc accrue dans la mesure où la prostituée est considérée comme une personne vulnérable. La disposition est critiquée sur le plan de l’équité. Il est considéré que bien d'autres personnes sont tout autant vulnérables ; la seule différence, c'est qu'elles se mettent moins en danger. Ce qui est incohérent est le fait que la proposition de loi accroît elle-même la vulnérabilité de la prostituée en ce qui concerne leur précarité, leur santé, leur sécurité et leur stigmatisation du fait même de la pénalisation du client. Il existe là un certain paradoxe

En conclusion : Incohérences et paradoxes. Absence de conformité à l’évolution juridique et jurisprudentielle
Ce qui choque réside dans le fait :
- Que les propositions formulées ne correspondent pas à la finalité que les auteurs de la proposition de loi pénalisant le client disent vouloir poursuivre (ou soit disant poursuivre)
- On prétend vouloir lutter contre les réseaux de prostitution mais on lutte contre le client et on disperse ainsi les budgets et les forces policières.
- On dit vouloir protéger la prostituée, la considérer comme une victime mais on ne lui donne pas le minimum des droits auxquels tout professionnel peut prétendre, on ne lui reconnait pas notamment de droit lié à son activité, on accroît son insécurité, on favorise ainsi la recherche d'un protecteur.
- On pénalise le client alors qu’il répond à des sollicitations légales
- Par ailleurs la proposition de loi n’est pas conforme à l’évolution de la jurisprudence française ou européenne qui considère que la prostitution n’est pas indigne ou contraire aux bonnes mœurs

Il serait heureux de repenser la proposition de loi relative à la prostitution en s’inspirant peut être au départ du seul rapport important qui a été établi il y a quelques années en France ; « le rapport PINOT ». Ce rapport de Guy Pinot magistrat avait été jugé trop libéral par le gouvernement de l’époque de Monsieur Valéry Giscard D’Estaing. Il prévoyait la suppression du racolage passif et la possibilité pour les personnes prostituées d’exercer dans des studios ou meublés dont elles étaient locataires ou propriétaires


*Jacques Delga
Professeur honoraire à L’Essec
Ancien avocat

 

*Jacques Delga est professeur honoraire à l'ESSEC, ancien avocat et professeur associé des universités. Il est l'auteur de divers ouvrages juridiques  et de gestion ou d'articles relatifs à la mondialisation. Il s'intéresse aussi aux rapports humains et à des thèmes inspirés de l'actualité. Il est ainsi l'auteur d'un ouvrage récent intitulé "Sexualité, libertinage, échangisme et Droit"  éditions l'Harmattan et d'un autre à paraître fin juin "Cent questions sur la prostitution" éditions ESKA. Ce dernier thème est en liaison avec la proposition de loi déjà votée en première lecture à l Assemblée Nationale tendant à pénaliser le client de la personne prostituée.


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